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Louis Hemon

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Par   •  8 Juin 2015  •  2 084 Mots (9 Pages)  •  543 Vues

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Intérêt documentaire

Ce roman réaliste était destiné à un public français auquel il devait procurer une évasion exotique. Il avait donc une fonction documentaire sinon ethnographique, Louis Hémon, qui avait vécu six mois sur le terrain, qui était doté d’une puissante capacité d'observation des milieux et des êtres et qui s’y est livré avec une attention sympathique, s’étant minutieusement renseigné. Il s’est en quelque sorte représenté dans les trois Français qui ont acheté la terre de Lorenzo Surprenant, qui sont pleins de «curiosité».

Il indiquait avec beaucoup de précision les lieux de l’action dans la région nordique du Lac-Saint-Jean. Le climat est rigoureux, «le retour de l’inexorable hiver» s’annonçant dès l’automne. Pour certains, Louis Hémon en aurait apprécié la vivacité parce qu’il était doté d’un tempérament de sportif, mais d’autres remarquent qu’il a préféré passer l’hiver à l’hôtel de Saint-Gédéon. Il aurait aimé aussi les joies viriles du travail agricole. Il fut en tout cas sensible au charme du paysage grandiose de la région sauvage de Péribonka, où les Chapdelaine et leur seul voisin immédiat, Eutrope Gagnon, vivent isolés dans les bois, «de l’autre bord de la rivière (Péribonka), en haut des chutes, à plus de douze milles de distance, et les derniers milles quasiment sans chemin (page 26). Les rares visites que les Chapdelaine effectuent à Honfleur constituent leur principal contact avec le monde extérieur ; ils y vont pour acheter de la graine de semence ou pour assister à la messe ou à des «veillées» chez Éphrem Surprenant. Les distances sont nettement calculées : «De chez eux au village de Honfleur : huit milles... De Honfleur à La Pipe : six... À La Pipe son père.... continuerait vers Mistook... Elle se reprit et au lieu du vieux nom indien que les gens du pays emploient toujours, elle donna au village son nom officiel, celui dont l’avaient baptisé les prêtres : Saint-Coeur-de-Marie» (page 204). Il mentionnait également Saint-Prime, Saint-Félicien, Saint-Michel-de-Mistassini et d’autres localités de la région.

Tandis que la forêt constituait une tentation pour les coureurs de bois qui préféraient la trappe des animaux (Hémon eut raison de voir en la forêt la première industrie du Québec), le commerce des fourrures, la mobilité, au travail de la terre, les Chapdelaine étaient des «colons», «la colonisation», dont le clergé du temps faisait la promotion, étant la transformation de la forêt en terrain agricole pour accaparer le territoire québécois, assurer, par cette occupation du sol, la sauvegarde de la culture traditionnelle, en se protégeant contre les tentations de la vie urbaine, l’emprise des anglophones («Autour de nous des étrangers sont venus, qu’il nous paît d’appeler des barbares ; ils ont pris presque tout le pouvoir ; ils ont acquis presque tout l’argent») et l'exil vers les États-Unis où Lorenzo Surprenant gagne de «bonnes gages».

Les colons achetaient une concession, la défrichaient et, après quelques saisons, étaient en mesure de s’y livrer à des activités agricoles, d’y faire pousser du blé et d’y mettre des animaux au pacage. Louis Hémon n’a pas caché «les mille duretés d’une terre impitoyable» dans un pays cruel, voire inhumain. Il a montré que les conditions dans lesquelles ils vivaient étaient extrêmement difficiles, car leur travail harassant ne leur rapportait guère de bénéfices, les récoltes n’étant pas toujours généreuses. De plus, le bétail, ici peu nombreux, était à la fois fragile et exigeant. Enfin, les éléments constituaient une menace supplémentaire à la survie et au succès de l’entreprise. Le type d’agriculture que pratiquaient les Chapdelaine est plutôt archaïque. Ils ne semblaient pas se servir d’insecticides, et les seuls engrais utilisés étaient d’origine animale. De plus, ils cultivaient du blé, lequel est fragile et épuisant pour le sol et ne pousse pas très bien à des latitudes aussi nordiques.

Louis Hémon décrivait «la petite maison carrée» qu’habitent les Chapdelaine et qu’ils ont construite eux-mêmes : elle est constituée essentiellement de la cuisine-salle commune, séparée par un demi-mur de la chambre des parents et de celle de Maria et Alma-Rose. Le grenier sert de chambre à coucher aux garçons de la famille, du moins pendant l’été. Le «grand poêle à trois ponts» (page 43) occupe le centre de la maison. Les murs sont décorés de calendriers agricoles et d’images pieuses. À l’extérieur, on trouve «le four, coiffé de son petit toit de planches», «la grange de planches mal jointes», «l’étable faite de troncs bruts entre lesquels on avait forcé des chiffons et de la terre» (pages 69-70).

Les habitants sont ignorants et illettrés, et se distinguent donc des bourgeois comme Wilfrid Tremblay, «le marchand, qui avait une si belle façon et essayait toujours de parler comme les Français». Leur vie sociale était organisée autour des paroisses, des églises, les prêtres jouant un rôle considérable, car ils leur faisaient aveuglément confiance, sans exercer leur sens critique. Le culte catholique ponctuait les moments importants de la journée : les bénédicités avant d’entamer les repas ; «la prière de chaque soir» («cinq Pater, cinq Ave, les Actes, puis les longues litanies») ; le chapelet récité «à l’heure de la messe» quand ils ne peuvent se déplacer pour y assister. Louis Hémon, s’il fait vanter par une des voix qu’entend Maria «la solennité chère du vieux culte», avait, sur cet aspect, un point de vue quelque peu subversif : le curé Tremblay a «disputé» François Paradis parce qu’il avait dit ne pas avoir peur du diable ; les recommandations que le conseiller psychologique et le guide spirituel qu’est censé être le curé de Saint-Henri fait à Maria ne sont pas adaptées aux besoins de la jeune femme endeuillée et, lors de la mort de Laura, il se livre à tout un théâtre quand il apporte le Saint Sacrement ; Maria récite ses «mille Ave» la veille de Noël, au moment même de la mort de François Paradis, ce qui est une pique quelque peu cruelle. Mais les habitants s’appuient aussi sur des superstiotions, et la mère Chapdelaine s’était «façonné une sorte de polythéisme compliqué. un monde surnaturel de génies néfastes ou bienfaisants» (page 46).

Le romancier détailla les vêtements des paysannes québécoises qu’il comparait à ceux des Françaises : «Jeunes ou vieilles, jolies ou laides, elles étaient presque toutes bien vêtues, en des pelisses de fourrure ou des manteaux de drap épais ; car pour cette fête unique de leur vie qu’était

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