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Lecture Analytique - Juliette, De Sade

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Par   •  3 Juin 2014  •  2 306 Mots (10 Pages)  •  2 019 Vues

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Lecture analytique - Juliette, de Sade

INTRODUCTION

Le XVIIIe siècle vit se métamorphoser le genre du roman, qui se diversifia sa forme (dialoguée, épistolaire), et fut très souvent utilisé pour transmettre les pensées philosophiques de ses auteurs : La Nouvelle Héloïse de Rousseau, Jacques le Fataliste de Diderot. Donatien Alphonse Françis de Sade, le « Divin Marquis », n’agit pas autrement quand il écrit, en prison, Juliette ou les prospérités du vice en 1801.

Ce roman de formation suit les mésaventures de Juliette, une jeune femme innocente, qui finira par renoncer aux valeurs sociales et morales, influencée par son mentor, Mme Delbène, une religieuse criminelle. C’est cette dernière qui s’exprime dans l’extrait que nous étudierons : elle y enseigne sa philosophie à Juliette. Les idées qu’elle y développe, si elles prennent la forme d’une leçon de philosophie, ne constituent-elles pas en elles-mêmes un crime ?

Nous tenterons de répondre à cette question après avoir vu en quoi ce monologue ressemble à s’y méprendre à une leçon de philosophie des Lumières, et puis en quoi cette leçon présente une conception du monde radical, au service du désir individuel.

I – Une page de roman philosophique

- personnage de mentor, fréquent dans littérature du XVIIIe : Pangloss (Candide, de Voltaire), Jacques le Fataliste de Diderot, construits selon l’image de Socrate, dans les œuvres de Platon.

A. Une leçon de philosophie ?

- Étude de l’énonciation : Place du locuteur : le locuteur s’efface derrière son propos. La 1ère personne du sing n’apparaît qu’ à trois moments : début du 2e paragraphe : « Juliette, si tu veux, comme moi, vivre heureuse dans le crime » ; « Assez heureuse pour vivre dans un monde dont ma triste destinée m’exile » ; et la toute fin du texte.

- en revanche, la première personne du pluriel est présente, mais elle a une valeur générique, désigne « l’homme ».

- Mais l’interlocutrice, Juliette, est beaucoup plus présente : cette leçon s’adresse à elle : la 2e personne parcourt tout le texte. Le second paragraphe commence même par une apostrophe pleine de promesses: « Ô Juliette » (l.8),

è le didacticien s’efface derrière son sujet, il n’est là pour parler de lui mais pour expliquer le monde.

- il s’agit d’un discours didactique

- un raisonnement : la thèses sont mises en valeur, notamment par l’utilisation de la question rhétorique : « la libertinage devient très promptement une habitude » (l.3)

- utilisation d’exemples, introduits par la préposition « comme » : « comme la lubricité » (l. 3), de connecteur logiques exprimant la cause (« parce que », l. ) et la conséquence : « alors « (l.13 ; « c’est alors que », l.23) : Mme Delbène mêle le discours explicatif à l’argumentatif, en analysant un phénomène à la manière d’un scientifique.

- discours explicatif : emploi du présent de vérité générale (« tous (les égarements) peuvent se changer aisément en coutume » (l.4)

- argumentatif : Mme D cherche à convaincre Juliette : emploi du futur de l’indicatif : « C’est alors que tu reconnaîtras » (l.23) et du mode impératif : « Tâche de » (l. 9) qui révèle bien le rôle professoral de Mme Delbène ; « Ne résiste jamais » (l. 31)

B. le legs de la philosophie des Lumières

On retrouve dans ce texte les grands thèmes abordés par la Lumières.

1. le discours scientifique

Le discours scientifique, et notamment les sciences naturelles, se sont considérablement développés sous les Lumières ; il participait à une tentative rationnelle d’explication du monde. Vocabulaire scientifique, du naturaliste : « fluide nerval » (l.5), « fluide électrique dans lequel réside le principe de la vie » (l.15) ; Mme D parle des symptômes du désir de manière physiologique : « un feu dévorant et délicieux se glissera dans tes nerfs » (l. 14), « un chatouillement qui, ressemblant beaucoup à cette passion » (l. 5-6)

Cet apparat scientifique donne une facture scientifique au discours de Mme Delbène, une apparence d’objectivité, une qualité indiscutable.

2. la critique des institutions sociales

L’une des principales caractéristiques des Lumières était la remise en cause des institutions sociales et religieuses, de leur arbitraire. Mme Delbène les critique avec virulence. Les « convenances humaines » sont qualifiées de « ridicules (l. 11), les « lois » sont réduites à une vue de l’esprit, appelées ainsi par « les sots » (l. 24), la morale est associée à des « préjugés » (l.21) : les institutions qui forment le tissu de la société de l’époque sont désignées de manière péjorative, et seront terrassées par « la sagesse » (l.22), c’est-à-dire la Raison. Mme Delbène taxe de « faiblesse » des lois, à qui elle refuse toute légitimité naturelle : « Tu reconnaîtras la faiblesse de ce qu'on t'offrait autrefois comme des inspirations de la nature” (l.23-24), ce qui implique son arbitraire et sa facticité.

3. L’éloge de la liberté individuelle, et le triomphe de la Raison ?

Enfin, les Lumières ont grandement participé la l’élaboration d’un discours individualiste : le sujet devient un individu, capable de raisonnement, de gouvernance intellectuelle autonome. Cette individualité se gagne par la libération du sujet : « les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle » (Kant, Qu’est-ce que les Lumières) : « Plus de liens, plus de chaînes » (l. 19).

Seulement, le thème de la naissance de l’individu est très clairement problématique. Elle n’est pas le résultat de la création de soi, mais, semble-t-il, de la destruction de l’autre : « Tous les êtres qui t'entoureront te paraîtront autant

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