Eldorado, Laurent Gaudé

Commentaire de texte :

        La question de l’immigration vers l’Europe est au cœur de l’actualité depuis 2015. Or, dès 2006, Laurent Gaudé s’interresse à ce sujet, comme en témoigne son roman Eldorado. Ce roman présente, sous la forme de deux récit alternés, l’histoire de Salvatore Piracci marin italien, chargé de récupérer les migrants en Méditérranée pour les remettre aux autorités, et celle de Soleiman, jeune Soudanais qui entreprend le voyage vers l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure.

Dans cet extrait qui appartient au deuxième récit, le lecteur fait la connaissance de Jamal et Soleiman, à un jour clé de leur vie. Nous pouvons nous demander comment cet extrait parvient à nous faire partager la nostalgie des personnages à l’approche de leur départ. Nous verrons dans un premier temps comment Laurent Gaudé nous captive et nous transporte dans le même univers que les personnages, puis dans un second temps, comment on comprend la relation très forte qui unit les deux frères, et enfin, nous nous demanderons quel est ce projet qui les lie, et qui va faire basculer leur destin.

        Dans un premier temps, le lecteur est plongé dans un cadre spatio-temporel, le narrateur nous donne l’impression que les personnages se situent dans un pays du Sud, où poussent les « orangers ». Cette impression se clarifie lorsque nous apprenons ensuite que la chaleur, le bruit et la circulation sont omniprésents dans la description de la ville : «  La poussière soulevée par les embouteillages est encore chaude ». Pour caractériser le bruit, Laurent Gaudé utilise le champ lexical du bruit : « les boulevards grondent du vacarme des klaxons », « embouteillages », « le fouillis des voitures ». Le romancier utilise aussi une personnification en employant le verbe « gronder » pour rendre vivante la ville. Le lecteur apprend que la ville se situe dans un ancien pays colonisé : «  Jamal gare la voiture sur la place de l’Indépendance ». Ensuite, le romancier nous informe que ce soir là n’est pas comme les autres en employant le pronom démonstratif « ce », qui joue un rôle d’insistance.

        Dans un second temps, le lecteur fait connaissance avec les personnages. En effet, le lecteur apprend que les deux personnages sont frères, que le narrateur se nomme Soleiman et qu’il a 25ans. Le frère aîné se nomme Jamal, c’est lui qui décide dans la fratrie, on le comprend grace aux phrases : « il fait tourner la clé », « il m’a demandé de venir », « mon frère choisit une des tables ».

Les deux frères ont un très forte relation, caractérisé par l’emploi du pronom « nous », et de l’adjectif possesif « notre » qui prouve que les deux frères partagent la même vie, de plus une anaphore renforce encore leur proximité : « notre ville », « notre café », « notre vie », « notre famille ». Cette proximité s’explique aussi par le fait qu’ils n’ont pas besoin de se parler pour se comprendre : « je l’ai compris à son regard », « je sais ce qu’il pense et je fais comme lui ».

        Pour finir, le lecteur perçoit des éléments d’intrigue dans lesquels il est impliqué. Il comprend que Jamal et Soleiman sont sur le point de quitter leur ville grace à la phrase « je sais que nous partirons ». Les phrases « dire adieu à notre ville », « cette place qu’il ne verra plus » et « nous ne reviendrons plus jamais » montrent que ce départ restera sans retour. Ce départ suscite des questions chez le lecteur, les raisons de leur départ et leur destination que personne ne connaît : un endroit dont je ne sais rien ». Ces interrogations laissent un suspense planer. Le pronom personnel « je » qu’utilise Soleiman implique le lecteur et perçoit en conséquent les événements à travers la subjectivité du personnage. Il ressent alors une proximité, une empathie et s’identifie aux personnages par la phrase « La tristesse et la joie se partagent en mon âme » par exemple.

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