La dispute Marivaux scene 1 et 2

Scènes 1 et 2 de LA DISPUTE.

Quelles sont les particularités de cette scène d’exposition ?

Les deux scènes à étudier (scène 1 et 2) sont les scènes d’exposition de la comédie de Marivaux intitulée La Dispute, terme qui signifie DÉBAT ou CONTROVERSE.

Elle fut jouée en 1744 mais contrairement à d’autres pièces de Marivaux comme La Double Inconstance ou L’île des esclaves, cette pièce ne rencontra pas le succès. Il faudra attendre le 20° siècle pour que le public redécouvre cette pièce grâce à des metteurs en scène comme Patrice Chéreau qui surent en voir l’actualité.

LECTURE.

Introduction.

Ces deux scènes correspondent au dispositif d’exposition. Sachant que l’exposition au théâtre remplit des fonctions précises, il peut être intéressant de voir comment ce dispositif est mis en œuvre dans La Dispute et quelle est sa singularité.

L’exposition a pour but, par le biais de la double énonciation, de délivrer des informations sur le lieu, le temps, sur l’identité et le statut des personnages, ainsi que sur l’intrigue. Les informations sont ventilées au sein du dialogue théâtral et se combinent aux didascalies. Sur scène, ces informations s’associent aux signes donnés par le décor et la scénographie. L’ensemble forme un dispositif qui renseigne le spectateur, capte son attention et attise sa curiosité.

OR, D’EMBLÉE,

🡪 le début de la scène 1 fonctionne sur un principe de surprise : la didascalie initiale (celle qui suit la distribution des personnages) mentionnait : « la scène est à la campagne ». Indication peu précise : le lecteur peut penser dans un premier temps à un décor champêtre.

Le spectateur, quant à lui, voit entrer Hermiane qui manifeste son étonnement quand elle découvre le plateau de scène « voici le lieu du monde le plus sauvage et le plus solitaire ». L’effet de surprise est complet : il ne s’agit pas d’un décor apaisant. (voir L’île des esclaves : la scène d’exposition s’ouvre sur un décor de rochers contre lesquels un bateau a fait naufrage)

La formule « lieu sauvage et solitaire » laisse le champ libre au metteur en scène 🡪 il peut représenter par le décor le caractère sauvage et désert du lieu ou l’interpréter autrement, par exemple, avec un plateau nu et dominé par la couleur noire 🡪 le texte théâtral donne une liberté au metteur en scène.

Le texte fonctionne en tout cas sur la SURPRISE : Hermiane s’attendait à une fête (on peut penser aux divertissements princiers qui se donnaient dans les parcs et jardins) (comme dans les tableaux du peintre Watteau). MAIS L’INTERROGATIVE « où allons-nous Seigneur » montre que l’on avance en territoire inconnu.

Cette question agit comme un signal de la part de Marivaux :

🡪le lecteur-spectateur est mené vers un espace inhabituel : « sauvage » c.a.d. ne correspondant pas aux codes culturels de la cour du prince et « solitaire » c’est-à-dire éloigné des normes sociales.

L’exposition remplit donc ici sa fonction de façon étonnante puisqu’elle déstabilise ET le personnage ET le spectateur. L’exposition semble « brouiller » les repères.

Le trouble s’accentue ensuite : Hermiane décrit une vaste construction assez inquiétante évoquant une prison ou une forteresse.

« cette maison où vous me faites entrer »

« édifice si singulier »

« hauteur prodigieuse des murs qui l’environnent ».

La scène d’exposition semble proposer un lieu étrange, un « ailleurs » : cela ressemble à un lieu utopique c-à-dire n’existant nulle part. La Dispute semble donc pouvoir se rattacher aux pièces de Marivaux se situant dans des îles imaginaires proposant des formes de société différentes comme l’île des esclaves ou la colonie. Mais ce lieu étrange peut aussi désigner le théâtre lui-même , ce qui introduit une mise en abyme avec une situation de théâtre dans le théâtre.

Les indications concernant le lieu sont ainsi très importantes dans cette exposition.

Mais notre scène d’expo remplit aussi sa fonction en nous donnant le statut des personnages :

Les mots « Seigneur » (l.1) et « cour » (ligne 9) signalent le statut royal de celui qui est appelé le prince. Hermiane est celle qu’il aime (voir l.25) et à qui il veut plaire. Les autres personnages présents sur scène sont les courtisans qui accompagnent le prince (« la suite » ligne 51) et Carise et Mesrou sont des serviteurs à qui le prince donnent des consignes (l.49).

La liste des personnages dans la distribution signale que Carise et Mesrou sont noirs : cela est à prendre en compte dans la mise en scène et cela actualise la pièce avec une référence au monde de l’esclavage et à la présence de serviteurs noirs dans les cours européennes.

La figure du prince incarne le pouvoir, Hermiane incarne le monde féminin et la question de l’amour, la suite et les serviteurs représentent le monde de l’obéissance. C’est une société en miniature, société hiérarchisée qui est le reflet de la société du temps de Marivaux.

La scène d’exposition se double aussi d’une scène galante : le prince occupe la place de « chevalier servant » et de protecteur amoureux ; Hermiane se laisse courtiser. (voir cours pris en notes)

Mais à ce schéma galant s’ajoute une dimension argumentative : une controverse agite la cour et Hermiane soutient une thèse : les femmes, trop « timides » et trop

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