Jeux de regards

Jeux de regards

Regarder l’autre, c’est porter un jugement sur l’inconnu en se basant sur des normes que nous avons intégrées. Lorsque nous regardons l’inconnu, nous modifions donc la réalité en lui donnant des tendances exagérées. Par exemple, Diderot fait l’éloge du peuple tahitien dans le Supplément au voyage de Bougainville en se basant sur le mythe du Bon Sauvage. En appliquant son regard à un nouveau peuple, il applique également à ce peuple une image de paix et d’harmonie déjà construite de toutes pièces par sa culture européenne. Regarder l’autre ne permet donc pas de connaître l’autre ; il permet simplement d’essayer de trouver nos similitudes et différences. Généralement, ce sont les différences avec l’autre qui nous effraie et nous pousse à rejeter l’autre.

Mais pour pouvoir trouver ces similitudes et différences, il faut déjà porter un regard sur soi. En effet, en se regardant d’abord soi, on peut ainsi mettre en parallèle par la suite les deux visions. Dans le roman Les lettres persanes de Montesquieu, le personnage de Rica porte un regard sur la France, qui lui est inconnue, en la comparant au modèle de la Perse. Mais en réalité, c’est ici Montesquieu qui expose son regard sur soi et sa société : en effet, il exprime à travers ces personnages éloignés de la société française la vision qu’il en a. Il se sert donc de personnages étrangers pour calquer les différents regards.

Finalement, regarder l’autre c’est comme se regarder soi. Regarder l’autre permet d’établir une comparaison avec le regard sur soi. De plus le regard de l’autre est basé et déformé par notre propre représentation des choses : lorsqu’on regarde l’autre, on ne le regarde pas vraiment lui-même mais l’on regarde plutôt l’image de lui que l’on se représente.

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