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L'argumentation en classe de seconde: démontrer, convaincre et persuader

Dissertation : L'argumentation en classe de seconde: démontrer, convaincre et persuader. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  13 Mai 2012  •  Dissertation  •  1 907 Mots (8 Pages)  •  1 707 Vues

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Article publié le vendredi 18 avril 2008, en hommage à Aimé Césaire.

Cette lecture analytique est à insérer dans un groupement de textes sur l’objet d’étude « L’argumentation en classe de seconde : démontrer, convaincre et persuader », question « littérature et altérité ». J’ai choisi de travailler cette année à partir d’un excellent parascolaire récent : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre… », anthologie de Patrice Kleff parue en 2006 dans la collection « Étonnants classiques » de GF Flammarion. Le texte de Montesquieu figure, bien entendu, dans tous les manuels scolaires ; il constitue même le mètre étalon ou le parangon de l’ironie [1] à la française. Cependant, son interprétation est difficile, car à la difficulté propre au décryptage de l’ironie, s’ajoute celle de la langue alambiquée et allusive de Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu (on souffle !). Vérifiez que votre édition respecte bien le texte tel que ci-dessous, y compris alinéas, titres et majuscules (que certains éditeurs de manuels scolaires massacrent à la tronçonneuse !)

De l’esclavage des nègres

Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres.

Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.

Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité, que les peuples d’Asie, qui font les eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande conséquence, qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.

Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez les nations policées, est d’une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. Car, si elle était telle, qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?

Montesquieu, De l’esprit des lois, Livre XV, chapitre V.

Questionnaire de lecture analytique

Problématique : définir l’ironie de Montesquieu.

Explication préliminaire concernant l’alinéa 96 : « Il est si naturel de penser […] d’une façon plus marquée. » : Il y avait deux degrés d’eunuques. Les « peuples d’Asie » (y compris Turcs), qui pratiquaient la castration, castraient les noirs en les mutilant « d’une façon plus marquée » que les autres esclaves, c’est-à-dire en allant jusqu’à l’émasculation complète (pénectomie) [2]. L’ironie de cet alinéa consiste à feindre de prendre comme preuve de la non-humanité des noirs un acte commis sur eux par les « peuples d’Asie », alors que c’est cet acte même qui est barbare. L’expression « privent les noirs du rapport qu’ils ont avec nous » a un double sens : d’une part le rapport d’humanité, d’autre part la possibilité de rapport sexuel. L’argument a en outre l’intérêt de rappeler aux Européens qu’il peut aussi leur arriver d’être esclaves, et donc de les pousser à s’identifier autant aux esclavagistes qu’à leurs victimes, ce que permet l’ambiguïté du pronom « nous ». René Pommier n’avait pas vu cette distinction dans son analyse exhaustive : il affirme « l’opération est la même. Mais brutal et saignant, quand il s’agit des nègres, le même travail devient, pour les blancs, délicat et soigné : les instruments sont plus fins, les gestes plus précis, la cicatrisation plus rapide » ; joli contresens ! [3] Pour un point de vue historique et médical, voir cet article. Voir aussi le livre d’Altan Gökalp : Harems entre mythes et réalités, Ouest France, 2008. Cet auteur explique que les noirs réduits en esclavage par les Turcs étaient surtout une certaine ethnie d’Éthiopie, et que 80 % des enfants émasculés mouraient des suites de l’opération…

1. Énonciation : comment et par quels mots (pronoms, temps des verbes, etc.) l’auteur crée-t-il une situation d’énonciation telle que le lecteur ne doit pas prendre ce texte au premier degré, mais avec ironie ?

2. En quoi le choix de présenter le texte en courts alinéas contribue à l’ironie ?

3. « Les peuples d’Europe […] défricher tant de terres. » Expliquez clairement en quoi cet alinéa est ironique.

4. Même question pour l’alinéa : « Ceux dont il s’agit […] il est presque impossible de les plaindre. »

5. Même question pour l’alinéa : « On peut juger de la couleur […] leur tombaient entre les mains. »

6. Dans l’alinéa « Il est impossible […]pas nous-mêmes chrétiens », Montesquieu sous-entend une proposition, évidente pour un lecteur chrétien de l’époque, qui permet d’arriver à sa conclusion : « nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens ». Quelle est cette proposition

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