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Lorenzaccio

Commentaire d'oeuvre : Lorenzaccio. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Mai 2013  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 616 Mots (7 Pages)  •  883 Vues

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rquoi Musset écrit-il Lorenzaccio en en refusant par avance toute représentation ?

Exclure toute représentation de Lorenzaccio, c’est d’abord pour Musset, conjurer sa hantise de l’échec, tenace depuis le four de La Nuit vénitienne les 1er et 3 décembre 1830 à l’Odéon, fiasco que ni lui ni Harel n’avaient pressenti et que le jeune dramaturge jugeait immérité. La peur de l’échec est dès lors un thème récurrent de sa production théâtrale. Entreprendre, agir, se confronter à la dure réalité, cela inquiète Musset car « Entre la coupe et les lèvres, il reste encore la place pour un malheur ». Le « Prends garde, Philippe » de Lorenzo, c’est aussi un avertissement que l’écrivain lucide adresse au jeune homme pas toujours réaliste qu’il est encore. Le succès de scandale de ses Contes d’Espagne et d’Italie en 1829 et celui d’Hernani en février1830 l’avaient encouragé à écrire pour la scène, mais sa pièce a déplu.

En n’écrivant pas pour la scène, il n’aura pas à craindre d’être de nouveau exposé aux sifflets ininterrompus d’un public « aussi sot que celui-là », selon ses propres termes, qui a peu goûté les subtilités de son style emberlificoté et la fantaisie démodée d’une intrigue « à la Marivaux » auxquelles quatre ans plus tard, On ne badine pas avec l’amour reste encore fidèle ! Certes il a renoncé à écrire en vers, mais Musset n’a pas renoncé à son « style louis XV » sous Louis-Philippe (Paul Bénichou). Le grand public préfère aux drames historiques les vaudevilles grivois donnés au théâtre des Variétés et les mélodrames sociaux tel que cet excitant Robert Macaire qu’on s’apprête à donner aux Folies-Dramatiques avec le truculent Frédéric Lemaître dans le rôle-titre … Musset qui continue à aller au théâtre chaque soir ne peut l’ignorer.

Il n’aura pas à affronter la répugnance qu’il peut facilement pressentir chez les partisans du théâtre classique pour une pièce où s’affiche de nouveau sa désinvolture dans le traitement de l’espace et du temps, où se déverse l’ironie d’un débauché cynique, loin de l’élan et de la grandeur qu’exige une composition tragique. En outre il ne peut ignorer que les milieux aisés, tout libéraux qu’ils sont, jugent intempestifs de nouveaux appels à la liberté auxquels la Monarchie de juillet a apporté une réponse, à leurs yeux, satisfaisante.

Il n’aura pas non plus à subir ouvertement les attaques de son propre camp, de l’école romantique avec laquelle il a pris ses distances après avoir été quatre ans plus tôt un champion du Cénacle. Seul Gautier l’apprécie. Ses amis n’ont guère apprécié qu’il ait tourné en dérision la mission sacrée du poète dans Les vœux stériles et qu’il ait de nouveau dénoncé leurs prétentions dansla dédicace qui précède La coupe et les lèvres. Hugo a le vent en poupe, il vient de triompher avec Lucrèce Borgia au théâtre de la Porte-Saint-Martin qu’a repris François Harel, avec à l’affiche Melle Georges et Frédéric Lemaître, mais c’est un drame plus moderne, capable d’inscrire les passions romantiques dans une intrigue contemporaine qu’appelle de ses vœux la presse unanime après Marie Tudor. « Surtout nous voulons des peintures d’actualité », prévient le journal ultra Le Rénovateur tandis que L’Artiste annonce : « Il y aura évidemment une réaction prochaine contre l’histoire dramatisée. » Voilà qui n’est pas de nature à rassurer Musset. Il s’interroge : « Que dit-on de nous dans les théâtres ? de nous dans les livres ? » (cité par Florence Naugrette, p. 221). On ne badine pas avec l’amour n’est-il pas plus dans l’air du temps que Lorenzaccio ?

Enfin il se soustrait à de nombreuses responsabilités, toute représentation impliquant la collaboration de toute une équipe et des enjeux financiers. Le théâtre, art collectif, impose des contraintes plus grandes que l’édition. Indépendant, Musset n’aura affaire qu’au directeur de La Revue des deux mondes, Buloz, pour la publication de sa pièce … et à ses lecteurs qui, s’ils sont déçus, n’auront du moins pas effectué un déplacement inutile ! (cf sa dédicace au lecteur dans la première livraison d’Un spectacle pour un fauteuil). Dans leur fauteuil, ils se seront faits metteurs en scène d’une représentation imaginaire, choisissant librement interprètes, costumes et décors, passant d’un lieu à l’autre, d’un jour à l’autre, délivrés des pesanteurs d’une lourde machinerie.

Mais ce faisant, il se marginalise volontairement, renonçant à une source de revenus importante pour un homme de lettres et à un moyen d’étendre sa notoriété et son influence à l’instar d’un Alexandre Dumas et d’un Victor Hugo. Les conséquences personnelles de ce refus ont sans doute été considérables d’un point de vue socio-économique. Les conséquences littéraires sont plus heureuses, selon Florence Naugrette (p. 151) :

« Débarrassé des contraintes scénographiques de son époque, Musset va inventer un espace entièrement nouveau, qui renoue avec l’éclatement spatio-temporel shakespearien, qui préfigure les révolutions scéniques du XXe siècle.

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