Le Clezio Et Le Proces Verbal

PSYCHOCRITIQUE

ETYMOLOGIE / etymology

ETUDE SEMANTIQUE / Definitions

COMMENTAIRE / Analysis

Charles Mauron (1899-1966) créa une nouvelle méthode de critique littéraire fondée sur les découvertes de Freud et le postulat de l'existence d'un inconscient. La psychocritique comporte une théorie de la création littéraire et une méthode d'application. Charles Mauron a fait de nombreux travaux portant sur des œuvres littéraires diverses. A sa suite quelques études ont été publiées par d'autres auteurs.

Fondement théorique

C. Mauron rattache la création littéraire à trois variables: -le milieu social, -la personnalité du créateur, -le langage, ce qui n'exclut pas une marge de liberté, d'indétermination. C. Mauron a souvent insisté sur la liberté créatrice de l'homme. Mais, s'il croit que « la connaissance essentielle de l'œuvre d'art échappe à l'enquête scientifique », la science, selon lui, permet de mieux saisir quels facteurs déterminent partiellement la création. C. Mauron pense que si l'inconscient s'exprime dans les songes et les rêveries diurnes, il doit se manifester aussi dans les œuvres littéraires.

Ayant donc posé, à l'origine de la création, les trois variables: milieu social, personnalité, langage, Mauron s'attache à étudier seulement la seconde; laissant à d'autres critiques l'étude de la personnalité consciente du créateur, il limite le champ de sa recherche à la partie inconsciente de cette personnalité. Il a précisé souvent que la psychocritique est une critique partielle, qu'elle ne se propose pas une explication totale de l'œuvre d'un point de vue qui serait privilégié.

Méthode

Charles Mauron a voulu mettre au point une méthode d'approche scientifique des textes qui serait l'équivalent de la méthode d'associations libres pour le sujet dans la cure psychanalytique. Sa méthode comporte quatre opérations successives:

1. La superposition de plusieurs textes d'un auteur par un procédé comparable à celui des photographies de Galton « fait apparaître des réseaux d'associations ou des groupements d'images, obsédants et probablement involontaires ». Cette opération vise à repérer non les différences, mais les éléments communs.

2. Ces réseaux obsédants constituent des traits structurels qui vont dessiner des figures mythiques et des situations dramatiques. La recherche de ces structures à travers l'œuvre d'un écrivain aboutit à mettre en évidence le « mythe personnel » de l'auteur.

3. Le mythe personnel et ses variations sont considérés comme « expressions de la personnalité inconsciente et de son évolution ». Le mythe personnel est un phantasme persistant. Charles Mauron orthographie ainsi phantasme pour désigner les « fantaisies imaginatives inconscientes » alors que le terme fantasme s’appliquerait à la « rêverie consciente ».

4. On se réfère, en dernier lieu seulement, à la biographie de l'écrivain dans un but de contrôle des résultats acquis.

Les métaphores obsédantes

Les travaux de Charles Mauron sur Baudelaire seront pris, ici, comme exemples. Ayant superposé les textes suivants: Un hémisphère dans une chevelure, La chevelure, Les vocations, La belle Dorothée, C. Mauron a mis en évidence le groupement suivant: chevelure -élasticité- poids lourd entraînant la tête en arrière- gêne- marche embarrassée. Etendant sa superposition à d'autres textes: L'albatros, Le cygne, La Malabaraise, il retrouve ce même réseau, la marche embarrassée y subit une accentuation et se lie à un élément nouveau: une exhibition grotesque. Ce dernier caractère est prédominant dans un rêve de Baudelaire relaté par celui-ci dans une lettre à Asselineau (13 mars 1856). Les constellations ainsi décelées ont été nommées par C. Mauron « les métaphores obsédantes ».

C. Mauron s'attache particulièrement à déceler les affects liés à ces réseaux, car la qualité des affects met sur la voie du désir ou du conflit inconscient qui est à l'origine de ces métaphores.

Dans ces textes de Baudelaire l'affect varie, il va de la joie d'une marche vers les autres à un affect de honte et d'angoisse devant la souillure d'un contact avilissant. La traduction psychanalytique de ces variations peut être exprimée ainsi: désir d'une exhibition, suivi du désir masochiste d'une agression par les autres. Le rêve de Baudelaire est particulièrement précieux pour le psychocritique, car un rêve est toujours révélateur d'un désir inconscient. La coïncidence d'un rêve avec des réseaux décelés par la superposition des œuvres d'un écrivain apporte une preuve de l'origine inconsciente des métaphores obsédantes.

Cette analyse permet un rapprochement inattendu avec d'autres textes où l'agression vient soit d'un fardeau ( Chacun sa chimère), soit d'un tiers ( Le mauvais vitrier) ou encore avec Une mort héroïque, où le fardeau a disparu, mais où l'on retrouve deux des éléments du groupe: histrion qui s'exhibe, prince agresseur.

Baudelaire ne rattachait certainement pas consciemment La belle Dorothée et L’a lbatros au Mauvais vitrier, ces textes sont sous-tendus, sous les superstructures conscientes, par un mode de pensée archaïque. La méthode des superpositions a ainsi permis à C. Mauron de déceler « un entrelac de relations latentes » que l'on n'aurait pu soupçonner autrement. Elles sont la trace des processus primaires de l'inconscient qui sont constamment en œuvre

...