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L'utopie

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Par   •  28 Mai 2014  •  Analyse sectorielle  •  4 144 Mots (17 Pages)  •  639 Vues

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L’utopie

« Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées » selon Lamartine. Depuis des siècles, l’humanité imagine des cités idéales. Le mot figure pour la première fois dans De optima reipublicae statu deque nova insula Utopia que fit paraître en 1516 Thomas More, le futur chancelier du roi Henri VIII d’Angleterre. Dès 1551, l’Oxford English Dictionary en donne la définition suivante : « Une île imaginaire décrite par sir Thomas More comme jouissant d’un système social, juridique et politique parfait ». En 1610, une nouvelle édition du même dictionnaire précise que le terme s’applique « à n’importe quelle région, contrée, localité située dans un lointain indéfini ». En un siècle à peine, la notion s’est élargie et elle ne cessera de le faire jusqu’à nos jours. Mais l’utopie a existé avant que ne fût forgé le terme qui la désigne. Son histoire ne commence pas en 1516, mais dans l’Antiquité. Aujourd’hui, quatre grandes utopies dominent, selon Jacques Attali : « La première, l’utopie d’éternité, part de la théologie pour aller au clonage. La seconde, l’utopie de liberté, va de la lutte contre l’esclavage jusqu’à l’économie de marché ; l’utopie d’égalité politique à l’égalité monétaire. Ces trois premières utopies sont, au fond, un peu égoïstes. Il y a heureusement une quatrième utopie : c’est l’utopie altruiste, qui consiste à chercher son bonheur dans le bonheur des autres. Une condition s’impose, dans ce domaine : on a intérêt à laisser à l’autre le choix de la définition de son bonheur. C’est ce que j’appelle l’utopie de la fraternité. C’est cette utopie qui devra être approfondie au XXIe siècle ». (L’homme nomade, 2003).

Le rêve d’une société parfaite remonte, dans la culture occidentale, à l’Antiquité grecque, au Ve siècle avant notre ère. C’est elle qui inspire les auteurs d’un genre littéraire nouveau, le récit d’utopie qui décrit, dans un pays imaginaire, un idéal d’organisation politique de la communauté humaine qui n’a cessé d’alimenter le débat politique (1). Malgré les critiques dont elle a fait l’objet tout au long du XXe siècle, la notion d’utopie reste toujours d’actualité (2).

1. L’UTOPIE DÉCRIT UN IDÉAL D’ORGANISATION POLITIQUE DE LA COMMUNAUTÉ

HUMAINE ET N’A CESSÉ D’ALIMENTER LE DÉBAT POLITIQUE

Les récits utopiques définissent des sociétés où tout est organisé, codifié pour le bonheur de l’homme. Aussi ne faut-il pas s’étonner si l’utopie se voit doublée de son envers, la contre-utopie, qui va se moquer des prétentions à vouloir organiser le bonheur des hommes. Les créateurs d’utopies rêvent d’une société idéale et évoquent dans leurs récits des mondes parfaitement heureux. Plusieurs écrivains de la Grèce, puis du monde hellénistique tels que Phaléas de Chalcédoine, Hippodamos de Milet, Aristophane, et plus tard Zénon, ont élaboré sinon de véritables utopies, du moins des plans de sociétés dotés d’une constitution qu’ils considéraient comme parfaite. Aristote raconte que l’architecte Hippodamos de Milet « entreprit de tracer un plan de constitution idéale ». Il proposa de faire correspondre aux quartiers de la ville de Milet chacune des fonctions de ses citoyens. Cette idée d’une cité découpée selon une rationalité géométrique exprime un rêve de perfection. Mais c’est Platon, avec La République, qui est le véritable précurseur du récit utopique. Deux aspects essentiels se manifestent dans ses œuvres. L’utopie considérée comme un traité abstrait du meilleur gouvernement y est représentée par la République et par les Lois ; l’utopie littéraire, avec son affabulation plus ou moins complexe y figure sous une forme embryonnaire dans le Timée et dans le Critias. Il rêve d’une cité puissante, homogène, capable d’endiguer toute rébellion intérieure. Athènes sera donc cette ville idéale. Trois classes la composent : les artisans et les agriculteurs assurent la production des biens ; les soldats défendent la cité ; enfin des « gardiens » l’administrent. Dans cette dernière classe, hommes et femmes reçoivent la même éducation. L’intérêt communautaire est primordial : la cellule familiale est inadaptée. Le but est d’intégrer l’individu au tout social qu’est la cité.

Le terme d’utopie est cependant inconnu du grec. C’est l’Anglais Thomas More qui, au XVIe siècle, forge le mot « utopie » qui, étymologiquement, signifie « lieu de nulle part », mais aussi lieu hors du temps, hors de l’histoire. More transporte le lecteur dans l’île d’Utopie. Celle-ci est entièrement planifiée : toutes les villes sont bâties sur le même plan et comptent les mêmes édifices. L’industrie de base est l’agriculture. La communauté des biens abolit l’inégalité. Chacun travaille six heures par jour, le reste du temps étant consacré à l’étude. L’Utopia de More se réclame à plusieurs reprises de Platon, du moins dans sa partie positive qu’est la description de l’île et de sa capitale Amaurote, tandis que dans sa partie négative, elle est avant tout une critique de l’Angleterre contemporaine. Par l’introduction de personnages tels que Raphael Hythlodée, l’ouvrage cherche à éviter l’écueil de l’abstraction, sans pourtant y parvenir vraiment. C’est à partir de l’Utopia, considéré comme paradigme, que le genre va se développer et

évoluer.

Le premier imitateur semble avoir été Stiblin, un Allemand, qui fit paraître en 1553 une utopie-traité, intéressante à cause de la date de publication, mais en réalité peu originale, intitulée De Eudaemonensium Republica. Les utopistes du XVIIe siècle, vivant dans un monde encore largement dominé par les Églises, auront quelque difficulté à trouver un moyen terme entre le « communisme » de Platon et la fidélité aux dogmes chrétiens. Un livre comme la Reipublicae Christianapolitanae Descriptio du Wurtembergeois Johann-Valentin Andreae n’a certes plus les préoccupations théologiques de la Civitas Dei de saint Augustin, mais tout en recherchant le bonheur de l’homme sur cette terre, il n’arrive pas à s’affranchir de la religion, et d’ailleurs ne le désire point. Plus nuancée est la position de l’italien Tomaso Campanella. Sa Città del Sole (1623) contient plus d’une idée non conforme aux dogmes de l’Église ce qui lui vaut des années d’emprisonnement. Sa cité est protégée par sept enceintes fortifiées. L’économie relève d’un communisme de gestion et de production. Les unions sont contrôlées et on pratique l’eugénisme.

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