LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Lecture Analytique Marivaux L'île Des Esclaves, Scène 2

Rapports de Stage : Lecture Analytique Marivaux L'île Des Esclaves, Scène 2. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Avril 2014  •  1 999 Mots (8 Pages)  •  17 056 Vues

Page 1 sur 8

Texte n°4 : lecture analytique, scène 2 de l’Ile des esclaves de Marivaux, 1725.

Introduction

Le théâtre de Marivaux reprend la devise de la comédie « castigat ridendo mores » cad « corriger les mœurs par le rire ») et construit une sorte de pont entre la bouffonnerie et l’improvisation traditionnelle de la commedia dell’arte, avec ses personnages stéréotypés (comme Arlequin). Marivaux a été un écrivain prolifique : il a publié une quarantaine de pièces de théâtre, en un ou trois actes le plus souvent, notamment l’Ile des esclaves en 1725 (comédie sociale en un acte et en prose). Le spectateur a découvert dans la scène précédente deux naufragés échoués sur une île, Iphicrate et son esclave Arlequin. Iphicrate a compris qu’il se trouvait dans l’île des esclaves et craint pour sa vie car il connaît la coutume de l’endroit. Dans la scène 2, Trivelin, accompagné de Cléanthis et d’Euphrosine, rencontre Arlequin et Iphicrate au moment où ce dernier s’apprête à frapper son esclave d’une épée. Ce geste violent choque le gouverneur de l’île qui profite du flagrant délit pour exposer aux quatre personnages les lois auxquelles ils devront se soumettre. Sous le contrôle du gouverneur, maîtres et esclaves sont contraints d’échanger leurs noms, vêtements et conditions sociales. Dans notre extrait, Trivelin se comporte en homme de loi épris de raison et justice sociale (// avec les luttes des philosophes des Lumières).

Problématique : comment Marivaux fait-il de Trivelin son porte-parole contre l’esclavage ?

I) Un prolongement de la scène d’exposition

La tirade de Trivelin a pour vocation de poursuivre l’exposition et de mettre en scène l’utopie, en grec « eu-topos » = lieu de bonheur cad une représentation d’une réalité idéale et sans défaut avec un régime politique idéal, une société sans injustice avec des individus vivant en harmonie.

Sur cette île, qui apparaît d’abord comme un refuge presque accidentel, l’utopie s’est construite dans le temps et par opposition à la Grèce : en effet, le cadre spatio – temporel auquel Trivelin fait référence renvoie à une époque qui se caractérisait par une volonté de punir sévèrement les maîtres :

- La référence spatiale : la « Grèce » est le symbole de l’oppression des esclaves par les maîtres. Le champ lexical de la cruauté passée est rappelé : « cruauté, outrages » Trivelin dirige désormais une « île » qui constitue un lieu de refuge et une protection idéale contre toute intervention du monde extérieur. C’est un lieu clos difficile à atteindre (sauf par les hasards d’un naufrage) et tout aussi difficile à quitter comme en témoigne l’avertissement de Trivelin : « Ne cherchez pas à vous sauver de ces lieux, vous le tenteriez sans succès. »

- La référence temporelle « vingt ans après » rappelle qu’au départ, il a fallu punir les maîtres par la mise à mort (acte compréhensible, mais déraisonnable). Mais dorénavant, au XVIIIe siècle, comme la raison constitue une valeur essentielle, il est établi de « corriger » les maîtres.

Il ne s’agit plus de répondre à une cruauté par une autre mais de réapprendre à vivre ensemble.

II) Trivelin, homme de raison et représentant de la loi

A) L’homme de loi et l’homme de raison

Trivelin ne s’adresse pas aux quatre naufragés à titre personnel, mais au nom de l’institution qu’il représente. C’est la raison pour laquelle le pronom personnel « nous » est préféré à la première personne du singulier. Le gouverneur de l’île oublie qu’il fut jadis esclave pour exposer, sans la moindre forme de ressentiment personnel, les lois qui régissent la vie sociale de sa petite République. Ce « nous » s’identifie d’abord par la référence au passé : « nos pères » ; il s’identifie ensuite par opposition au « vous », qualifiant Iphicrate et Euphrosine mais aussi l’ensemble des maîtres qui échouent sur l’île. Trivelin, en utilisant le « nous » parle au nom de sa République et de tous ses citoyens.

Il n’en exprime pas moins, sur un ton énergique et directif, sa volonté de voir respecter l’autorité qu’il incarne : en témoigne l’emploi réitéré de phrases injonctives « mettez à profit », « remerciez le sort » ou l’affirmation catégorique « Ce sont là nos lois » + « C’est l’ordre ». De plus, il se veut le garant de la parole et de l’écoute attentive : il rappelle aux deux valets « Ne m’interrompez point ».

Le « nous » est, en général, sujet de verbes d’action « nous vous corrigeons », « nous vous jetons », « nous prenons ». Le « vous » reste sujet mais de verbes d’état : « devenir, êtes ». Ce jeu sur les pronoms personnels permet d’instaurer une domination provisoire mais non-négociable sur les naufragés qui n’ont pas d’autre échappatoire que de se plier à ce cours d’humanité.

La parole de Trivelin ne saurait être contestée parce qu’elle incarne une loi qui transcende les intérêts individuels.

En faisant respecter les lois en vigueur dans l’Île des esclaves, Trivelin fait également honneur à la mémoire de ses ancêtres. Il fait référence à la génération des « pères » qui furent d’anciens esclaves « révoltés contre leurs maîtres ». Ce rappel historique est l’occasion de d’opposer deux façons de concevoir la mise à l’épreuve des naufragés. A l’esprit de vengeance, jadis pratiquée dans l’île « nous ne nous vengeons plus de vous », se substitue une loi fondée sur la raison : les insulaires ne se vengent plus des maîtres par une mise à mort ; dépassant le stade de la rancœur personnelle, ils les corrigent dans l’espoir de les rendre meilleurs « nous vous corrigeons ». Ils manifestent donc leur foi en la raison humaine.

L’ancienne loi était donc répressive alors que la nouvelle est « douce », plus humaine : elle prévoit même une mesure conservatoire si la conversion échoue : le mariage avec une citoyenne ; ce qui suggère l’idée qu’une place importante est occupée par les femmes dans cette République.

Trivelin se comporte comme un homme civilisé et tolérant : on peut observer la dimension paternelle de ses

...

Télécharger au format  txt (12.5 Kb)   pdf (127.4 Kb)   docx (13.2 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com