Anthologie Sur Les Saisons

(Introduction) Le dernier tiers du XIXe siècle voit s’instaurer le règne du capitalisme triomphant après que les ébranlements produits par la Révolution et l’épopée impériale, les rêves de puissance et de gloire se furent estompés dans un passé héroïque. C’est à cette époque, en 1863, que Verlaine, qui fréquente alors les Parnassiens et se réfugie avec eux dans le culte de la Beauté, publie son sonnet satirique “ Monsieur Prudhomme ”. Il paraît d’abord dans la Revue du progrès moral, littéraire et scientifique sous le titre Satirettes puis dans le recueil des Poèmes saturniens, sous le titre générique de Caprices qui désigne, dans le langage des artistes depuis le XVIIe siècle, une œuvre d’imagination affranchie des règles et qui souligne le disparate de l’inspiration.

Le poète nous y brosse le portrait caricatural du représentant typique d’une certaine classe sociale (I) en même temps qu’il suggère et critique son idéologie (II).

I. Le portrait caricatural et satirique de Monsieur Prudhomme, le bourgeois-type

A. Le portrait caricatural du bourgeois (le titre signe le type du poème : un portrait)

1. L’apparence

- “ Il est grave ” : 1ère caractéristique, appréciation générale. Théoriquement, la gravité est un moment psychologique ; là, le personnage est figé dans sa gravité (verbe “ être ” + présent de l’indicatif). C’est un attribut éternel : les deux points qui suivent indiquent un rapport de causalité  Cette gravité est déterminée par sa situation sociale.

- “ Son faux-col ” : élément constitutif du costume bourgeois de l’époque qui impose la rigidité. A la fois cause et symbole de la raideur du personnage. Notation physique et morale. D’autre part, image hyperbolique cocasse : “ engloutit son oreille ”

2. La situation sociale

- Cf. titre : Monsieur qui précède le nom de famille, signe d’appartenance à la société bourgeoise

- “ Maire et père de famille ” : jeu de mots qui n’est pas gratuit. La domination familiale correspond à la domination politique

3. La contradiction entre l’être et le paraître

Paradoxe exprimé dans les vers 2 et 3 : après raideur, aspect figé, mobilité marquée par la métaphore : “ Ses yeux / Dans un rêve sans fin flottent, insoucieux ”

Rêve, “ insoucieux ”, étranges chez ce personnage. Semble vouloir dire que cette raideur n’est que de façade. Ne correspond pas à une fermeté solide, à une assurance intérieure.

B. La caricature

1. L’aspect schématique du portrait

Réduit à quelques traits caractéristiques, grossis

2. Des détails ridiculisants

- Nom symbolique et évocateur à souhait. Tombé dans le domaine public depuis la création du rôle par Henri Monnier qui publie en 1857 Les Mémoires de Joseph Prudhomme

Prudhomme : homme prudent

- “ Pantoufles ” évocation symbolique (cf. + haut)

- Coryza : mal cocasse indéracinable (“ éternel ”)

3. Une poésie moqueuse

- Structure du sonnet : régulier (malgré la fausse rime B à cause de la diérèse seulement à “ insoucieux ” et “ silencieux ” et pas à “ yeux ” et “ cieux ”) mais rythme désarticulé, phrase qui se déroule au mépris du vers et de la strophe  prosaïsme

- Jeu sur la versification

- Jeux de mots

- Jeux de sonorités

- Burlesque (choc de deux tonalités et de deux registres de langues)

C. Un personnage archétypal

Ce n’est pas un personnage réaliste qui nous est brossé mais un personnage réduit à certains traits caractéristiques valables pour un ensemble, celui de la classe bourgeoise.

II. … dont Verlaine suggère, en même temps qu’il la critique, l’idéologie

A. Le rejet de la nature

1. Rôle du deuxième quatrain à l’harmonie ironique

2. Les pantoufles brodées

3. Le gendre botaniste

B. l’attachement à la société patriarcale et à sa perpétuation

1.

...