Explication de texte Manon Lescaut

Introduction

Monsieur l’Abbé Prévost était un prêtre qui a publié en 1731 Manon Lescaut, c’était un homme religieux qui, il le dit dans l’avis au lecteur de notre œuvre, voulait faire de son ouvrage « un traité de morale, réduit agréablement en exercice ». L’abbé Prévost était néanmoins une personnalité complexe, dont la vie oscille entre vocation religieuse et appétit pour les plaisirs mondains. C’est une ambiguïté propre à cet homme des Lumières que l’on retrouve dans son œuvre Manon Lescaut. Le roman connut rapidement un succès de scandale, jusqu’à être brûlé par les autorités religieuses, vu comme immoral. En effet, le narrateur, interne à l’histoire, laisse toujours au lecteur la libre interprétation de ce qu’il lit. Comme au XVIIIe siècle le roman avait mauvaise réputation, au début de Manon Lescaut, il justifie ce récit en le disant relaté à Renoncour, personnage fictif des Mémoires et aventures d’un homme de qualité. A son dire, il ne fait que recopier ce qui vient de lui être raconté par le héros de l’histoire, le Chevalier Des Grieux. Ils se sont rencontrés deux fois :

• Une première fois à Pacy où il est venu en aide financièrement à Des Grieux qui voulait suivre sa belle jusqu’en Amérique où elle était exilée.
• Une seconde fois à Calais, deux ans plus tard, après la mort de Manon et le retour de Des Grieux en France, où il lui raconte en deux fois son histoire en long et en large.

Le narrateur de notre extrait est donc homodiégétique et nous raconte sa première rencontre et son coup de foudre pour Manon lorsqu’ils se virent à Amiens. Comme le dit Carole Dornier, « au lieu d’un auteur omniscient et détaché, il s’agit d’un conteur (…) qui commente les faits, anticipe sur la suite, et dont le point de vue est limité et relatif ». Notre texte est donc un topos littéraire que revisite ici l’auteur à travers la voix de son personnage.

-De même, on a une scène de rencontre assez théâtrale qui insère le registre tragique et cherche à faire éprouver au lecteur de la frayeur et de la pitié et insiste sur la théâtralité de la scène. En effet il présente des personnages comme la jeune ingénue et le jeune premier, ce qui est pourtant à nuancer. On a une scène qui s’ouvre comme une scène de théâtre tragique.

Le premier mouvement est narratif et décrit les circonstances et la rencontre des deux personnages, donnant lieu au cliché de la rencontre amoureuse nuancé par les intrusions du Des Grieux narrateur dans le discours. La transition se fait par le passage de la description des sentiments du personnage par la présence d’un passé simple (« avançai ») qui imprime un mouvement de rencontre entre les deux personnages. Ce second mouvement donc est de genre dialogal, puisqu’il s’agit de relater le dialogue qui a eu lieu entre les deux personnages tout en dressant un portrait ambiguë du personnage de Manon.

Il s’agira de voir en quoi, par la polyphonie du texte, l’auteur parvient à introduire dans le topos de la rencontre amoureuse une dimension tragique presque théâtrale. Le côté tragique de l’histoire naît en effet de la superposition de deux points de vue contrastant : celui du Des Grieux personnage, naïf et celui du narrateur, qui connaît l’issue tragique de l’histoire. Le personnage introduit Manon comme un personnage que l’on sent capable de nourrir le romanesque et le tragique.  

Conclusion

Dans ce texte, le narrateur ne cesse de nous prévenir des conséquences funestes de ce que nous lisons ; on est dans une ère du soupçon généralisée, la polyphonie est sensible et elle permet d’insister sur le tragique, en revisitant un topos littéraire avec théâtralité. Le personnage de Des Grieux profite de toutes les occasions possibles pour se dédouaner, afin de mettre la faute sur quelque nécessité supérieure à lui-même et qui ne l’a pas laissé libre, et ce dès la seconde phrase du texte et jusqu’à la dernière. Manon est parfois accusée d’être la coupable, mais il ressort du texte qu’elle est plutôt elle aussi victime d’un penchant qu’elle ne contrôle pas.

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