Le Discours de Candide

Français : Discours Candide

En arrivant à Surinam, en compagnie de mon ami Cacambo, j’ai rencontré sur la route un nègre. Mon pauvre  ami, auquel il manquait la jambe gauche et la main droite, était étendu par terre, n’ayant pour seul habit qu’un caleçon de toile bleue. N’est-ce pas horrible de voir un homme dans un tel état ? Un tel état comparable à celui d’une pauvre bête, laissée là pour morte ! C’est pourquoi cette rencontre impromptue me troubla et me toucha profondément, tout autant que vous, je l’espère en entendant ces mots. Une émotion intense m’a submergée de larmes en voyant ce nègre par terre, m’expliquant sa situation.  

Quel homme, s’il en est un, peut traiter un semblable de cette manière ? Il est impensable d’être aussi inhumain, d’infliger un sort si barbare tel que celui de couper une main ou une jambe. Vous demandez-vous peut-être d’ailleurs pourquoi une pauvre personne, dans sa condition d’esclave, peut subir ce supplice ? Eh bien il aisé de vous dire que ce traitement découle d’un code : Le code noir. Mais il est plus difficile d’entendre les règles qui découlent de ce code. En effet, comme me l’a dit mon pauvre ami, il bénéficie que de deux habits par an. Dès qu’en travaillant leurs doigts viennent à être attrapés par la meule, on leurs coupe la main. Dès qu’ils tentent de s’enfuir une première fois un leurs coupe les oreilles, la deuxième fois on leurs coupe une jambe puis s’ils récidivent encore une fois ils sont punis de mort. Ne trouvez-vous pas cela extrêmement barbare ? Hélas mon pauvre ami que j’ai rencontré sur la route n’est qu’un exemple du traitement dégradant qu’est l’esclavage.

De plus il est maintenant désolant de savoir que c’est à ce prix là que nous mangeons du sucre et du café en Europe. Au prix de la souffrance et de l’exploitation de ces hommes ! Qui sont-ils finalement ? De simples africains, pour la plupart, enlevé de leur pays natal, obligés de traverser l’Atlantique pour arriver dans ces colonies d’Amérique du Sud, forcé de travailler dans les exploitations, sous une répression et une violence incessante, servant en somme de main d’œuvre, d’outils pour le commerce, de bœufs pour une charrue. Et nous sommes, nous européens, complices de ce système commercial, à ma plus grande désolation et à mon plus grand regret.

Enfin qu’en est-il de notre religion ? Cette religion Chrétienne qui ordonne aux esclaves de demeurer en leur état et qui soutient les esclavagistes. N’y a-t-il rien de plus étonnant que cette religion qui prêche à tous le monde, l’égalité entre les Hommes, qu’ils soient noirs ou blanc de peau et qui ne respecte pas ce message Biblique en traitant comme une race inférieure les pauvres nègres ? Tous comme nous, européens, les pasteurs avec les négociants sont complices du système esclavagiste. Nous ne pouvons plus le nier, ils entretiennent des illusions religieuses en convertissant nos amis les nègres à leur religion.

C’est pourquoi apprenez bien que l’esclavage est un traitement qui n’aurait jamais dû voir le jour ! Que c’est un traitement dégradant, d’un point de vue spirituel tout d’abord avec la religion et la langue. Puis au niveau social avec l’appartenance du nègre à un maître tout comme un animal. Il existe donc un réel décalage entre la pensée optimiste et la cruelle réalité de l’esclavage. Comment pouvons-nous encore affirmer que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles après ce que nous venons d’apprendre ? Ne serait-ce que mensonges de la part de mon maître Pangloss ?

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