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Coeur de charbon

Commentaire d'oeuvre : Coeur de charbon. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Novembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  701 Mots (3 Pages)  •  670 Vues

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Le moment arriva : le soleil se levait enfin. Un moment décisif, à ne pas rater. Les premiers rayons de son Dieu Soleil allaient éclairer son visage vieilli. Il regardait attentivement, méthodiquement, la première lumière se dessiner dans le ciel sans nuage. On aurait dit qu’il était totalement pris dans cette magie qui n’émerveillait plus personne. Même les oiseaux du ciel s’en moquaient. Il arrêta de se frotter les dents et les gencives avec son long ndongo ndongo qu’il utilisait également pour fouetter son fils Pitou, quelquefois bien têtu. Oncle Démoney savourait ce bonheur exclusif quand, soudain, un coq lui jeta du sable dans la soupe. Le coq chétif s’amena, se dandinant comme un nanga boko, un noctambule à la gueule de bois. Il voltigea comme ci comme ça, paresseux, avant de se percher tant bien que mal, là, sur les barbelés qui protégeaient la case de mon oncle. Franchement, je m’étais toujours demandé à quoi servait cette barrière : il n’y avait rien à voler chez Démoney. Le salon était une espèce de pièce fantôme meublée d’une petite table, vieille comme lorsque mon oncle était en haut. Un fauteuil en simili cuir et deux bancs en bois vermoulus par l’humidité se cherchaient dans cet espace vide. Contrairement à mon oncle, le coq culotté était en retard. Il se permettait des grasses matinées, alors que c’était à lui de réveiller les gens tôt-tôt en poussant son cocorico. D’un revers de la main, mon oncle l’envoya paître. Ce n’était vraiment pas le moment de le déranger. Le coq résista à la menace. Ses battements d’ailes semblaient dire à tonton Démoney : « Ouais, je sais que je suis en retard, et puis quoi ? Mieux vaut tard que jamais, donc laisse-moi faire mon travail en paix. » Sans perdre plus de temps, l’animal se dressa et entonna son chant. Mon oncle fut tellement agacé qu’il prit une pierre égarée sous la véranda boueuse et la balança net dans la gueule de l’insolent. « Va-t’en d’ici ! Sale bête ! », s’écria-t-il. Le coq s’enfuit, de peur de se faire lyncher. Fixant le soleil, mon oncle se mit à dire des trucs que je n’entendais pas, vu la distance à laquelle je me tenais. Je m’étais caché derrière la cuisine extérieure de Tante Bilolo, là où son mari la renvoyait chaque fois qu’elle sortait quelque chose qu’il trouvait stupide, notamment lorsqu’elle racontait ses histoires de bulldozers. Je m’étais réfugié derrière cette cuisine-là parce que je savais que, même s’il arrivait que tonton regarde partout autour de lui, hors de sa case, jamais il ne gratifierait ce coin d’une miette de son attention ; c’était une chose de femmes, ça. Je ne comprenais pas non plus ce que mon oncle racontait au soleil parce qu’il s’exprimait en langue bassa. Oncle Démoney parlait au soleil comme un fils parlerait à son père. Il lui faisait des confidences. Il lui chuchotait des choses comme on le ferait à un ami de longue date. Je ne sais pas si son Dieu Soleil lui répondait. Mais même si le soleil restait muet, mon oncle continuait à lui parler. Ce jour-là, à ma grande surprise, il se mit à pleurer. Quoi ? Mon oncle pleurait ? Pas possible ! Tout le monde pouvait pleurer, mais pas lui. De quoi parlait-il avec son Dieu-là au point de pleurer ? Dire qu’il ne cessait de me répéter : « Mon fils, ne te laisse jamais emporter par les manières du Blanc. Il pleure comme une femme. Et quand il

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