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Dissertation sur une oeuvre de Bernard Dort

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Par   •  24 Juin 2013  •  3 189 Mots (13 Pages)  •  1 376 Vues

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« Je ne fais pas de la littérature. Je fais une chose tout à fait différente. Je fais du théâtre. » écrit Ionesco dans Notes et Contre-notes. Le théâtre s’opposerait donc à la littérature au sens classique où nous l’entendons, au roman, à la poésie. Il est vrai que la caractéristique principale du théâtre, la représentation, la mise en scène des mots, l’éloigne du carcan figé de l’écrit. Le théâtre est dualité : à mi-chemin entre l’immobilité du texte publié et l’oralité, plus souvent lu que vu. Ce sont pourtant les différentes mises en scène qui permettent à un même texte de perdurer, d’agir sur les spectateurs de différentes époques, de se renouveler. La mise en scène est en effet le lieu même du renouveau : il s’agit toujours d’acteurs différents, d’un public hétéroclite, de décors divers et variés, de partis pris. Bernard Dort écrit ainsi dans Le Spectateur en dialogue que « les plus grands textes de théâtre, ceux qui ont suscité, à travers les âges, le plus d’interprétations scéniques, et les plus différentes entre elles, sont ceux qui, à la lecture, nous semblent les plus problématiques ». Comment expliquer autrement la pérennité de pièces rédigées il y a de cela parfois plusieurs siècles ? A l’affiche des théâtres, nous retrouvons encore aujourd’hui Shakespeare, Molière, Sénèque ou Euripide… Bernard Dort explique cette postérité par la nature du texte, qui se révèle alors « ouvert, qui ne répond aux questions que par de nouvelles questions et qui prend délibérément le parti de son propre inachèvement ». Plus le texte s’avère problématique, offre la possibilité d’être réinventer, n’excluant aucune nouveauté de mise en scène, plus il perdure. Le théâtre ne saurait-il donc se passer de la scène, ou peut-on s’accorder sur l’importance du texte nu ? Nous tenterons de répondre à l’affirmation de Bernard Dort en considérant bel et bien le théâtre comme le lieu naturel de l’explication du texte, de sa constante réinterprétation. Nous noterons cependant que la scène n’est pas tout, et que l’œuvre vaut avant tout pour un lecteur, un spectateur, ou les deux à la fois.

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Selon Bernard Dort, un grand texte est donc reconnaissable au grand nombre de représentations qui en ont été données. Il est également caractérisé par une ouverture, une complexité irrésoluble, des questionnements qui lui sont inhérents et perpétuels, qui nécessitent la scène, l’appellent, dans l’espoir d’y trouver une issue. Notons que la notion première qui apparaît dans sa définition concerne le grand texte, soit le chef-d’œuvre reconnu de tous. Cette postérité, cette gloire, sont nécessairement liées à des caractéristiques précises, telles que la beauté du texte, qui sert alors un propos problématique. Le texte véhicule alors des interrogations profondes, universelles et intemporelles, servies par une langue tout aussi obscure, envoutante et riche. Les pièces de Racine ou de Corneille sont ainsi rédigées en alexandrins et exploitent tous les ressorts de la poésie, qu’il s’agisse du rythme ou des figures esthétiques. La beauté du texte se mêle alors à des sujets forts, qui interrogent, touchent, bouleversent. Dans Andromaque de Racine, comment ne pas voir la beauté de ces vers « Je souffre tous les maux que j’ai faits devant Troie./Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,/Brûlé de plus de feux que je n’en allumé » ? D’ailleurs, le sujet même de la pièce nous éclaire sur l’envergure des « grands textes » : cette Andromaque est inspirée au dramaturge par toute la mythologie grecque antique. Et pour cause… Toutes les pièces qui deviennent des chefs-d’œuvre et qui font ainsi l’objet de tant de représentations semblent caractérisées par un schéma sans cesse identique, expliqué par Steiner dans Les Antigones. Pour lui, « les limites qui conditionnent l’existence de la personne humaine sont fixées par le sexe, l’âge, la communauté, la coupure entre la vie et la mort, et le potentiel de rencontre acceptées ou refusées entre l’existentiel et le transcendant ». En réunissant toutes ces problématiques dans un même récit, Sophocle [dans Antigone] permet à son sens de rencontrer celui de tous les lecteurs et de faire vibrer « nos esprits et nos sensibilités »

Afin de rendre plus éclatante la beauté du texte, son aura, il convient donc de le mettre en scène. En un sens, le genre appelle la représentation avant même que le dramaturge ait esquissé les premiers mots de sa scène d’exposition. La représentation est l’horizon d’attente nécessaire du texte théâtral, elle permet de révéler ce qui n’est que flou à la lecture, de donner une autre dimension au texte, de matérialiser la polyphonie et la beauté des voix, la lutte des corps et des egos. Le foisonnement des didascalies, des préfaces, témoigne de cette volonté de l’auteur d’orienter la pièce vers une mise-en-scène. Molière lui-même l’explique, revendique cette nécessaire représentation du texte dans la préface de l’Amour médecin : « Tout le monde sait que les comédies sont faites pour être jouées ». Il est vrai que ce paramètre est d’autant plus présent dans le registre comique. Comment sinon faire voir tout ce qui a attrait au comique de gestes, de caractère ? Dans Amphitryon de Molière, Mercure bat Sosie. L’instant est couplé à de la stichomythie. Il faut le voir pour en apprécier tout l’humour farcesque, Mercure s’offusquant de la réaction de Sosie alors qu’il le bat : « Comment, bourreau, tu fais des cris? », et Sosie lui répondant « De mille coups tu me meurtris,/ Et tu ne veux pas que je crie? ». Daniel Mesguich va également dans ce sens, élargissant l’idée à tous les registres et expliquant dans L’Eternel éphémère qu’ « à la différence des autres écritures, l’écriture dramatique, lettre en souffrance, glacée dans l’encre et sur la page, n’est pas finie », « ces textes sont incomplets, […] il leur manque littéralement, leur destin : le théâtre. » Il est vrai que la représentation permet de mettre en branle la mécanique du texte et de mieux faire fonctionner la catharsis. En permettant au spectateur de voir, en lui exposant sans retenue le contenu du texte, ce dernier peut ainsi plus aisément purger ses passions, vivre l’instant, la teneur du texte théâtral qui se déploie sur scène, affronte son regard et son jugement.

Par conséquent, si le grand texte s’impose par des thèmes fondateurs, qui fédèrent, qui se révèlent éternellement sujet à débat, les textes plus circoncis à une époque, plus fermés, risquent la mort aussitôt leur époque dépassée. Ainsi le théâtre engagé, à thèse,

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