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Le Poète Comme Meuble

Dissertation : Le Poète Comme Meuble. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Mars 2015  •  1 366 Mots (6 Pages)  •  2 371 Vues

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Introduction

[Amorce] Depuis le xixe siècle, la poésie s’affranchit des règles, se libère en exploitant les voies des vers libres, du poème en prose ou du calligramme. [Présentation du texte] On s’étonne alors que, dans la deuxième moitié du xxe siècle le poète Alain Bosquet, dans son recueil Sonnets pour une fin de siècle publié en 1980, revienne à l’une des formes poétiques fixes les plus anciennes, venue d’Italie et en faveur en France à la Renaissance : le sonnet, qui obéit à des contraintes strictes et est le plus souvent consacré au lyrisme. « Le Poète comme meuble », qui fait partie de ce recueil, surprend le lecteur par son titre provocateur. Alain Bosquet y bouscule les conventions poétiques : il y mentionne un bric-à-brac d’objets triviaux de la vie quotidienne, parmi lesquels se trouve le poète transformé en meuble. [Problématique] S’agit-il d’une simple plaisanterie née de la fantaisie du poète ou faut-il prendre le poème plus au sérieux ? [Annonce des axes] En fait, derrière cet éloge amusé des objets de la vie quotidienne, Bosquet fait le portrait du poète moderne et révèle sa conception de la poésie de « fin de siècle ».

I. La mise en valeur des objets

Le sonnet ne sert pas ici, comme dans la tradition poétique, à exprimer ses sentiments avec lyrisme, mais tourne autour d’une multitude d’objets inattendus, des « objets ménagers », dont Bosquet semble faire l’éloge.

1. La multiplication et l’invasion des objets

Les objets ouvrent et ferment le sonnet : ils apparaissent dès le premier vers, puis se déploient en une accumulation sur les vers 2 et 3, au pluriel, comme pour mieux affirmer leur présence : « les sécateurs, les pneus, les robinets, les clous ». Apparemment sans lien entre eux, ils sont cependant tous utilitaires.

À la fin du poème, une autre accumulation fait écho à celle-ci et rassemble des objets qui protègent et assurent le confort (« les murs », « le réchaud »), allègent les tâches ménagères (« la machine à laver ») ou débarrassent des ordures (« la poubelle »). Les objets s’imposent dans le poème comme dans la vie.

Leur invasion dans le poème se traduit par les enjambements (v. 2-3, v. 13-14) : leur présence « déborde » le vers dans lequel ils sont à l’étroit.

2. Le poète, simple meuble

Pour mieux mettre en valeur ces objets, Bosquet mêle le monde animé et le monde inanimé : les êtres humains (le « poète » et les « chefs de rayon ») se trouvent en nette minorité par rapport aux outils.

Le poète – être traditionnellement d’exception, au-dessus de l’humanité moyenne – se trouve ravalé à l’état de « meuble ». L’expression « on le trouve parmi… » le relègue dans l’anonymat et souligne que ces « objets ménagers » sont ses égaux. Plus encore : le poète-meuble est « disponible à des prix modérés », on le voit sous la forme du « modèle courant » : il fait donc partie des objets « bas de gamme ».

Enfin, le poète oscille entre ces mondes inanimé et animé : d’abord individu désigné par sa fonction noble (« le poète »), il devient objet qui a un « emploi » « dans la cuisine » ; puis il semble reprendre une part d’humanité, puisqu’il « consomme du pain dur » et du « vin » et qu’il agit (« il répand… un air de printemps »). Mais, à la fin du poème, il se retrouve parmi les ustensiles les plus triviaux, qui l’annexent définitivement.

3. Une réhabilitation poétique par l’humour et la provocation

C’est aussi par le ton du poème qu’Alain Bosquet met en valeur les objets.

Bosquet adopte un ton publicitaire, comme un vendeur qui cherche à faire acheter un meuble miracle (ici le poète) en « vant[ant] ses qualités ». Il multiplie les mots du vocabulaire du commerce – « prix modérés », « grands magasins », « chefs de rayon », « brochure », « modèle courant » – sur un ton élogieux qui semble rejaillir sur tous les autres objets mentionnés.

Par ailleurs, le décalage volontairement provocateur entre la forme noble et canonique du sonnet avec la trivialité des objets qui l’occupent tout entier crée l’humour. Alain Bosquet consacre ainsi la victoire des objets sur la tradition.

Enfin, le lecteur a l’impression que ce sont les objets qui dictent leur loi à la poésie. Certes, il s’agit d’un sonnet, mais il semble que les objets en aient bouleversé les règles rigoureuses : il n’y a plus de rimes ni de majuscules au début des vers.

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