L'écrivain Use-t-il D'artifices

Le mot ‘artifice’ a plusieurs sens. Si on se réfère à l’étymologie, il signifie ‘art consommé’, ‘habilité’. L’écrivain peut donc mettre son talent au service d’une œuvre polémique par laquelle il veut critiquer les artifices de la société dans laquelle il vit. En effet, ‘artifice’ est aussi synonyme de ‘ruse’, ‘imitation’, arbitraire’, ‘tromperie’, ‘faux-semblant’ ou ‘affectation’. L’écrivain peut donc, en utilisant un artifice littéraire, faire réfléchir le lecteur et l’amener à comprendre le caractère artificiel et hypocrite des conventions sociales, des systèmes politiques, métaphysiques ou philosophiques qui souvent l’éloignent de la nature et de la raison.

C’est ce qu’ont fait des auteurs du XVIIIe siècle comme Montesquieu, Diderot, Voltaire ou Marivaux. L’artifice comme outil littéraire leur a permis de s’élever contre l’artifice, fléau social, qui force l’homme à jouer un rôle ou qui l’empêche d’être vrai et naturel.

(artifice : outil littéraire)

Les écrivains ont à leur disposition de nombreux outils stylistiques. Par exemple, le conte philosophique : ce genre peut être considéré comme artificiel ou trompeur dans la mesure où il met en scène des personnages schématiques, un monde merveilleux ou utopique. Il caractérise le mieux le Siècle des Lumières et il a été utilisé par des auteurs du XVIIIè siècles pour sa valeur didactique. En effet, les auteurs de cette époque cherchent à communiquer à leurs lecteurs le résultat de leur parcours intellectuel (Voltaire disait : ‘J’écris pour agir’) et ils veulent toucher le plus grand nombre de personnes. Ils savent qu’ils ne peuvent pas le faire par des écrits compliqués. Pour eux, ce genre qui fait appel à l’artifice est le plus approprié car il distrait et informe. Mais il leur permet aussi d’échapper à la censure et aux critiques d’invraisemblance. Montesquieu, par exemple, dans les lettres persanes utilise un double artifice stylistique : cette œuvre est un conte philosophique qui est raconté sous forme épistolaire. Montesquieu la fait passer aussi pour une traduction alors que c’est lui qui l’a écrite. Voltaire, dans Candide, met en scène des personnages caricaturés et des situations invraisemblables pour faire comprendre aux lectures les artifices et l’hypocrisie de la religion ou de la société. Son personnage Micromégas est lui-même un personnage totalement fictif que l’on retrouve souvent dans les contes pour enfants : celui du géant qui pourra donner son opinion sur les habitants de notre planète, opinion souvent négative.

Les auteurs du XVIIIè siècle ont fait aussi un grand usage de l’ironie. C’est un registre qui se rapproche de l’artifice dans la mesure où il permet de dire le contraire de ce qu’on pense. Par exemple, Voltaire, par la bouche de Candide, déclare que ‘rien n’est si beau, si leste, si brillant’ que la guerre alors qu’on sait très bien que pour lui, c’est une monstruosité absurde où l’on massacre des innocents. L’ironie permet aussi de cacher la critique derrière des paroles faussement admiratives. Le lecteur doit donc être suffisamment intelligent et instruit pour comprendre qu’il s’agit d’une forme de duperie et qu’il doit interpréter le texte au second degré.

D’autres outils stylistiques faisant appel à l’artifice sont à la disposition des écrivains et permettent de donner plus de poids à l’ironie. Ce sont, par exemple, l’antiphrase, la litote, l’euphémisme, les faux compliments, la fausse naïveté. Ils permettent de critiquer tout en amusant et protègent leur auteur. Ainsi Voltaire peut dénoncer la fausseté et l’hypocrisie de la religion. Par exemple, le clergé refuse une explication rationnelle des tremblements de terre dans Candide. Dans les Lettres Persanes, Rica et Uzbek font preuve de fausse naïveté, ce qui permet à Montesquieu de mieux critiquer l’hypocrisie des conventions sociales. Cette fausse naïveté s’exprime,

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