Dom Juan Etude de l'Acte I les procédés de la scène d'exposition

Pourquoi Molière écrit-il Dom Juan ?

Quand Molière écrit Dom Juan, il se trouve en situation d’urgence : sa pièce précédente, Tartuffe, (1664) a été interdite de représentation publique ; il est en train d’écrire Le Misanthrope, mais il n’a pas fini. Il lui faut pourtant présenter une nouvelle pièce rapidement ; il choisit alors le thème à la mode, celui de Dom Juan.

De qui Molière s’est-il inspiré pour construire son personnage de Dom Juan ?[pic 1]

Molière n’a pas inventé le personnage de Dom Juan ; pour le créer, il s’est inspiré de textes qui présentaient déjà ce type de héros. De même il a repris des péripéties déjà présentes dans des œuvres antérieures.

 Certaines données sont très anciennes : une légende occidentale chrétienne évoque un mort insulté qui punit son offenseur ; les histoires de statues animées apparaissent dès l’Antiquité. D’autres données sont plus récentes : le jeune premier, coureur d’aventures se rencontre au théâtre et ausi dans les romans. Dans L’Astrée (1627) d’Honoré d’Urfé, à l’amoureux parfait, Céladon, s’oppose Hylas, l’inconstant qui déclare : « il faut aimer toujours et en tous lieux la beauté », « qui veut être parfait amant [...], qu’il aime et serve en divers lieux, [...] faisant toujous amour nouvelle ».

 D’autres sources, notamment théâtrales, existent aussi

a) En Espagne

Tinso de Molina, moine espagnol, écrit en 1620 une pièce en trois actes Le Trompeur de Séville et le convive de pierre. Elle est éditée en1630. Dom Juan Tenorio y est un séducteur sans scrupules qui n’hé- site pas à se faire passer pour un autre la nuit auprès des dames, à promettre le mariage ; il sépare les couples qui le croisent. L’épisode de la statue du Commandeur que Dom Juan a tué est le même que chez Molière, sauf que le Commandeur est le père d’une fille séduite.

b) En Italie

Le théâtre italien s’empare du thème et la commedia dell’ arte s’en inspire dès 1630. Le rôle du valet, en l’occurence Arlequin y est privilégié, ainsi que les bouffonneries ; il est fait mention du catalogue des conquêtes amoureuses de Dom Juan et, à la fin, le valet s’écrie : «Mes gages ! Mes gages !».

c) En France

En 1659, Dorimond publie une tragi-comédie en cinq actes, Le Festin de Pierre ou le Fils criminel ; de nouveaux éléments voient le jour : le comportement de mauvais fils de Dom Juan face à son père et le thème du déguisement.

En 1660, Villiers écrit lui aussi une tragi-comédie en cinq actes avec exactement le même titre ; il ajoute la scène où Dom Juan courtise deux paysannes à la fois.

Tous les deux ont appelé le commandeur du nom de Pierre.

Le personnage de Dom Juan est alors constitué : grand seigneur débauché, renié par son père, c’est une sorte d’aventurier qui commet des crimes pour les femmes.

Sur le plan de l’action, c’est surtout un obstacle au bonheur des amoureux. Quand il meurt, les mariages peuvent enfin avoir lieu.

Molière va profondément modifier le personnage et sa fonction dramatique. Il fait de son héros un

libertin. Que faut-il entendre par là ? Selon Littré, c’est :

Celui qui ne s’assujetit ni aux croyances ni aux pratiques de la religion» (un athée). Il s’ensuit qu’il est

«déréglé par rapport à la moralité entre les deux sexes».

Sur le plan dramatique, Dom Juan n’est pas un simple obstacle ; c’est lui le héros et il forme avec son éternel valet un couple original.

 L’accueil de la pièce par le public

La pièce est représentée pour la première fois sur la scène du Palais Royal, à Paris, le 15 février 1665. Molière joue le rôle de Sganarelle. Les décors sont très coûteux ; les costumes sont somptueux, en particulier celui de Dom Juan. C’est donc une pièce à grand spectacle.

Lors de la première représentation, la pièce a un grand succès ; mais, dès la deuxième représentation, Molière procède à des coupures sur des passages jugés trop hardis comme, par exemple, la scène du Pauvre (acte III, scène 2). Il n’y aura pourtant que quinze représentations et la pièce sera définitivement retirée de l’affiche, probablement sous la pression des dévots (Vocabulaire : le dévot est celui qui mani- feste un zèle extrême pour la religion et les pratiques religieuses. Il y avait à l’époque de Molière un parti dévôt dont les chefs étaient la reine mère, Anne d’Autriche et le prince de Conti, cousin du roi).

La pièce ne sera éditée qu’en 1682, après la mort de Molière, sous le titre Dom Juan ou Le Festin de Pierre.

Pourquoi le sous-titre «Le Festin de Pierre» ? En fait, Molière reprend textuellement le titre des pièces de Dorimond et de Villiers qui avaient remporté un très grand succès, en 1659 et 1660. Ce sous-titre présente l’avantage d’être à la fois mystérieux et inquiétant. Il évoque certains motifs mythologiques touchant à la pierre, à la dévoration et à la mort. On pense à la pierre dévorée par Chronos que Gaia avait substituée à leur fils, Zeux ; et Zeus détrônera son père, dieu du temps. Or Dom Juan est bien un fils en lutte contre son père et contre le temps. On peut penser aussi à la pierre dévoratrice : on trouve au fronton des cathédrales la bouche de l’Enfer, ce qui correspond tout à fait au dénouement.

Étude de l’acte I :[pic 2][pic 3]

les procédés d’exposition

 A  Étude de la scène 1

 Pourquoi la pièce s’ouvre-t-elle sur un éloge du tabac ?

D’une part, le tabac était un sujet d’actualité : le pape et les dévôts en condamnaient l’usage. Molière tourne en ridicule ses adversaires de toujours, les dévôts qui avaient obtenu l’interdiction que sa pièce Tartuffe soit jouée.

D’autre part, il s’agit pour Molière d’indiquer aux spectateurs quel va être le genre du spectacle auquel ils assistent. Faire prononcer cet éloge par Sganarelle permet d’emblée de comprendre qu’il va s’agir d’une comédie. En effet, ici, c’est un éloge qui devient vite ridicule, la pièce commence donc comme une farce.

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