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Dissertation : Julien Sorel et la moralité

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Par   •  31 Octobre 2022  •  Dissertation  •  3 756 Mots (16 Pages)  •  256 Vues

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Dissertation – Stendhal (Sujet 2)

Raphaël PERE     108

« Prenez un personnage de Stendhal : c’est une machine intellectuelle et passionnelle parfaitement montée », écrivait Zola en 1881 dans Les Romanciers naturalistes. Dans Le Rouge et le Noir, l’un des romans les plus fameux de Stendhal, le personnage en question est Julien Sorel, jeune paysan visant l’ascension sociale. Conte d’ambition déçue, la « Chronique de 1830 » annonce le réalisme, qui naîtra quelques années à la suite de l’avant-garde de Balzac et Stendhal.

 Le héros, aux accents romantiques, contraste donc avec la peinture réaliste qui est faite de sa société. De cette opposition naît une réflexion sur la moralité de Julien, à laquelle Charles Brigot, dont nous étudierons une citation, prend part. Julien étant vu comme un « gredin » de la pire espèce, son parcours vers la guillotine n’est que la confirmation de son mauvais « fond », et la sentence finale est amplement méritée.

Peut-on souscrire à cette vision zolienne de l’être mécanique, dont le caractère n’est qu’une machine l’entraînant irrémédiablement vers des actes méprisables, et, finalement, vers l’échafaud ?

S’il peut être méprisé à cause de ses actions, Julien ne se laisse en réalité pas définir par sa seule immoralité. S’ouvre alors au lecteur une réflexion sur la fatalité.

Tout d’abord, nous admettrons que les agissements de Julien, par leur récurrente immoralité, nous poussent, lecteurs, à le considérer en surface au moins comme un être méprisable. Si son caractère manipulateur et hypocrite le pousse non seulement à la détestation des autres, il est aussi au sens littéral un véritable gredin.

La grande étude psychologique tout au long du Rouge et le Noir permet au lecteur de se forger une idée précise du caractère de Julien ; et, pour répondre à un sujet sur son immoralité, il est donc essentiel de se pencher en détail sur son for intérieur. En effet, le personnage principal apparaît tout du long doué d’une nature très manipulatrice, n’hésitant pas à recourir au mensonge et à la tromperie pour arriver à ses fins, et surtout, réprimant régulièrement ses véritables sentiments pour gravir les échelons. L’on peut tout d’abord penser à son rapport opportuniste à la religion, ne considérant l’Église que comme un choix de carrière qui s’offre à lui par élimination : « La construction de l’église et les sentences du juge de paix l’éclairèrent tout à coup » (chapitre V du premier livre). Il ne voit la religion que comme le moyen d’obtenir la richesse matérielle, et est prêt à l’utiliser à ces fins précises. En plus de systématiquement reléguer la foi (s’il en est) au second plan face à son ambition, il en fait de même avec l’amour, qui est régulièrement effacé par des pensées parfaitement calculatrices. Évidemment, le détournement de la scène du balcon au chapitre XVI du livre second illustre parfaitement ce point, tant la spontanéité est retirée à chaque mouvement, tant la passion est absente des pensées de Julien : « Il n’avait pas d’amour du tout ». Se refusant à la sentimentalité, Stendhal fait de son personnage un être froid face aux femmes dont la plus grande préoccupation est son ascension. Enfin, il cache régulièrement aux autres ses véritables sentiments, en faisant, dans une certaine mesure, un hypocrite. On pense évidemment à sa passion pour Napoléon, son modèle de réussite, qui l’exalte et qui l’attend au sommet de sa gloire ; passion qu’il pense compromettante dans une société gouvernée par les ultras et les bourgeois. Ainsi, comme avec l’incident du portrait caché sous son lit au chapitre IX, il lui arrive de réprimer son ardeur et d’embrasser des valeurs qui ne sont pas les siennes. Calculateur et hypocrite donc, le personnage de Julien n’a pas nécessairement les grâces du lecteur, en particulier lorsque l’on voit les manifestations de son caractère vis-à-vis des autres.

