La Mort Du Roi Tsongor
Mémoire : La Mort Du Roi Tsongor. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar kobato • 24 Juin 2014 • 1 254 Mots (6 Pages) • 1 230 Vues
D’ordinaire, Katabolonga était le premier à se lever
dans le palais. Il arpentait les couloirs vides tandis
qu’au dehors, la nuit pesait encore de tout son
poids sur les collines. Pas un bruit n’accompagnait
sa marche. Il avançait sans croiser personne, de sa
chambre à la salle du tabouret d’or. Sa silhouette
était celle d’un être vaporeux qui glissait le long
des murs. C’était ainsi. Il s’acquittait de sa tache, en
silence, avant que le jour ne se lève.
Mais ce matin là, il n’était pas seul. Ce matin là,
Une agitation fiévreuse régnait dans les couloirs.
Des dizaines et des dizaines d’ouvriers et de porteurs
allaient et venaient avec précaution, parlant à voix
basse pour ne réveiller personne. C’était comme
un grand navire de contrebandiers qui déchargeait sa
cargaison dans le secret de la nuit. Tout le monde
s’affairait en silence. Au palais de Massaba, il n’y
avait pas eu de nuit. Le travail n’avait pas cessé.
Depuis plusieurs semaines, Massaba était deve-
nue le cœur anxieux d’une activité de fourmis. Le
roi Tsongor allait marier sa fille avec le prince des
terres du sel. Des caravanes entières venaient des
contrées les plus éloignées pour apporter des épices,
bétail et tissus. Des architectes avaient été diligen-
tés pour élargir la grande place qui s’étendait devant
la porte du palais. Chaque fontaine avait été déco-
rée. De longues colonnes marchandes venaient
apporter des sacs innombrables de fleurs. Massaba
vivait à un rythme qu’elle n’avait jamais connu. Au
fil des jours, sa population avait grossi. Des milliers
de tentes, maintenant, se tenaient serrées le long des
remparts, dessinant d’immenses faubourgs de tissus
multicolores où se mêlaient les cris des enfants qui
jouaient dans le sable et les braiements du bétail.
Des nomades étaient venus de loin pour être pré-
sents en ce jour. Il en arrivait de partout. Ils venaient
voir Massaba. Ils venaient assister aux noces de
Samilia, la fille du roi Tsongor.
Il laissa tomber le poignard à ses pieds. Il se tenait
là, les bras ballants, incapable de rien faire. Le roi
Tsongor aurait voulu étreindre son vieil ami, mais
il ne le fit pas. Il se baissa rapidement, prit le cou-
teau et, sans que Katabolonga ait le temps de com-
prendre, il s’entaille les veines de deux gestes
coupants. Des poignets du roi coulait un sang som-
bre qui se mêlait à la nuit. La voix du roi Tsongor
retentit à nouveau, calme et douce.
« Voilà, je meurs, tu vois. Cela prendra un peu de
temps. Le sang s’écoulera hors de moi. Je resterai
ici jusqu’à la fin. Je meurs. Tu n’as rien fait. Main-
tenant, je te demande un service. » Tandis qu’il
parlait, son sang continuait à se répandre. Une
flasque déjà coulait à ses pieds. « Le jour va se
lever. Regarde. Il ne tardera pas. La lumière paraî-
tra sur la cime des collines avant que je sois mort.
Car il faut du temps pour que mon sang coule
hors de moi. Les gens accourront. On se précipi-
tera sur moi. J’entendrai, dans mon agonie, les cris
de mes proches et le vacarme lointain des armées
impatientes. Je ne veux pas cela. La nuit va finir. Et
je ne veux pas aller au-delà. Mais le sang coule
lentement. Tu es le seul, Katabolonga. Le seul à
pouvoir faire cela. Il ne s’agit plus de me tuer. Je
l’ai fait pour toi. Il s’agit de m’épargner ce nouveau
jour qui se lève et dont je ne veux pas. Aide moi. »
Katabolonga pleurait toujours. Il ne comprenait
pas. Il n’avait plus le temps de penser. Tout se
bousculait en lui. Il sentait le sang du roi lui bai-
gner les pieds. Il entendait sa voix douce couler
en lui. Il entendait un homme qu’il aimait le sup-
plier de l’aider. Il prit délicatement le poignard des
mains du roi. La lune brillait de ses dernières
lueurs. D’un geste brusque, il planta le poignard
dans le ventre du vieillard. Il retira son arme. Et
porta un nouveau coup. Le roi Tsongor eut un
hoquet et s’affaissa. Le sang, maintenant, s’échap-
...