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Le spectateur reste un concept complexe pour déterminer

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Par   •  3 Décembre 2013  •  Commentaire de texte  •  2 845 Mots (12 Pages)  •  677 Vues

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a particularité du texte théâtral est sa vocation fondamentale à être représenté en public. C’est pourquoi la prise en compte du spectateur par l’auteur dramatique et le dramaturge est essentielle.

Dans quelle mesure le spectateur est-il donc partie prenante de la représentation théâtrale ?

À quel moment faut-il faire intervenir ce témoin ? Est-il seulement une chambre d’enregistrement ? Peut-on imaginer des représentations sans public ? Quelle différence existe-t-il entre une vraie représentation et un spectacle filmé ? Toutes ces questions renvoient au rôle que le spectateur est appelé à tenir dans la création théâtrale, à la participation plus ou moins active qui est attendue de lui.

S’il est vrai que le spectateur reste un concept difficile à définir, il apparaît très vite que ce destinataire du spectacle est naturellement partagé entre passivité et implication. C’est pourquoi l’auteur dramatique et le metteur en scène doivent le placer au cœur de leurs préoccupations.

I. Le spectateur reste un concept difficile à définir

La première question qui vient immédiatement à l’esprit est de se demander si LE spectateur existe. Celui qui vient à la représentation théâtrale est d’abord un homme ou une femme, il peut avoir tous les âges. Il est triste ou joyeux, préoccupé ou libre. Avant d’être un spectateur, celui qui assiste à une pièce est un être réel enraciné, marqué par le contexte culturel, sociologique, historique. Au XVIIe siècle, les attentes et les comportements variaient en fonction de la classe sociale. Le public du parterre était meilleur enfant que les marquis qui pavoisaient sur scène. Pour les premiers, il s’agissait d’éprouver d’intenses émotions ou de se réjouir des ridicules représentés en scène tandis que pour les seconds le spectacle était dans la salle. Les premiers aimaient regarder alors que les seconds jouissaient d’être regardés. Pour les premiers, la pièce était un bon moment ; pour les seconds, un exercice de style et l’occasion d’arguties à propos des règles.

Les auteurs dramatiques ont donc très vite compris que leur public était bigarré, qu’il était illusoire de prétendre s’adresser à un spectateur idéal. Molière savait que les attentes des petits marquis de Mascarille n’étaient pas celles du parterre. Pourtant il a dû garder l’homogénéité de ses pièces. Hugo en revanche, dans la préface de Ruy Blas, a compris tout l’intérêt de segmenter son public, d’identifier ses composantes pour offrir à chacune une réponse partielle à ses attentes. « La foule demande au théâtre des sensations, la femme, des émotions ; le penseur, des méditations. Tous veulent un plaisir ; mais beaucoup, le plaisir des yeux ; celles-là, le plaisir du cœur ; les derniers, le plaisir de l’esprit. » Cette approche nouvelle permise par le drame romantique a autorisé la banalisation des usages du théâtre, son embourgeoisement, fût-ce au prix d’un manque d’unité. D’autres auteurs ont spécialisé leur production pour toucher un public ciblé. On peut citer le théâtre de boulevard, le vaudeville, le café-théâtre, le théâtre de l’absurde…

Outre le manque d’homogénéité du public, il existe d’autres obstacles à l’immersion du spectateur dans le spectacle. Citons en premier lieu les usages sociaux : du XVIIe au XIXe siècle, le théâtre est d’abord un lieu où l’on se montre comme dans la représentation à l’Hôtel de Bourgogne de Cyrano de Bergerac, où l’on entretient une vie sociale, où l’on noue des aventures amoureuses. Ces regards distraits par l’environnement ne suivent pas vraiment la pièce, sauf si l’objet de leur convoitise est une actrice… Il existe aussi les codes culturels qui dictent des conduites. La Critique de L’École des femmes nous montre les préventions de l’aristocratie à l’encontre de la comédie et des « continuels éclats de rire que le parterre y fait ». Outre le fait que les marquis ne sauraient mêler leur voix à celle du peuple ou des bourgeois, il faut y voir leur préférence pour la tragédie plus relevée, plus cultivée, plus élitiste.

Si l’on s’essaie à une histoire sociologique du théâtre, on peut brosser à grands traits quelques évolutions caractéristiques. Dans l’Antiquité, la tragédie grecque appelle le spectateur à fortement s’impliquer en raison de ses origines religieuses. En assistant à la représentation, le public est invité à s’agréger à un culte. À Athènes, le théâtre est de plus une activité politique. La participation des citoyens est encouragée au point que la cité les dédommage afin qu’ils puissent assister aux représentations de sujets politiques. Le théâtre est alors un lieu public de célébration et de réflexion. Au XVIIe siècle, le théâtre est devenu une activité littéraire cultivée, corsetée par des règles, pensionnée en partie par le pouvoir, ce qui la réserve à une élite fortunée. En même temps le lieu de la représentation devient un univers sociologique clos dont il faut apprendre les règles de savoir-vivre. En effet, dans le milieu urbain d’alors, le théâtre et les fêtes restent les seules distractions et les seuls lieux d’initiation sociale. Au XXe siècle, avec l’avènement des loisirs de masse, le théâtre devient de plus en plus un lieu mystérieux pour la majorité de nos contemporains. On peut donc lire dans cette courbe un désinvestissement progressif de la part des spectateurs déroutés par l’intellectualisation des pièces et désireux de sujets faciles et plaisants. C’est sans doute la raison pour laquelle le Prologue de l’Antigone d’Anouilh et l’annoncier du Soulier de satin de Claudel se livrent à des explications (parfois provocantes) pour attirer à nouveau l’attention d’un public désorienté et restant sur sa réserve.

Le spectateur a donc beaucoup évolué en raison des transformations du lieu de spectacle mais aussi de la dramaturgie et de la mise en scène.

II. Le spectateur d’aujourd’hui naturellement partagé entre passivité et implication

La disposition du théâtre occidental a conduit à une conséquence majeure. La place des spectateurs par rapport à l’espace scénique oblige les acteurs à ne jamais tourner le dos au public. Face à cette présence imposée dans ce milieu inhabituel, le spectateur peut réagir de deux manières opposées.

Il peut rester extérieur à l’espace théâtral. Enfoncé dans son fauteuil confortable (mais pas toujours, surtout dans les enceintes des siècles passés), le spectateur n’est pas mêlé à ce qui se déroule sur scène. Il peut se

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