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Le Mystere De La Poésie

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Par   •  14 Avril 2013  •  7 448 Mots (30 Pages)  •  968 Vues

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LE MYSTERE DE LA POESIE

(à propos d'un essai de Jean Paulhan) [1]

Première partie

Précautions premières

Parler de poésie est chose facile si l'on a dans la bouche assez de mots qui sonnent bien. Mais quand on s'efforce de penser vraiment ce qu'on dit, il n'est plus le même.

J'ai souvent marqué que dans un métadiscours - c'est-à-dire dans un discours qui traite d'une méthode et non d'un objet proprement dit - on se laisse facilement entraîner dans la chaîne implacable des mots, perdant ainsi rapidement de vue le sujet qu'on s'était proposé. L'abstraction même d'une métamathématique ou d'une métapoétique - pour prendre deux exemples courants - impose à la pensée de rigides articulations ; cette raideur risque de contraindre l'écrivain à de quelconques tautologies. Il lui faudra alors, s'il veut apporter des résultats effectifs, ne pas s'écarter un instant de cette matière sur quoi il travaille et dont il veut découvrir les lois.

Il ne s'agit pas ici de présenter une critique du livre de Jean Paulhan [2] . Songez à ce que serait un discours sur un discours sur les discours sur la poésie - artifice épouvantable et stérile. Je voudrais seulement profiter de cet exemple qui nous est proposé, remarquable parce que le sujet qu'on y annonce est réellement traité et aussi parce qu'il n'y est pas exposé dans le vide, abstraction faite de tout le reste de l'univers.

Je voudrais profiter de cet exemple pour indiquer des voies nouvelles de recherche, quelques aspects peu fréquentés du problème ; l'article tout entier sera donc un commentaire de Clef de la poésie par cela même qu'il s'efforcera d'en imiter la méthode et l'esprit.

Notre exigence essentielle sera de conserver le contact avec le réel, de rester attachés au caractère concret des questions étudiées. Il nous faut partir de constatations évidentes ; plus est paraîtront pauvres et banales, plus nous serons surs de ne pas nous engager à la légère.

Car la poésie est une réalité humaine. C'est une activité de notre espèce ; elle ne se développe pas en dehors du temps et de l'espace comme certains commentaires mal réfléchis pourraient le donner à penser ; elle une histoire...

Dès qu'on étudie cette branche de la littérature, on se trouve en présence d'une matière déjà considérable, d'une tradition ancestrale. Comment s'y reconnaître ?

Remarquons, tout d'abord, que pendant longtemps, les écrits dits poétiques se reconnurent à leur disposition typographique spéciale : ensemble de lignes possédant le même nombre de syllabes et terminées de syllabes phonétiquement identiques. La règle pouvait devenir plus complexe, mais l'essentiel était justement la règle. Bien entendue d'après une telle définition, il était très facile de reconnaître le caractère poétique d'un texte ; il suffisait de voir s'il était ou non écrit en vers.

Mais un jour on s'aperçut que la différence était autre chose que ce seul aspect matériel. Bien plus, on se rendit compte que certains ouvrages de proses se distinguaient semblablement la masse tandis que les ouvres prétendues, jusque-là, poétiques, se révélaient n'être en rien originales et ne pas différer de simples récits, sinon par leur présentation et par la présents des rimes. C'est ainsi qu'il fut possible de parler de sentiment poétique pour certains passages de Rilke ou d'Alain Fournier alors qu'on s'en avouait incapable devant la Henriade ou la Grève des forgerons.

Le phénomène que nous rencontrons ici est donc un déplacement de qualité poétique, qui de purement graphique devient émotionnelle. Ce qui fausse sans doute le problème, aux yeux de beaucoup, c'est qu'on a gardé le même mot : source de confusion et d'ambiguïté dans les commentaires.

Mais - et c'est là surtout ce que l'on ne souligne pas assez - cette confusion possède des sources très explicables ; elle n'est nullement le résultat d'un hasard. Car c'est malgré tout, dans la poésie aux sens classique (sonnets, ballades, etc.) qu'on a découvert tout d'abord ce qu'on a pu appeler depuis le sentiment poétique. On voit bien maintenant qu'un tel accord mystérieux s'obtient sans le secours de rimes et parfois de rythmes (Eluard et tant d'autres), mais pourtant cette musique, comme Mozartienne, des formes éprouvées par l'usage, de Ronsard à Mallarmé, est l'une des composantes évidentes de ce sentiment si profond et si difficile à définir.

Car ce premier regard objectif jeté sur notre littérature, nous met tout de suite en présence du mystère de la poésie. Il y a mystère parce qu'un même contenu : l'ensemble des mots, peut devenir ou non, suivant le moule dans lequel il se fige, l'origine d'une excitation intense notre sensibilité ; ici je ne puis que citer Jean Paulhan :

À défaut d'exprimer le mystère de la poésie et même de le réfléchir, je puis savoir du moins, de quels éléments il est fait : c'est de pensée d'une part, et de langage de l'autre, d'idées et de mots, de sens et de sons.

Une fois bien précisé ce point important, le problème se présente ainsi : étudier dans quelles conditions se produit l'émotion poétique, chercher empiriquement quelle réunion d'événements peut la favoriser, tout en s'appuyant sur une théorie pour dégager les conditions a priori.

Deuxième partie

Place de la poésie dans le monde

Puisqu'elle est une activité humaine, il conviendra de donner à la poésie sa place exacte dans le monde. Nous garderons constamment l'esprit que les poètes sont des hommes et que leurs ouvres ne tombent pas du ciel.

Le vieux traité de logique de Gratry contient cette phrase ravissante et plus que jamais valable :

La philosophie devrait prier le genre humain de vouloir bien lui accorder, sans démonstration préalable, qu'il existe quelque chose que nous sommes que nous en sommes certains, et que le moyen légitime est rigoureusement

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