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Commentaire Littéraire sur le roman Les Mystères de Paris d’Eugène Sue

Note de Recherches : Commentaire Littéraire sur le roman Les Mystères de Paris d’Eugène Sue. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Janvier 2013  •  1 839 Mots (8 Pages)  •  2 069 Vues

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Le XIXe siècle est le siècle de la presse et du roman, dont les développements respectifs sont fortement liés. En effet, certains journaux, comme le Journal des débats, publiaient des romans sous la forme de feuilletons, ce terme désignant à l’origine la partie inférieure d’une page. Chaque jour ou chaque semaine était publié un nouvel épisode, l’objectif étant de susciter l’attente du lecteur afin qu’il achète le numéro suivant. C’est ainsi que furent publiés Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, fresque populaire se déroulant dans les quartiers les plus mal famés de la capitale. Avant d’entamer son récit, le narrateur, dans un long incipit, présente ce projet de placer l’intrigue dans un tel milieu. Cet exposé théorique est cependant loin d’être ennuyeux. Comment le narrateur parvient-il à capter l’attention du lecteur avant même le début de l’histoire ? Nous étudierons d’abord la présentation de ce projet romanesque, puis la description des bas-fonds parisiens pour nous interroger finalement sur l’angoisse suscitée chez le lecteur.

Cet incipit n’est pas narratif : avant de narrer son histoire, le narrateur veut conclure un pacte avec son lecteur et justifier sa démarche.

Afin de capter l’attention du lecteur, le narrateur cherche d’abord à établir une forme de complicité avec lui, avant même le début du récit. Le lecteur est ainsi explicitement nommé, dès la ligne 10 : « Ce début annonce au lecteur qu’il doit assister à de sinistres scènes. » Le narrateur semble vouloir lui donner la parole, lui demander son avis ; le lecteur pourrait refuser que le narrateur raconte son histoire. Celui-ci demande donc son consentement : « S’il y consent, il pénétrera dans des régions horribles. » De plus, le narrateur établit une complicité avec le lecteur en affirmant qu’ils ont une culture commune, un horizon d’attente partagé, comme le montrent les formulations indéfinies suivantes : « Tout le monde a lu les admirables pages dans lesquelles Cooper, le Walter Scott américain, a tracé les mœurs féroces des sauvages » ; « On a frémi pour les colons ». Enfin, le narrateur et le lecteur sont englobés par la première personne du pluriel : « Seulement les barbares dont nous parlons sont au milieu de nous. » Ainsi le lecteur et le narrateur s’opposent tous deux aux sauvages dont il est question.

Cependant, le narrateur s’amuse à déjouer cet horizon d’attente : il annonce dès l’incipit qu’il ne satisfera pas celui du lecteur, puisqu’il va « mettre sous les yeux du lecteur quelques épisodes de la vie d’autres barbares aussi en dehors de la civilisation que les sauvages peuplades si bien peintes par Cooper. » Le narrateur annonce donc des épisodes violents qui pourraient blesser la sensibilité du lecteur. Eugène Sue met alors en place une rhétorique visant à prévenir le lecteur, comme s’il s’excusait de devoir parler de telles atrocités. Le narrateur feint ainsi de partager le dégoût du lecteur : « Nous craignons d’abord qu’on ne nous accuse de rechercher des épisodes repoussants. » Puis il justifie l’horreur de son futur récit par la volonté des lecteurs de lire un récit réaliste : « Une fois même cette licence admise, qu’on ne nous trouve au-dessous de la tâche qu’impose la reproduction fidèle, vigoureuse, hardie, de ces mœurs excentriques. » Le narrateur va jusqu’à feindre de partager la peur de son lecteur : « En écrivant ces passages dont nous sommes presque effrayés, nous n’avons pu échapper à une sorte de serrement de cœur... » Le narrateur se dédouane ainsi des reproches qu’on pourrait lui faire, et attise par là la curiosité du lecteur.

Le narrateur parvient donc à susciter un effet d’attente chez le spectateur, tout en l’obligeant à accepter une forme de pacte : il est prévenu que les événements narrés sont terribles, puisqu’ils se déroulent dans un monde barbare, celui des bas-fonds parisiens.

Ce lieu semble inattendu, car il relève d’une réalité sombre dont les romans ont peu parlé jusqu’alors.

Les bas-fonds de Paris sont présentés par le narrateur comme un lieu méconnu du lecteur, qui pénétrera « dans des régions horribles, inconnues ». Cet endroit semble exotique, avec des mœurs et un langage différents des nôtres. L’entreprise du narrateur est alors de faire découvrir ce monde mystérieux à un lecteur qui n’a pas conscience de ce qui se passe près de chez lui. Cette proximité de ces lieux effrayants et inconnus est soulignée par l’idée que les bandits « sont au milieu de nous ; nous pouvons les coudoyer en nous aventurant dans les repères où ils vivent ». L’emploi du verbe « aventurer » sous-entend qu’il n’est pas nécessaire de partir dans des contrées lointaines pour vivre des événements romanesques : la réalité la plus sordide et la plus proche de nous est tout aussi romanesque.

Cependant, tout en essayant de persuader le lecteur qu’un roman se déroulant à Paris peut offrir de nombreux rebondissements, Eugène Sue cherche également à donner l’illusion du réel. Sa démarche est celle d’un observateur, d’un anthropologue. Le roman s’ouvre ainsi sur des remarques linguistiques à propos de l’argot des bas-fonds parisiens. : « Un tapis-franc, en argot de vol et de meurtre, signifie un estaminet ou un cabaret du plus bas étage. » Ce genre de lieu serait tenu par des « ogres » et des « ogresses », c’est-à-dire des repris de justice. Eugène Sue est donc soumis à une double contrainte : étonner le lecteur par la description d’un lieu mystérieux et inconnu, propice aux intrigues romanesques, et rendre compte d’une réalité contemporaine à la rédaction du roman.

On peut donc souligner le paradoxe de l’entreprise de l’auteur : écrire un roman réaliste mais qui ressemble à un roman d’aventures. Son projet serait alors de donner au lecteur l’envie de lire la suite du roman, tout en suscitant son angoisse.

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