Dissertation sur Bérénice

I Bérenice est une piece originale

_dont l’amour réciproque est une situation exceptionnelle chez Racine, le devoir de conscience auquel ils se soumettent n'ayant pas d'équivalent exact ailleurs. En effet, ses autres tragédies étaient caractérisées, sauf chez quelques figures idéales (Junie dans Britannicius, Monime et Xipharès dans Mithridate), par la violence meurtrière d’une passion qu'on n'arrivait pas à maîtriser, même quand on le voulait intensément comme Phèdre, sauf à l'instant de la mort, comme Mithridate. Entre les violences plus ou moins vicieuses de ‘’Britannicus’’ et celles de ‘’Bajazet’’, et même dans l'ensemble de l’oeuvre de Racine, qui est dominée par la passion tyrannique, qui menace les innocents et souvent les assassine, ‘’Bérénice’’ fut une exception morale originale, car, ici, le désir est généreux, I'amour est réciproque, l’idéal, loin d'être inaccessible, est inscrit dans le coeur et la conscience des êtres.

_comportant peu d’action, qui ressemble à un exposé de sentiments : Racine indiqua dans sa préface qu’il avait trouvé un sujet «extrêmement simple», ce qui, au XVIIe siècle, signifiait qu'il ne comporterait pas trop d'événements, précisant : «Il y avait longtemps que je voulais essayer si je pourrais faire une tragédie avec cette simplicité d’action qui a été si fort du goût des Anciens». , on ne s'intéressait plus surtout aux actions, mais aux états d'âme. Vantant «une tragédie si peu chargée d’intrigues», affirmant même : «Toute l'invention consiste à faire quelque chose de rien», Racine composa avec ‘’Bérénice’’ sa tragédie la plus intime.On pourrait aller jusqu’à dire qu’il ne se passe rien dans une pièce que Racine étendit pourtant sur cinq actes, dont la trame narrative se résume ainsi : l’empereur aime une reine, mais les lois de l’Empire lui interdisent de l’épouser ; il doit signifier la rupture à son amante, mais a du mal à le faire. Mais, tout se passant dans les âmes, dans les paroles, dans les silences, cela demande du temps.

        Dans ‘’Bérénice’’, la simplicité de l’action ne fait qu’exalter la complexité des relations établies entre les personnages, le jeu de leurs passions, la crise par laquelle ils passent

_absence d’une mort tragique au dénouement : Le fait qu’il n’y ait pas de mort tranche avec le reste des tragédies écrites par Racine.  Cependant le dénouement reste tragique. Les personnages partent chacun de leur côté dans une atmosphère tendue.  Nul ne peut être heureux après ce qui a été décidé par l’empereur et Rome. S’il n’y a pas de mort physique il y a bel et bien mort de l’espoir, de la réjouissance et du bonheur. Une mort accomplie par une forme de fatalité qui porte les noms de lois, de devoir et de gloire comme le dit Racine dans sa propre préface : « Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Bérénice possède cette « tristesse majestueuse », elle baigne l’atmosphère de la rupture toute entière ; la pièce possède des « acteurs héroïques » dans la ligne de conduite que les personnages tiennent tout au long de la pièce : Titus fidèle à son rôle d’empereur, Bérénice fidèle à sa passion et Antiochus fidèle à son amitié malgré la cruauté de son rôle ; enfin « passions » et « action » sont grandes, hautes en intensité pour la première et haute en dénouement pour la seconde.

        Cette pièce peut paraître originale par le peu d'action, l'amour partagé et le manque de mort mais elle peut paraître aussi classique.

II_ Bérénice peut paraître classique, en respectant les codes esthétiques de l'Antiquité.

 _Racine respecte la règle des 3U qui reprenait, en les figeant, les théories développées par Aristote dans sa ‘’Poétique’’, qui avait été définie par Boileau dans l'’’Art poétique’’ (lll, vers 45-46) qui avait paru en 1674 :                                                 «Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli

                                Tienne jusqu'à Ia fin le théâtre rempli.»

 La pièce est bien soumise à l’unité d’action, car l'attention, loin de se disperser, est concentrée sur un problème unique : Titus épousera-t-il Bérénice?

  Le lieu est bien unique. Racine indiqua : «La scène est à Rome, dans un cabinet qui est entre l’appartement de Titus et celui de Bérénice». Au-delà de l'unité de lieu, la scène représente un lieu hautement symbolique. La majesté du lieu le place sous le signe du pouvoir et annonce déjà l'enjeu essentiel de la tragédie. Il s'agit de la pièce qui sépare l'appartement de l'empereur et celui de la reine. C'est donc un lieu de rencontre « C'est ici quelque fois qu'il se cache à sa cour, / lorsqu'il vient à la reine expliquer son amour » vers 5--, mais c'est aussi un espace de séparation. L'univers de l'empereur et celui de la reine ne se confondent pas, ils sont disjoints. Cela est particulièrement sensible à la fin de l'acte IV quand on demande Titus à la fois dans la chambre de Bérénice, où elle est entourée de ses suivantes et dans son appartement où l'attendent « tous less tribuns, les consuls, le sénat » (v.1241) et le « peuple » (v.1243). Le cabinet n'est qu'un lieu de passage, il faut choisir entre les deux appartements, ce que fera Titus en choisisant le devoir d'Empereur ou prendre la fuite ce que feront Antiochus et Bérénice.

  L’unité de temps est, comme toujours dans les tragédies de raciniennes parfaitement respectée, la pièce ne dure pas plus d’une journée. La tragédie se déroule tout entière le jour où Titus, apres les huit jours de deuil et de cérémonies dunèbres qui ont suivi la mort de son père (« […] après huit jours d'une retraire austère » v.56), doit accéder au trône d'empereure et décider du sort de Bérénice (« Peut etre avant la nuit l'heuresue Bérénice / Change le nom d'impératrice » v.59-60). Cette journéé doit donc couronner ou achever cinq ans d'amour (« Je crois depuis cinq ans jusqu’à ce dernier jour. »), nourrissant la passion qui est défaite en l’espace d’une journée dans la chronologie de la pièce. Cette unité permet à Racine d'accentuer de la dramaturgie. Le fait que l'action se deroule en un jour intensifie la dramatique crise, brève mais pourtant très violente et importante pour les personnages de la pièce, dont elle va determiner le destin .

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