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La femme et la création dans L’Éducation sentimentale de Flaubert

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Par   •  30 Octobre 2019  •  Commentaire de texte  •  7 330 Mots (30 Pages)  •  368 Vues

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La femme et la création dans L’Éducation sentimentale

Pour analyser la représentation des femmes dans l’œuvre de Flaubert, il faut d’abord se rappeler du fait que le titre complet du roman est L’Éducation sentimentale : Histoire d’un jeune homme. La femme est ainsi représentée à travers les yeux du jeune homme, le personnage principal, Frédéric. Henry James remarque sur l’influence du regard de Frédéric sur les impressions du lecteur : « Or Flaubert, par malheur, n’a pas su ne pas discréditer fondamentalement ce regard que Frédéric porte sans cesse sur tout et tous, et en particulier sur sa propre existence, de manière à faire de lui un médiateur propre à nous transmettre de grandes impressions ».[1]  Les impressions que le lecteur a du roman sont les impressions qu’on adopte de Frédéric ; ce ne sont pas des impressions objectives, bien que la narration du texte soit à la troisième personne. Cependant, Flaubert lui-même ne peut pas s’empêcher d’élaborer des idées généralement acceptées (par l’homme) sur la femme du 19e siècle. À plusieurs reprises, Flaubert utilise un vocabulaire se référant aux oiseaux pour dépeindre les femmes. Par exemple : « des femmes criaient comme des poules »[2], et « le murmure des voix féminines, augmentant, faisait comme un caquetage d’oiseaux » (243). À un moment donné, Mlle Roque laisse sortir « un cri, suave comme un roucoulement » (348), et plus tard le narrateur décrit un groupe de femmes : « c’était comme un caquetage de poules en gaieté » (462). Décrire les voix féminines en utilisant ce type de vocabulaire montre l’image stéréotypique que l’homme porte envers les femmes.  Bien entendu que c’est à travers le regard masculin de Frédéric dans le texte, et le narrateur « omniscient », que la femme est présentée aux lecteurs. Ce devoir explorera les personnages féminins, vus à travers les yeux de Frédéric, pour comprendre la vision de la femme que montre Flaubert dans son œuvre.  Cette étude présentera d’abord certains personnages féminins, ce que représentent ces personnages pour Frédéric, ainsi que le vocabulaire et les symboles utilisés pour représenter ces femmes. Ce devoir se terminera avec l’exploration de la femme comme référant littéraire, et on tentera de comprendre comment cette représentation aide l’écrivain à exprimer son propos réaliste.  

La première femme qu’on rencontre dans L’Éducation sentimentale est Mme Arnoux. Cette femme mariée deviendra l’objet d’obsession de Frédéric pendant toute sa vie et ainsi tout le roman. On retrouve chez Mme Arnoux plus de descriptions physionomiques (cependant non sexuels) que chez tout autre personnage – il y en a 59 sur les 162 énoncés des personnages féminins, pour être précis.[3] La première description de cette femme idéalisée par Frédéric implique déjà l’idée principale de Mme Arnoux qu’on trouve au fur et à mesure du roman : « Ce fut comme une apparition » (53).  L’édition de 1993 du Petit Robert donne pour définition d’apparition : « manifestation d’un être invisible qui se montre tout à coup sous une forme visible » et aussi « être imaginaire que le visionnaire croit apercevoir ». Le mot apparition prend aussi un contexte religieux ; Le Petit Robert utilise l’exemple : « Apparition de la Vierge à sainte Catherine ». Cet exemple que donne le dictionnaire nous semble extrêmement intéressant en considérant le prénom de Mme Arnoux : Marie. Frédéric lui-même fait un aveu avec une allusion biblique quand il parle avec Mme Arnoux à l’usine de son mari dans la deuxième partie du roman. Il essaie de la convaincre qu’il lui était fidèle, sachant qu’il ne l’était pas. Il lui dit : « Est-ce qu’après avoir désiré tout ce qu’il y a de plus beau, de plus tendre, de plus enchanteur, une sorte de paradis sous forme humaine, et quand je l’ai trouvé enfin, cet idéal, quand cette vision me cache toutes les autres… » (367, je souligne). Mme Arnoux lui est inaccessible car elle est « vertueuse ». En fait, elle ne commet jamais aucun péché physique. Comme le remarque Pellerin, « elle est honnête » (96).

        Un aspect qui est intéressant concernant le personnage de Marie Arnoux est le vocabulaire choisi pour décrire sa personne et ses vêtements. Quand Frédéric rend visite aux Arnoux pour la première fois après leur rencontre sur le bateau, « Mme Arnoux parut. Comme elle se trouvait enveloppée d’ombre, il ne distingua d’abord que sa tête » (105). Mme Arnoux est toujours couverte d’ombre ou de vêtements noirs ; elle s’habille, en fait, dans les couleurs qui rappellent une nonne.  Frédéric ne la voit pas d’une manière ouvertement sexuelle ; elle est pure dans ses yeux : « il ne pouvait se la figurer autrement que vêtue, - tant sa pudeur semblait naturelle, et reculait son sexe dans une ombre mystérieuse » (133). Mme Arnoux semble être donc un rêve, un personnage somnambule qui erre comme un fantôme dans le roman. De plus, Frédéric ne voit jamais complètement le visage de Mme Arnoux : « Mme Arnoux, sans bouger, restait les deux mains sur les bras de son fauteuil les pattes de son bonnet tombaient comme les bandelettes d’un sphinx ; son profil pur se découpait en pâleur au milieu de l’ombre » (286).[4] Lorsqu’il lui rend visite à Auteuil, le narrateur observe : « Quelquefois, les rayons du soleil, traversant la jalousie, tendaient depuis le plafond jusque sur les dalles comme les cordes d’une lyre, des brins de poussière tourbillonnaient dans ces barres lumineuses » (371). Quand Frédéric l’attend à l’extérieur de l’hôtel pour leur rendez-vous, le narrateur utilise un vocabulaire qui montre la qualité élusive de Mme Arnoux : « Elle allait paraître. Elle était la, derrière son dos. Il se retournait : rien ! » (379). Même vers la fin du roman, on n’a pas une vision claire de cette femme. L’ombre suit toujours cette femme idyllique, presque onirique. Elle rend visite à Frédéric, à la nuit tombante.  La nuit sert comme une voile pour la femme. Le couple fait un tour dans les rues, et : « La lueur des boutiques éclairait, par intervalles, son profil pale ; puis l’ombre l’enveloppait de nouveau » (543). Enfin, Frédéric lui-même utilise le mot « ombre » quand il décrit Mme Arnoux et ce qu’elle représente pour lui : « Vous me faisiez l’effet d’un clair de lune par une nuit d’été, quand tout est parfums, ombres douces, blancheurs, infini » (545). C’est à cause de cette ombre que le lecteur est toujours troublé et frustré par cette femme « absente-présente ». Le personnage somnambule de Mme Arnoux est un mystère, fascinant aux yeux de Frédéric mais aussi aux yeux du lecteur.

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