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Les méchants en littérature: N.Stavroguine Les Démons, Dostoïevski

Fiche de lecture : Les méchants en littérature: N.Stavroguine Les Démons, Dostoïevski. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Avril 2017  •  Fiche de lecture  •  968 Mots (4 Pages)  •  1 035 Vues

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Ecrit dans les dernières années de la vie de Dostoïevski, Les Démons (Les Possédés) est un roman de la décadence au même titre que L’Eternel Mari (1870) ou Les Frères Karamazov (1880). Présenté initialement en feuilleton dans le journal Le Messager Russe en 1871, cette œuvre met l’emphase sur la déliquescence de la société russe par le biais de personnages violents, dont les actions sont le reflet de l’égarement du peuple d’une part, et celui de l’auteur d’autre part. En point d’orgue Nicolaï Vsévolodovitch Stavroguine, érudit, dandy et bel homme commet d’innommables atrocités que lui dicte un nihilisme inhérent, duquel il est la plus pure expression.
 

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Dix ans après Les Démons, Ivan Karamazov nous prévenait « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ». Pourtant, il semble que Dostoïevski ait appliqué cette même maxime bien avant qu’Ivan ne nous la livre. Et c’est devant une pléthore de personnages se livrant à diverses forfaitures, que nous apparaît l’effroyable abomination de Stavroguine, transpirant l’orgueil et le mépris. Alors même que nous pourrions garder en mémoire la sanguinolente ardeur de Piotr Stépanovitch Verkhovensky, c’est véritablement ce Nicolaï Vsévolodovitch qui est l’emblème de la monstruosité.
Déjà, Nicolaï n’est pas du tout le même genre de personnage, loin s’en faut. Bien loin du sanguinaire, il n’est absolument pas le type du fanatique prêt à tout pour défendre ses idées et les maintenir.
Concevoir la méchanceté de Stavroguine n’est pas une mince affaire. Elle réside d’abord dans une forme d’ambivalence. Il est extrêmement raffiné, érudit, séduisant. Il a beaucoup lu et beaucoup vu : après avoir avalé son déjeuner et les escaliers il s’est rendu au musée de Dresde en Allemagne plus d’une fois. Sa beauté physique en fait un homme tout à fait charmant et il possède l’art de la raillerie et de l’ironie. Mais cet aspect clairement positif tranche avec sa monstruosité, comme s’il possédait en lui les deux faces de l’humanité. Cette monstruosité s’explique dans l’absence de barrières, d’enceintes entre lesquelles le personnage évoluerait. Donc, effectivement, on peut entendre Dieu à la manière de Dostoïevski, comme une forme de limitation car la religion, en partie, possède cette fonction de restriction. Cependant, Dieu n’existe pas à l’esprit du noble russe, et cette non-existence traduit une absence de limitation. De fait, confrontée à la réalité sans aucun filtre, la méchanceté a libre cours. Elle n’est pas enfouie au plus profond de l’être ou même provoquée par un affront. Non, elle jaillit et supplante tout principe manichéen. En fait, le concept du bien et du mal est simplement repoussé, voire écrasé par le personnage lui-même. Si l’on ne l’avait pas saisi le long du roman, la dernière partie ne nous laisse plus aucun doute. Ainsi, dans « La confession de Stavroguine » ce dernier déclare : « C’est à ce moment, tandis que je buvais du thé et bavardais avec ma bande, que je pus me rendre compte très nettement, pour la première fois de ma vie, que je ne comprenais pas et ne sentais pas le Bien et le Mal ; que non seulement j’en avais perdu le sentiment, mais que le Bien et le Mal, en soi, n’existaient pas (cela m’était fort agréable), n’étaient que des préjugés, que je pouvais certainement me libérer de tout préjugé, mais que si j’atteignais cette liberté, j’étais perdu. »
C’est en cela que la méchanceté de Nicolaï est différente, l’extinction du sentiment du Bien ou du Mal, autrement dit l’extinction de la moralité permet
in fine d’annihiler toute explication ou tentative de justification du recours à la méchanceté. Il ne faut plus, alors, l’imaginer comme un medium, c’est-à-dire un moyen de réponse mais plutôt comme un but. Le personnage de Stavroguine répond parfaitement à l’idée de méchanceté comme dessein : qu’elle soit verbale ou physique, elle cherche à procurer une sensation plaisante et intéressante à ses yeux. Néanmoins, son évolution constante entre deux eaux, celle du Bien et du Mal pose une autre question, celle de la liberté. Effectivement, l’éclipse de la moralité engendre une très grande liberté d’action, une très grande liberté de faire quasi absolue, ce qui provoque une sensation appréciable. C’est extrêmement effrayant. Cela participe à la construction d’une imprévisibilité de la méchanceté et permet de la réaliser au simple nom de la liberté. Autrement dit c’est agir en fonction d’aucun principe déterminant si ce n’est celui du « pouvoir faire ». Le problème le plus angoissant chez Stavroguine, c’est qu’il n’agit même pas au nom de la liberté, pour se prouver sa liberté, mais il agit à partir de rien. Ex nihilo. Il transcende toute forme d’éthique et son action ne peut se concevoir que dans une forme de ridicule tant elle est issue d’un pur nihilisme et tant elle n’a aucun sens. Elle n’est déterminée que par la possibilité de pouvoir faire.
En cela, Nicolaï n’appartient à aucun « type » de méchant, il est unique. Il a pour ligne de conduite la méchanceté nihiliste. A l’instar du malade atteint d’insensibilité congénitale à la douleur, Stavroguine est atteint d’insensibilité congénitale à la morale. Il ne tend ni complétement vers le mal ni absolument vers le bien. Personnage, ni chaud, ni froid, ni tiède, il n’est rien et revendique cette insensibilité, il l’assume et veut que tout le monde en prenne conscience, guidé par un besoin non pas de reconnaissance mais de pardon général. Nonobstant que ce pardon ne soit qu’une forme de soulagement temporaire et comme le souligne le moine Tikhone, qu’il ne soit qu’un moyen de perpétuer encore et toujours ses ignobles crimes. En définitive, Nicolaï Vsévolodovitch Stavroguine est un personnage flou, indéterminé, incompréhensible, pris entre tout et rien à la fois, si bien que l’on a du mal à se le représenter. Il apparaît comme un mauvais rêve dans son costume de vraisemblance. C’est le mythe de la décadence humaine.
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