LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Louis Aragon « Que Serais-je Sans Toi » (Le Roman Inachevé, 1956) (Commentaire Composé)

Mémoire : Louis Aragon « Que Serais-je Sans Toi » (Le Roman Inachevé, 1956) (Commentaire Composé). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  28 Janvier 2015  •  1 974 Mots (8 Pages)  •  6 951 Vues

Page 1 sur 8

Louis Aragon « Que serais-je sans toi » (Le Roman inachevé, 1956) (Commentaire composé)

Introduction

L'amour d'Aragon et d'Elsa appartient aujourd'hui presque à la légende. Autant savoir donc que le poète rencontra en 1928 Elsa Triolet, une jeune femme soviétique, elle-même écrivain , que leurs vies, dès lors, furent inséparables de même que leurs œuvres publiées sous le titre d'œuvres croisées. Elle a inspiré au poète un chant d'amour de plus de trente-cinq ans.

Le roman inachevé est un long poème publié en 1956 dans lequel Aragon fait un retour en arrière sur sa vie, établit une sorte de bilan provisoire, analyse ses évolutions et s'interroge sur le sens de son parcours d'homme et d'écrivain.

« Prose du bonheur et d'Elsa » est l'évocation de cette métamorphose du poète, arraché à la solitude et au désespoir par l'amour. Dans cet extrait composé de trente alexandrins regroupés en cinq sizains s'élève un « cantique à Elsa », l'inspiratrice inespérable de l'écrivain.

Lecture

J'étais celui qui sait seulement être contre

Celui qui sur le noir parie à tout moment

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre.

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.

Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

Un bonhomme hagard qui ferme sa fenêtre

Un vieux cabot parlant dans anciennes tournées

L'escamoteur qu'on fait à son tour disparaître

Je vois parfois celui que je n'eus manqué d'être

Si tu n'étais venue changer ma destinée

Et n'avais relevé le cheval couronné (1)

Je te dois tout je ne suis rien que ta poussière

Chaque mot de mon chant c'est de toi qu'il venait

Quand ton pied s'y posa je n'étais qu'une pierre

Ma gloire et ma grandeur seront d'être ton lierre

Le fidèle miroir où tu te reconnais

Je ne suis que ton ombre et a menue monnaie

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.

Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.

J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines

Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.

Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.

J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.

Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu

Que le bonheur n'est pas un quinquet (2) de taverne.

Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne

Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.

Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

(1) cheval couronné : cheval qui est tombé et qui s'est blessé au genou

(2) quinquet : ancienne lampe à huile

Aragon, Le Roman inachevé, Que serais-je sans toi

I/ La métamorphose du poète

1/ Le désespoir de la vie sans Elsa

Ecrire le « roman inachevé » de sa vie, c'est pour Aragon dire ce qu'il était jadis, dans un passé évoqué par l'imparfait du premier vers. Il tente de lire de cette évocation d'un être négatif (« J'étais celui qui sait seulement être contre » v.1) l'image de celui qu'il aurait pu devenir sans Elsa.

A partir des couleurs funèbres d'hier (« poque du pessimisme symbolisée par l'image du joueur « qui sur le noir parie à tout moment », v.2), il dessine celles tout aussi sinistre d'une vie gâchée. C'est à travers une série de métaphores que le poète reconstruit fictivement cette existence au conditionnel qui a, grâce à la rencontre d'Elsa, la valeur d'un irréel du présent.

« Que serais-je sans toi » (v.3) : cette interrogation ouvre la voie à un triste rêve développé dans les premières strophes. Cauchemar d'une vie sans amour suggéré par l'image du « cœur au bois dormant » (v.5), angoisse d'une vie sans espoir immobilisée dans le temps (« cette heure arrêtée au cadran de la montre » , v.4), vie sans perspective, sans ouverture (« Un bonhomme hagard qui ferme sa fenêtre », v.7), sans communication (« ce balbutiement », v.6), existence vouée au démon de la nostalgie (« Le vieux cabot parlant des anciennes tournées », v.8) et à l'humiliation de la souffrance (« le cheval couronné », v.12)

2/ L'angoisse du vieillissement et de la mort

L'utilisation d'un lexique dépréciatif dévalue encore cette vie marquée par le vieillissement prématuré (« Un bonhomme hagard », v.7 ; « Le vieux cabot », v.8) et l'absence d'authenticité (« L'escamoteur » v.9).

Mais à travers ces portraits rapides esquissés avec ironie en un vers, ce qui affleure, c'est la crainte de l'inerte, de la mort elle-même.

La vie d'Aragon sans Elsa serait celle d'un mort-vivant. Existence

...

Télécharger au format  txt (11.6 Kb)   pdf (121.5 Kb)   docx (13.7 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com