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Discours sur l'immoralité en littérature

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Par   •  19 Avril 2021  •  Discours  •  1 966 Mots (8 Pages)  •  1 122 Vues

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Naila BELMOUMENE – L2 lettres modernes

UE 9 « Écrire et argumenter » – 05.04.21

Consigne : Vous allez écrire un discours dans lequel vous incarnerez un avocat défendant la cause de quelqu'un accusé d'avoir écrit une œuvre immorale et provocante. Votre plaidoirie devra répondre à la thématique suivante : "L’immoralité ou la provocation vous semblent-elles, en littérature, des moyens efficaces pour faire réfléchir le lecteur ? Vous nourrirez votre réflexion d’exemples d’œuvres littéraires précises". Vous pouvez élargir à d'autres types d’œuvres (musique, cinéma, art pictural, etc.) à condition que le discours reste essentiellement axé sur la littérature. Votre discours devra être structuré en plusieurs paragraphes argumentés et, bien évidemment, utiliser des procédés rhétoriques vus en cours. Un enregistrement audio vaut pour bonus.

Mesdames et Messieurs les jurés,

        L’art de la provocation, c’est la provocation de l’art. Voilà ce à quoi je me tiendrai durant ce piètre discours, qui, je l’espère convaincra les immenses jurés face auxquels j’ai la chance de prendre la parole.

        Si mon client ici présent comparaît en face de vous, c’est pour je vous cite : « atteinte aux bonnes mœurs et à la morale par des écrits provocants ». La crudité de ses écrits, le style lapidaire et incisif, le manque de ménagement du lecteur et l’évocation d’un sujet sensible sur lequel est porté un regard narquois, l’ont tous poussé de force dans ce tribunal. Tout le monde est d’accord pour le reconnaître, y compris moi-même : oui, le recueil de mon client fait naître un frisson d’inconfort, une sueur froide et raidit les membres de qui ose s’y jeter.

        Néanmoins, bien que l’on ne puisse nier le caractère provocant de ce recueil, il est nécessaire de revenir aux heures les plus tristes de l’histoire littéraire et artistique. 1857 : l’année où deux monstres de l’écriture – comprenez par le terme « monstre » celui de « génie » –, ont été pointés du doigt justement comme monstres venimeux et créatures infâmes. Alors, monstres de génie ou monstres de l’infamie ? Vous avez bien évidemment en tête ces noms autrefois couverts d’opprobre : Charles Baudelaire et Gustave Flaubert. Alors, comment doit-on interpréter le terme « monstre » ? À vrai dire, sait-on interpréter ? Si nous savions le faire nous ne serions pas là ; si nous savions le faire, je ne pourrais même pas convoquer deux siècles plus tard mes deux monstres. À partir de ce constat cruellement vrai sur notre pathologie interprétative, l’œuvre d’art a-t-elle besoin d’un réquisitoire ? N’est-ce pas au lecteur de tirer ses propres conclusions de la conclusion ? A-t-on besoin d’un juge pour reprocher à un artiste de justement ne pas l’avoir été ? Après tout, quel est le rôle de l’écrivain, sinon de produire du beau ? Laissons au juge et au prêtre le droit de dire ce qui est bien ou ce qui est mal ; laissons à l’artiste et plus particulièrement à l’écrivain de se prononcer sur le beau. Quand est-ce que la critique se chamaillera plus sur le style d’un écrivain que sur son aptitude à moraliser comme La fontaine ? En somme, quand reconnaitra-t-on l’art pour l’art ? Si la jeune lectrice de la vie lancinante d’Emma Bovary lui prend l’envie de suivre la même vie de débauche ; ou au contraire si son exemple finalement funeste la conforte de rester dans les sentiers de la morale, dans le deux cas on doit lui imputer ce choix. Le lecteur reçoit et goûte, mais libre à lui de vomir ou d’avaler.

        Également, il me semble bien que la Terre se soit arrêtée de tourner un beau jour de 1857 lorsque les vers suivants – tirés de l’insolente charogne – retentirent : « Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, / D'où sortaient de noirs bataillons / De larves, qui coulaient comme un épais liquide / Le long de ces vivants haillons. » Or, si aujourd’hui nous persévérons à lire et à relire ces quelques vers, force est de constater que s’exhale aussi du ventre de cette charogne une beauté jusqu’alors méconnue. Ce poème n’a-t-il pas renversé nos considérations esthétiques ? Que nous le voulions ou non, Les Fleurs du Mal se sont présentées comme un bouquet que le fleuriste ne possédait pas, comme un bouquet habituellement jeté ; mais qui, grâce au génie de l’artiste, s’est retrouvé en vitrine, car plus beau que la belle rose de Ronsard. « Mignonne, allons voir si la rose / Qui ce matin avait déclose » ; ou allons « hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère », voir le bestiaire infernal qu’est le monde ? Allons s’illusionner dans le songe bucolique ou revenons in medias res dans la réalité impudique ? Finalement, qu’est-ce que la production littéraire sinon un « miroir que l’on promène le long du chemin » ? Finalement, qui avait vu cette charogne en état de putréfaction au détour d’un sentier même en trébuchant sur ses ossements ? Qui a pris le temps de la voir hormis Baudelaire ? Voilà bien une manière de comprendre le sens du propos de Paul Klee : « L’art rend visible l’invisible ». Phrase aux accents presque gnomiques, mais qui, bien des années plus tard, légitime la présence de la vieille charogne sur la scène littéraire. Phrase qui légitime par avance le fameux urinoir de Marcel Duchamp, ou encore l’Origine du monde de Courbet. Alors que nos yeux lâches et fuyards tentaient d’esquiver ces réalités dites taboues, triviales, obscènes et grotesques ; des artistes avec le pinceau ou la plume ont su faire tomber de nos yeux le drap qui nous aveuglait comme Les Amants de Magritte. Les projets sont provocants uniquement parce que nous leur en donnons l’étiquette : l’œuvre d’art surgit sur la scène artistique sans fard, en toute authenticité ; mais nous la travestissons en lui attribuant une fausse une identité.

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