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Le buffet, Arthur Rimbaud

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Par   •  5 Juin 2018  •  Dissertation  •  2 781 Mots (12 Pages)  •  844 Vues

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Correction de la dissertation poésie

Le corpus qui nous est proposé s’articule entièrement autour d’objets du quotidien : « Le Buffet » d’Arthur Rimbaud, « Le Piano » de Paul Verlaine, « La Valise » de Francis Ponge, « La Bicyclette » de Jacques Réda. Nous voyons donc qu’en prenant pour thèmes des objets aussi banals, le poète fait le choix, apparemment, d’exprimer la réalité. Cependant, est-ce aussi simple ? Le thème choisi par les différents poètes appartient certes au quotidien, néanmoins, le traitement qui en est fait dépasse la réalité. Les objets sont métamorphosés en autre chose. Dès lors, nous pouvons-nous demander si la poésie exprime la réalité du monde ou si elle la transfigure.

Partant de tous les clichés qui présentent le poète comme un être à part et la poésie comme un genre difficile d’accès, nous analyserons tout d’abord comment la poésie effectue un écart par rapport à la réalité vécue. Puis nous montrerons qu’elle fait aussi, d’une certaine manière, percevoir cette réalité. Enfin, nous analyserons comment cette perception particulière de la réalité nous révèle ce que nous ne voyons pas.

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Lorsque l’on nous parle de poésie, nous pensons généralement à un univers idéalisé. Cela est généralement dû au lexique. En effet poésie rime souvent avec un langage particulier. Par exemple, le poète classique, du XVIIème siècle préférera utiliser « l’onde » au lieu de l’eau. Nous retrouvons cela dans l’évocation de « l’azur » au lieu du « ciel ». Cette poésie utilise donc un lexique recherché et évoque également des réalités belles et nobles. L’idéal classique exige que soit représenté la belle nature, qui n’est pas une copie de la vraie nature mais un choix de ce qu’elle a de plus beau. Prenons par exemple l’évocation de la nature dans Le chat, la belette et le petit lapin de Jean de La Fontaine : « (…) il était allé faire à l'Aurore sa cour,  / Parmi le thym et la rosée.  / Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,  / Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.… ». La nature est ici sublimée. Le lever du soleil devient « l’Aurore », la nature et représentée par « le thym et la rosée » qui rappelle au lecteur les odeurs des beaux matins. Il vient  présenter ses hommages au soleil. Tout devient idéal. La nature n’est pas représentée telle qu’elle est mais comme un univers parfait, dans ce qu’elle a de plus beau, à l’image du « souterrain séjour », c’est-à-dire le terrier du lapin, autrement nommé « le palais d’un jeune lapin » dans le premier vers de la fable. Nous voyons donc la volonté d’idéaliser la Nature en utilisant des termes plus nobles.

De ce fait, le poète se détache souvent de la réalité. Il est vu comme un rêveur, se tenant éloigné du monde matériel. Il subit la cruauté de la société et de ses contemporains. Le romantisme a largement diffusé cette image qui s’est largement diffusé. Le XIXème siècle en général reprend cela. Charles Baudelaire dans « L’Albatros » l’évoque de manière douloureuse : « Le Poète est semblable au Prince des nuées / Qui hante la tempête et se rit de l’archer / Exilé sur le sol au milieu des huées / Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. ». Le dernier quatrain montre à quel point il se sent mépriser et incompris par ses contemporains. Il se sent étranger dans ce monde qui est pourtant le sien, « exilé ». Il semble appartenir à un autre univers, plus allégorique, plus sensible, plus idéal. Dès lors, il ne retranscrit pas la réalité ; il s’en détache pour proposer sa réalité, sa vision du monde.

Nous voyons donc que le poète utilise une construction de son image pour se détacher de la réalité. Mais pour s’éloigner de cette réalité si pesante pour lui, il s’éloigne avant tout du langage, dans ce qu’il a de réel. Il n’est plus considéré comme un instrument de communication. En poésie, le langage s’éloigne de sa fonction première. Il devient autre chose. La poésie va donner aux mots un pouvoir d’évocation particulier. Les mots ne sont plus au service des choses. Ils valent pour eux-mêmes, tant au point de vue du sens (ou des sens) qu’au point de vue phonétique. Léon Gontran Damas l’utilise beaucoup dans ses poèmes. « Pour Toi et Moi » l’exploite totalement. Les quatre derniers vers « … » jouent sur la polysémie du mot « nœud » et en même temps sur l’homophonie entre « jeu » et « je ». Le sens premier perd ainsi de son importance, seule l’image persiste, la métaphore érotique sous-tendue par le poème, et parallèlement, la revendication d’une nouvelle forme poétique subvertissant son modèle. La poésie réside donc dans les figures de style : métaphores, personnifications, allégories. Le langage n’est plus un moyen de communication mais devient un outil de construction d’images. Tout fait sens pour construire l’image, la réalité du poète.

La poésie ne met donc pas en place la réalité vécue ; elle propose un écart vis à vis de cette réalité, que ce soit par l’intermédiaire de la construction d’un univers, d’une figure exemplaire du poète ou encore par la construction d’un nouveau langage.

Nous voyons donc que la poésie est avant tout une construction qui modifie la réalité de manière consciente. Mais est-ce tout ? La réalité est-elle toujours modifiée en poésie ?

N’oublions pas que la littérature a toujours était un moyen de contester, revendiquer ou défendre des idées. La poésie a également efficacement rempli ce rôle. Elle est étroitement liée à un engagement lors d’événements dramatiques de l’Histoire. On peut penser aux Tragiques d’Agrippa d’Aubigné durant les guerres de religion en France, ou encore Paul Eluard pendant l’occupation de la France entre 1939 et 1945. C’est la puissance évocatrice des images qui peuvent efficacement dénoncer l’injustice et l’oppression. Arthur Rimbaud dans le Dormeur du Val en est un bon exemple. Il décrit un paradis perdu dans le début de son sonnet « C'est un trou de verdure où chante une rivière, / Accrochant follement aux herbes des haillons / D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, / Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. » Nous voyons l’importance de la lumière, tout est brillant, lumineux, beau, idéal. Il met ensuite en place le personnage central dans cette nature bienveillante « Un soldat jeune (…) Dort/ (…) Nature berce-le chaudement ». Il le présente calme et serein dans une atmosphère protectrice. Quelques éléments nous alertent comme « il a froid » ou encore son teint « pâle ». Il est d’abord décrit comme malade. La fin du poème nous donne la clé : « il a deux trous rouges au côté droit ». L’injustice naît de la confrontation entre le paysage idyllique, idéal et la monstruosité de la guerre : l’enfant est mort, tué par balle. L’image créée par les « deux trous rouges » renvoie à la cruauté de la guerre. La puissance évocatrice de la poésie permet de mieux rendre compte de l’injustice des combats. La poésie rend donc bien compte d’une perception de la réalité, dans le cadre de la poésie engagée, elle permet de donner plus d’importance aux propos du poète.

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