De plus, effectivement, ce caractère calculateur entraîne chez Julien une réelle détestation d’autrui. Mécaniquement méfiant, à cause de son propre caractère, de la fourberie de tous les autres, il devient à nos yeux insupportable de froideur et de mépris. En effet, il méprise tout autour de lui, que l’on parle de ses égaux ou de ses supérieurs ; reniant sa naissance paysanne, voyant sa famille comme des brutaux (« il haïssait son père et ses frères », chapitre IV), il n’aspire qu’à quitter Verrières ; le maire de Verrières, quant à lui noble embourgeoisé, donc bien supérieur à lui, n’est à ses yeux que « le représentant de tous les riches et de tous les insolents de la terre » (chapitre X). Cette formule dénote tout le mépris de Julien pour ce qui ose se trouver au-dessus de lui, à ses yeux comble de l’insolence. Ce mépris est naturellement lié à un orgueil absolument démesuré qui le pousse à systématiquement se considérer meilleur que les personnes autour de lui. Au séminaire, il voit ses camarades séminaristes comme des idiots comploteurs qui ne pourront atteindre leurs objectifs qu’avec des manigances et qui le prennent en grippe à cause de son intelligence (ce qui est vrai, car ils sont bien moins brillants que lui, mais il décide tout de même de s’abaisser à leur niveau). De la même manière, lors du défilé militaire à Verrières, alors qu’il ne mérite pas sa place, il est tout de même ébloui par sa tenue et s’imagine « officier de Napoléon » du simple fait de son accoutrement et de la hauteur de son cheval. L’orgueil, toujours l’orgueil. Enfin, son ambition sans limites, qui motive chacun de ses actions, finit par nuire aux autres. Les exemples sont nombreux, mais le plus probant sa tentative d’assassinat sur Mme de Rênal lorsque cette dernière semble constituer un obstacle. La nuisance est assez évidente, mais en plus, il est condamné à mort après cette tentative et laisse derrière lui une veuve et un orphelin à naître. Ainsi, c’est un personnage qui ne hait rien tant que ceux qui ne sont pas lui, et, mis à part quelques exceptions qu’il faut reconnaître (Pirard, Fouché, Mme de Rênal – même s’il finit par lui tirer dessus), son mépris pour les autres le rend tout de même méprisable.

Enfin, Julien est, au sens littéral, juridique, un véritable gredin qui, par ses actes, a bel et bien mérité la guillotine, mais aurait en plus de cela pu récolter quelques autres peines en parallèle. En effet, tout au long du roman et, atteignant évidemment un point culminant à la fin, il agit de manière immorale et les actions en question sont très souvent, en plus d’être contraires à la morale, illégales. Premièrement, l’on peut brièvement évoquer l’épisode du complot ultra auquel participe Julien, envoyé par le marquis de la Mole. Évidemment, Julien n’est pas réellement concerné par cette manigance, mais, étant donné qu’il participe à fomenter un coup d’état, cela reste un acte répréhensible. Ensuite, il fait souvent preuve d’une grande malhonnêteté avec ses employeurs, notamment avec le maire de Verrières, un ultra chez qui il ose cacher un portrait de Napoléon, mais surtout avec la femme duquel il n’hésite pas à entretenir une relation adultère. Il en va de même pour son dernier employeur, le marquis de la Mole, qui se voit contraint par la grossesse de sa fille à accélérer l’ascension de Julien. Enfin, évidemment, Julien est meurtrier, ou presque, puisqu’à la fin du roman, Mme de Rênal ayant envoyé une lettre le dénonçant, et pensant que cette lettre signe sa chute, il retourne, fou de rage, à Verrières, oublie instantanément tout l’amour qu’il portait à son amante et lui tire dessus à trois reprises. Évidemment, Julien est un peu sauvé par l’amour vrai qu’il porte à sa victime et se rattrape à la fin du roman ; mais tout de même, on constate, comme évoqué précédemment, un véritable effacement du sentiment amoureux à l’instant où sa place est menacée. L’acte criminel cristallise ses vices, représente à la perfection la face noire de son ambition. Ainsi, véritable complotiste, adultère, meurtrier, Julien est, dans les faits, inexcusable aux yeux de la loi tant qu’aux yeux de la morale bourgeoise en vigueur à l’époque.

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