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Les Poètes Souffrent-ils De Leur Différence Ou La Revendiquent-ils ?

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Par   •  25 Janvier 2013  •  2 216 Mots (9 Pages)  •  1 076 Vues

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La poésie est un genre littéraire très ancien ; ses formes peuvent varier, puisqu’elle admet les vers tout comme la prose. Son étymologie remonte au mot grec « poiein » qui signifie « faire, créer » : le poète est donc, logiquement, un créateur, celui qui façonne et met en forme l’expressivité primordiale de ses œuvres. Le poète recherche la libération par le poids accordé aux mots, grâce à l’utilisation de figures de style par exemple. Le poète se montre généralement à l’écoute du monde, menant une réflexion sur la fonction du langage, ce dernier étant un matériau artistique à façonner sans cesse afin de parvenir à le faire exister, vivre au-delà de sa fonction initiale et utilitaire. Cependant, ces artistes semblent toujours porter en eux une part d’ombre, plus ou moins difficile à cerner, à travers les siècles ; ce sont des êtres marginalisés, intériorisés, mais de manière contradictoire toujours en quête d’exaltation et d’échappatoires. Alors, ces âmes sont-elles aussi torturées que l’on peut le penser ? Les poètes souffrent-ils réellement de leurs différences, ou bien les revendiquent-ils fièrement ? Nous allons étudier cette problématique, afin de tenter de trouver une réponse à cette interrogation, plus complexe qu’elle n’en a l’air au premier abord.

Tout d’abord, les poètes paraissent bien souvent, et depuis la nuit des temps, être des personnages meurtris, torturés, blessés par leur destinée. Ils envisagent cela comme une fatalité, une malédiction qui les a choisis, qui les condamne inévitablement à la différence et la peine. Comment ne pas approuver, lorsque nous lisons des poèmes tels que ceux de Rimbaud, ouvertement expressifs d’un palpable mal-être ? Lui-même, à travers son écriture, montre aux lecteurs son malaise irrépressible ; son poème « Le mal » est une parfaite preuve de l’angoisse dont il se sentait pétri, de la souffrance éprouvée à l’instant de l’écriture, du besoin d’exorciser ses douleurs… tout ceci, finalement, pour hurler silencieusement entre ses lignes un désir de beauté, d’harmonie, de bohème et de liberté, d’un bonheur qui lui paraît interdit. Rimbaud se trouve sans arrêt dans une course effrénée après l’élévation de lui-même, à travers une envie de sensations et de sensualité inaccessibles ; il ne désire que se surpasser, se trouver, tel un éternel adolescent assoiffé d’un paradis inatteignable, au cœur d’une nature tant convoitée, loin de tout, qu’il ne peut malheureusement pénétrer que dans les méandres de son imagination. Par la faute de cette destinée assassine, véritable malédiction, les poètes affichent souvent une image très négative d’eux-mêmes ; Corbière se voit comme une horreur, un être répugnant dans son poème « Le crapaud », Edgar Allan Poe s’imagine comme un corbeau – une âme damnée, condamnée au malheur éternel à cause du manque d’amour – dans son œuvre « Le corbeau », Baudelaire se perçoit tel un albatros exilé et solitaire perdu au gré des vents glaciaux – un animal hanté luttant contre la tempête pour ne pas stagner –, et Lautréamond se sent aussi violent qu’un requin – il déteste apparemment se montrer devant les autres hommes pour lesquels il ne ressent que le plus total désintérêt voire du mépris, il se trouve laid et méchant, haineux, ainsi que révolté et supérieur, vivant dans un besoin de destruction mais d’infini. Pour ces artistes, la mort est une victoire.

Ensuite, un poète doit apparemment souffrir pour réussir à se sentir entier, à rester toujours lui-même, à se cultiver à la manière qui est propre à tous ces artistes incompris : il faut rester enchaîné intérieurement afin de sentir l’inspiration venir et de trouver une libération grâce à l’art. C’est ce qui forge l’essence des poètes : ils sont inévitablement meurtris. Et cette facette de leur personnalité leur apporte assez de sensibilité pour faire fructifier leur incroyable talent, comme le suggère avec justesse Théodore de Banville dans ses « Odelettes ».

Enfin, il semblerait que la différence d’état d’esprit dans laquelle vivent les poètes leur cause un questionnement incessant à propos d’eux-mêmes, de leur propre personnalité, mais aussi de la vie et de tout ce qui constitue cette dernière : l’environnement naturel, l’humanité , les présences célestes… Ceci entraîne une totale et récurrente remise en question de la société, de tout ce qui nous entoure, des plus infimes détails jusqu’aux secrets de la création de l’univers. Le poète s’oblige donc à entretenir une observation philosophique et démesurément précise de tout ce qui compose son monde, et grâce à l’avis de Théophile Gautier sur la question dans « Préface de Mademoiselle de Maupin », nous savons comprendre qu’il s’agit bel et bien d’une souffrance psychologique de tous les instants. Selon Gautier, seul un art recherché pour lui-même permet d’atteindre l’ultime beauté ; pour cette raison, l’artiste guette l’expression pure de la beauté en chaque chose, et creuse au maximum l’idée qu’il se fait de son art. Malgré tout, il affirme que rien de ce qui est beau n’est indispensable à la vie : en totale rupture avec le romantisme, Gautier soutient que l’art n’a rien d’utile. Le poète contradictoire que nous retrouvons en Théophile Gautier possède à l’évidence une manière différente de voir ce qui l’entoure, un recul que la plupart des gens n’ont pas, et qui lui permet de tirer des conclusions inattendues ou d’obtenir des réponses inespérées à ses questions – celles-ci s’enchaînant encore et encore, sans jamais ralentir leur flux intense. La curiosité du poète est alors plus un mal qu’un bien ; c’est ce mal-être vis-à-vis du quotidien étrange que les poètes expriment dans leurs vers. Ainsi, un poète tel que Verlaine dans ses « Fêtes galantes » exprimera une intarissable mélancolie avec ses textes, sous un masque de légèreté à travers laquelle parviennent à percer le doute et le vague à l’âme. Il teste un langage nouveau pour effleurer l’inconnu, le suggérer, parvenir à traduire l’indicible et les nuances de ses sentiments, afin que celui-ci puisse devenir pleinement vivant dans le for intérieur du lecteur, à travers la puissance de l’écriture. Verlaine, pour rendre la forme de son poème adaptée à ses fortes sensations de l’instant, décide d’innover dans sa métrique… car, pour un cœur brisé, le rythme se doit d’être rompu. De plus, Mallarmé, lui, choisira d’exprimer son exil et de porter une réflexion tragique sur sa condition grâce à l’utilisation de symboles réguliers, tel que le cygne dans « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui », et du lexique de la solitude et

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