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Dissertation: Le Couronnement De Louis

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Par   •  15 Avril 2014  •  5 696 Mots (23 Pages)  •  1 175 Vues

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Aurélie Lebaud Agreg externe 2014

8/01/2014

Dissertation de littérature française :

Le Couronnement de Louis

Sujet :

Vous direz comment vous lisez le Couronnement de Louis à la lumière de cette réflexion critique de Jean Frappier (Les Chansons de geste du cycle de Guillaume d’Orange, I) :

« D’un côté les chrétiens, de l’autre les païens ; d’un côté les bons, de l’autre les méchants ; une opposition absolue, peut-être éternelle, une sorte de manichéisme. La mystique et l’idéologie simpliste de la guerre sainte fournissent son sujet le plus efficace à l’épopée, qui est poésie militante, grandiose et sommaire, qui use de gros plans dans le domaine moral comme dans la description. »

Pour justifier la valeur de son sujet, le trouvère du Couronnement de Louis tresse dans son prologue un jeu d'écho habile : à "vaillant estoire" répond "vaillant" héros. Ainsi, le mérite de la chanson s'annonce et se reflète au miroir des exploits légendaires de "Guillelme al Cort Nés", "Qui tant sofri sor sarrazine gent". C'est dire alors la promesse de succès que recèle ce motif consacré de la lutte glorieuse contre les Sarrasins. Jean Frappier, dans le premier volume des Chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange, expose l'enjeu qui sous-tend ce conflit : " D’un côté les chrétiens, de l’autre les païens ; d’un côté les bons, de l’autre les méchants ; une opposition absolue, peut-être éternelle, une sorte de manichéisme. La mystique et l’idéologie simpliste de la guerre sainte fournissent son sujet le plus efficace à l’épopée, qui est poésie militante, grandiose et sommaire, qui use de gros plans dans le domaine moral comme dans la description ". Deux mouvements successifs se dégagent ici. Le regard surplombant du critique dresse d'abord un panorama statique et bipolarisé de la matière de la geste, d'essence agonistique, où les camps en présence renvoient à deux classes d'équivalence axiologiques : Bien, Mal. Le critère qui fonde leur antinomie, traçant entre eux une frontière "peut-être" infranchissable, serait religieux. Mais le second temps de la réflexion envisage une résorption du conflit, dans une dynamique déclinée sur trois niveaux : une parole poétique de l'extraordinaire, expressive et incitative, un parti-pris idéologique et une foi intime du poème se nourriraient mutuellement, en poussant leur énergie aux limites de la caricature. Le motif de la "guerre sainte", du combat au nom de Dieu contre les Infidèles, s'avère le point nodal de cette dynamique et dénote l'horizon victorieux pour lequel milite la chanson. Puisque le thème du conflit religieux semble ici, selon Jean Frappier, offrir au genre sa plus évidente illustration, peut-on admettre que la guerre sainte constitue de fait "le sujet le plus efficace" du Couronnement ? Souvent qualifié de chanson de geste la plus politique qui nous soit parvenue, ce texte n'emprunterait-il pas plutôt à la guerre sainte de quoi colorer sa veine laïque et temporelle ?

En thématisant le topos agonistique des chrétiens contre les païens sous les auspices de la croisade, notre chanson met en scène l'affrontement entre Bien et Mal sur fond de mystique chrétienne. Mais en observant son mode d'insertion dans le texte, on sera conduit à relativiser sa prégnance, au profit de la représentation d'un idéal laïc et féodal. Le motif de la guerre sainte pourrait alors faire l'objet d'un déplacement au service de l'idéologie politique pour laquelle le poème épique milite en la sacralisant.

L'"opposition absolue" entre chrétiens et païens, mentionnée par Jean Frappier, s'illustre dans le deuxième épisode du Couronnement de Louis, le plus développé parmi les cinq séquences narratives traditionnellement repérées par les critiques. Son importance, tant quantitative que symbolique, lui vaut, dans la quatrième branche, une remémoration intra-textuelle notable : Guillaume face à Gui l'Allemand, de nouveau devant les murs de Rome et sur le même "tertre" qui a vu sa victoire face au champion sarrasin Corsolt, prend le relais du trouvère et se fait narrateur de son exploit. Cette remémoration épique qui réactualise la séquence pour le public du Couronnement, nous invite à considérer précisément ce qui s'y joue.

L'affrontement traditionnel de la chanson de geste entre chevaliers chrétiens et "paiene gent" acquiert ici une portée particulière en se réalisant au sein du cadre protocolaire hautement signifiant de la croisade. En effet, à son arrivée à Rome en pèlerinage, Guillaume est appelé à combattre le danger sarrasin aux portes de la ville de saint-Pierre par le pape, qui vient le chercher dans l'église où le héros se recueille. A l'image des chefs historiques de l'Eglise romaine qui, tels Urbain II en 1095, prêchent auprès des gens de guerre le combat contre les ennemis désignés de la Foi, pour le salut de l'Eglise et en son nom, l'initiative de l'"apostoile" induit une christianisation du combat : la guerre contre les Sarrasins menée par les chevaliers romains et francs sera sainte, car faite au nom de Dieu, sous la caution de son premier garant spirituel sur terre et devant le siège de la chrétienté occidentale, Rome. Le lien privilégié, quasi-métonymique, de la ville avec Dieu est à plusieurs reprises affirmé dans le texte : les Sarrasins guidés par l'émir Galafre "contre Deu vuel[en]t Rome". La portée religieuse de l'agression ennemie est ici explicite et définit donc bien la nature de cette guerre, menée non entre peuples, mais entre communautés de croyants opposées : chrétiens contre païens.

Le cadre de la croisade est de plus convoqué par les indulgences promises par le pape aux guerriers. D'abord à Guillaume seul, pour l'inciter à se faire champion de saint-Pierre, puis collectivement : "Seignor baron, dist l'apostoiles sages,/ Qui en cest jor morra en la bataille / En paradis avra son herberjage". De l'acceptation du comte d'endosser le rôle de miles sancti Petri procède la séquence de son second armement, non plus matériel mais spirituel dès lors qu'on lui fait embrasser une relique de l'apôtre, sa "maistre jointe", avec laquelle son armure est bénie.

Chacun des deux champions choisis

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