Chronique Dora Bruder

Après avoir obtenu le Prix Goncourt en 1978 avec Rue des boutiques obscures, Patrick Modiano remporte le prestigieux Prix Nobel de littérature en 2014. Explorateur du passé, il sait faire renaître, grâce aux détails, l’atmosphère et les lieux d’une époque révolue, entre autre, celle du Paris de l’Occupation.

Dans Dora Bruder, le narrateur raconte comment à partir d’un avis de recherche trouvé dans un vieux journal parisien de 1941, il tente de retracer la vie de cette jeune fille juive. Il effectue alors de nombreuses recherches, pour récolter le maximum d’informations, il émet des théories sur les activités et les pensées de Dora. Le narrateur s’appuie en même temps sur des souvenirs de ses propres expériences, des souvenirs personnels, centrés sur des rapports difficiles avec son père, qui interfèrent l’enquête.

En effet, Modiano choisi un très beau sujet de roman, un sujet sensible, toujours d’actualité. Il rend hommage à tous les disparus, à tous les déportés, à tous les juifs de la Seconde guerre mondiale, ayant subi les mêmes souffrances. Son œuvre mêle enquête et flâneries, Histoire et souvenirs personnels. Il met son talent au service de la mémoire afin que personne n’oublie, il décrit un Paris qui n’existe plus, avec la nostalgie propre à ses livres. Mais justement, son style inimitable, fait de lenteur, de mélancolie, de déambulations parisiennes, de topographies des lieux, créé dans son œuvre un rythme qui sait aussi bien émouvoir qu’endormir. En effet dès le début on se perd à suivre les déplacements du narrateur qui hasarde dans les rues de Paris, un Paris qu’il aime tant, à la recherche de traces effacées de Dora. Puis, on se lasse d’une histoire sans réelle intrigue, sans suspens, avec un sentiment de répétition, avec de longues descriptions qui semblent parfois inutiles et des recherches qui se montrent interminables. On se retrouve d’autant plus déçus, puisqu’en arrivant à la fin du livre on éprouve une sensation d’inachevé, en ne sachant pas vraiment ce qu’il adviendra de Dora Bruder.

Toutefois, les dernières phrases de l’auteur, qui servent également de quatrième de couverture, transmettent un fort message, prônant le peu de liberté dont disposaient les Juifs à cette époque. Et c’est pourquoi après une lecture assez désintéressée, on s’accroche à ses ultimes lignes, qui nous rappellent la raison de l’omniprésence du passé chez Modiano, lui qui, cherche seulement à marquer les esprits et à ne pas oublier. De ce fait, la vie individuelle de Dora ouvre sur bien d’autres vies. Sur celle du lecteur, sur celle d’autres Juifs, sur celle du narrateur et sur celle de l’auteur.

Le roman à portée historique de Patrick Modiano, fait d’ailleurs l’objet d’un fait exceptionnel en littérature, puisque l’héroïne éponyme du roman, pourrait donner son nom à une rue ou un espace public dans le XVIII ème arrondissement de Paris, un geste qui montre une France toujours touchée par son Histoire, particulièrement ici par la Seconde guerre mondiale

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