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La Mythologie

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Par   •  23 Avril 2013  •  6 528 Mots (27 Pages)  •  947 Vues

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Luc Ferry

La sagesse des mythes

Extraits

Chapitre 1

La naissance des dieux et du monde

Au commencement du monde, c’est une bien étrange divinité qui émerge en premier du néant. Les Grecs la nomment « Chaos ».

Ce n’est pas une personne, pas même un personnage. Imagine-toi que cette divinité primordiale n’a rien d’humain : ni corps, ni visage, ni traits de caractère. A vrai dire, c’est un abîme, un trou noir, au sein duquel on ne rencontre nul être identifiable. Bref, dans ce trou béant qu’est le chaos, c’est l’obscurité totale. Tout est confus, désordonné. Chaos ressemble à un gigantesque précipice obscur. C’est comme dans les cauchemars : si tu devais tomber dedans, la chute serait infinie… Mais cela ne se peut, car ni toi, ni moi, ni aucun humain ne sont encore de ce monde !

Et puis tout à coup, une seconde divinité jaillit de ce chaos, sans qu’on puisse vraiment savoir pourquoi. Quelque chose apparaît, voilà tout, sort des abysses, et ce quelque chose, c’est une formidable déesse, qui s’appelle Gaïa – ce qui en grec, signifie la terre. Gaïa, c’est le sol ferme, solide, le sol nourricier sur lequel les plantes, bientôt, vont pouvoir pousser, les fleuves couler, les animaux, les hommes et les dieux marcher. Gaïa, la terre, c’est à la fois le premier élément, le premier morceau de nature bel et bien tangible et fiable – et en ce sens, c’est le contraire de Chaos : on n’y chute pas à l’infini car elle nous soutient et nous porte -, mais c’est aussi la mère par excellence, la matrice originelle dont tous les êtres à venir, ou presque, vont bientôt sortir.

Toutefois, pour que les fleuves, les forêts, les montagnes, le ciel, le soleil, les animaux, les hommes et surtout les autres dieux jaillissent un jour de Gaïa, la déesse terre, ou même de cet étrange Chaos, il faut encore une troisième divinité.

Il s’agit d’Eros, l’amour. Comme Chaos, c’est bien un dieu, mais pas vraiment une personne. Il s’agit plutôt d’une énergie de jaillissement qui fait croître et surgir les êtres. C’est pour ainsi dire un principe de vie, une force vitale.

C’est donc à partir de ces trois entités primordiales – Chaos, Gaïa et Eros – que tout va se mettre en place, que le monde va progressivement s’organiser. D’où la question première et fondamentale entre toutes : comment passe-t-on du désordre absolu des origines au monde harmonieux et beau que nous connaissons ?

Pour entrer dans le vif du sujet, je dois encore te parler d’un quatrième « personnage » ou, pour mieux dire, car lui non plus n’est pas vraiment un individu, d’un quatrième « protagoniste » de cette étrange histoire. Il s’agit de Tartare. C’est un lieu, brumeux et terrifiant, plein de moisissure et toujours plongé dans les ténèbres les plus totales. Tartare se situe au plus profond de Gaïa, dans les sous-sols les plus lointains de la terre. C’est dans cet endroit – qu’on identifiera bientôt à l’enfer – que les morts, quand il y en aura, seront relégués, mais aussi les dieux vaincus ou punis. Le Tartare se trouve enfoui dans la terre aussi loin de la surface du sol que le ciel est loin de cette surface. C’est dire combien ce lieu infernal, qui terrorisera les humains mais aussi bien les dieux, est enfoui dans les abîmes les plus profonds de Gaïa.

Revenons à elle justement, car c’est avec elle que les choses sérieuses vont commencer, et ne mettons pas la charrue avant les bœufs : n’oublie pas que pour l’instant, n’existent encore ni le ciel ni les montagnes, ni les hommes, ni les dieux. Chaos, Gaïa, Tartare, Eros. Rien d’autre n’est encore né pour le moment.

Mais précisément, sous l’impulsion, sans doute, de l’énergie d’Eros, Gaïa va engendrer toute seule, sans avoir de mari ni d’amant, à partir de ses propres profondeurs et de ses propres forces, un formidable dieu : Ouranos. Ouranos, c’est le ciel étoilé qui, situé au-dessus de la terre (à vrai dire étendu, pour ne pas dire couché sur elle), est comme le double céleste de Gaïa. Partout où elle se trouve, partout, donc, où il y a de la terre, il y a aussi « l’Ouranos », du ciel, placé en surplomb.

A nouveau sans faire l’amour avec un autre dieu, Gaïa fait encore surgir de ses entrailles d’autres enfants : les montagnes, Ouréa, des nymphes qui les peuplent, jeunes filles ravissantes mais non humaines puisqu’elles sont, elles aussi, des créatures divines, et enfin, Pontos, le « flot marin », c’est-à-dire l’eau salée de la mer. Comme tu vois, l’univers, le cosmos, commence peu à peu à prendre forme – même s’il est fort loin d’être achevé.

Je sais que les mots que je vais employer maintenant vont te paraître un peu compliqués, parce que tu ne les connais pas encore : la « théogonie » et la « cosmogonie » ne font qu’un. Qu’est-ce que cela veut dire ? En vérité, ces vieux termes grecs sont tout simples et il ne faut pas en avoir peur. Au contraire, il est bon que tu les connaisses dès maintenant. Ils signifient tout simplement ceci, que je viens de dire sous une autre forme : la naissance (gonie) du monde (cosmos), et naissance (toujours gonie) des dieux (théo), reviennent au même – la cosmogonie, la naissance du cosmos, est une théogonie, une histoire de la naissance des dieux, et réciproquement.

Ce qui te permet de comprendre, et, j’espère, de bien retenir tout de suite deux choses :

D’abord que s’il est éternel, comme les dieux immortels, le cosmos n’a pas toujours existé. Au début, ce n’est pas l’ordre, mais le chaos qui régnait. Au commencement, non seulement c’est le désordre le plus complet et l’obscurité la plus totale qui dominent, mais comme nous allons bientôt en avoir la preuve, les premiers dieux, loin d’être plein de sagesse, sont au contraire pleins de haines et de passions brutales, mal dégrossies, au point qu’ils vont se faire la guerre entre eux de façon terrifiante.

Remarque aussi qu’à cette époque des origines il n’y a pas non plus à proprement parler d’espace : entre ciel et terre, entre Ouranos et Gaïa, il n’y a pas de vide, pas d’interstices, tant ils sont collés l’un à l’autre. L’univers, par conséquent, n’a pas d’entrée de jeu son visage actuel, avec une terre et un ciel séparés par une grande distance. Mais, en outre, il n’y a pas non plus vraiment de temps, ou du moins pas de temps

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