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Analyse de l'Etranger d'Albert Camus

Fiche de lecture : Analyse de l'Etranger d'Albert Camus. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  5 Février 2014  •  Fiche de lecture  •  10 204 Mots (41 Pages)  •  2 400 Vues

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1. Introduction

L’Étranger, publié, en 1942 retrace, comme le Procès [1] (1925) de Franz Kafka – qui l’a vraisemblablement inspiré -, l’histoire d’un homme qui se retrouve jugé et condamné par la société. Le personnage principal n’est autre qu’un « homme ordinaire » (comme le chanterait Robert Charlebois) montré à travers ses sensations physiques plutôt que mû par ses sentiments ou ses idées. Le récit est, par ailleurs, rédigé au passé composé et pratique le mélange des tons ; on y trouve, malgré la gravité du propos, un humour, certes sous-jacent, mais toujours présent. A travers le roman se déploie une triple intention chez l’auteur : proposer le portrait d’un personnage dont le nom « l’Etranger » insiste sur son côté énigmatique, et dont les événements qui le concernent mettent en exergue une vie sentie comme une sorte de passe-temps à la recherche des plaisirs naturels instinctifs ; et, en contrepoint, dresser le tableau foncièrement pessimiste de la condition humaine.

2. Analyse

2.1. Structure

L’Étranger est composé comme un diptyque aux deux volets presque semblables du point de vue formel. En effet, une première partie (83 pages dans l’édition du Livre de poche), faite de six chapitres, retrace la vie quotidienne de Meursault, une fois qu’il a appris le décès de sa mère, jusqu’au meurtre qu’il commet sur une plage. Une seconde partie (87 pages) constituée de cinq chapitres est mise en parallèle, qui décrit sa vie en prison et les phases de son procès jusqu’à sa condamnation à la peine capitale. Formellement, tant par le nombre de pages que par le nombre de chapitres, les deux parties suggèrent la symétrie.

Pourtant, ces deux « moments » de la vie du personnage, sont présentés sous la forme du contraste, dans la mesure où la seconde moitié du livre consiste à porter un jugement sur les événements qui se sont déroulés dans la première moitié.

A la fois symétriques et dissemblables, les deux parties du récit sont toutefois soudées et unifiées par le même thème récurrent qui parcourt l’œuvre : l’omniprésence de la mort. Qu’il s’agisse de la première phrase du récit (l’annonce de la mort de la mère de Meursault), du centre du récit (le meurtre de l’Arabe) et de sa fin (la condamnation à la peine capitale), Camus dessine cette figure obsédante de la condition humaine qu’est la conscience d’une vie promise à la mort.

Dès lors, le personnage de Meursault qui attend sa condamnation dans sa prison atteint à la métaphore : sa prison, comme une image de la condition humaine ; sa condamnation, comme un rappel que tout être humain est, dès sa naissance, condamné à mort.

2.2. Portrait de Meursault, l’étranger à lui-même et aux autres

Il n’est pas inutile de rappeler l’étymologie du nom du personnage. Camus avait d’abord songé au patronyme de « Mer/sault (leil) » – qu’il dut juger trop symbolique – pour retenir finalement « Meur(tre)/sault(leil) ». A peine moins allusif, ce choix a le mérite de mettre en évidence et en parallèle la double portée du roman et d’en rappeler la composition. Le héros de L’Etranger a, en effet, pour caractéristique principale de se définir comme un être authentiquement naturel dont la vie instinctive et sensuelle le conduit, sous l’effet du soleil, au meurtre. Dès lors, cet homme « naturel » et « innocent » se retrouve jugé par une société dont les valeurs et les critères d’appréciation ne sont pas les siens.

On concèdera bien volontiers que son absence de toute émotion apparente lors de la mort et de l’enterrement de sa mère peut, après tout, être perçue comme une forme de pudeur. On rappellera, de même, qu’il appelle sa mère « Maman » - signe d'affection - et non « Ma mère » et que la remarque qu’il fait lorsqu’il entend Salamano sangloter pour la disparition de son chien (« Et au bizarre petit bruit qui a traversé la cloison, j’ai compris qu’il pleurait. Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à maman.  ») montre sa sensibilité. Mais il est vrai que la suite du roman, qui s’attache à multiplier les notations les plus insignifiantes, laisse le lecteur perplexe : quel étrange personnage que ce Meursault…

Par son goût profond des joies physiques que sont, par exemple, les bains de mer avec Marie, longuement détaillés, ou encore l’insistance à célébrer les plaisirs de l’amour avec la même Marie, Meursault marque son attirance pour une vie naturelle fondée, apparemment, sur les sensations physiques souvent mentionnées dans le roman. Un personnage sur qui, de ce fait, le physique a un fort retentissement. Ainsi son insuffisance de sommeil est-il maintes fois signalé – pour le déplorer. De même, le sentiment fréquent qu’il a de se sentir fatigué ou encore son extrême sensibilité à la chaleur et aux rayonnements du soleil signalent assez combien Meursault est un être d’instinct et de nature. Il ressort de cette première approche du personnage que sa propension aux plaisirs naturels le rend, certes, heureux, mais dénote, aussi, une apparente fragilité dès lors qu’ils ne sont pas comblés ou qu’il est amené à aller au-delà de ses capacités. Ainsi qu’il l’avoue à son avocat : « Cependant, je lui ai expliqué que j’avais une nature telle que mes besoins physiques dérangeaient souvent mes sentiments. » (II, 1 p.96)

Par ailleurs, Meursault, au gré de ses remarques, insiste sur ce que sa vie a de machinal. La force des habitudes chez lui – et chez les autres – est plusieurs fois mentionnée comme un principe explicatif des vies d’autrui : Salamano, par exemple, « Il n’avait pas été heureux avec sa femme, mais dans l’ensemble, il s’était bien habitué à elle. Quand elle était morte, il s’était senti très seul. » Ou encore à propos, cette fois, de son chien : « Il a eu raison de me faire remarquer qu’il était habitué à celui-là. » Quant à lui, il apprécie ainsi le retentissement de l’événement que représente la mort de sa mère : « J’ai pensé (…) que maman était maintenant enterré, que j’allais reprendre mon travail et que, somme toute, il n’y avait rien de changé. » (I, 2) Ce retour à sa vie habituelle semble le rassurer. Sa propre vie est réglée par des habitudes auxquelles il ne déroge peu ou pas sous peine de voir son équilibre en danger. Ainsi, l’enterrement de sa mère synonyme de congé de travail, de trajet aller et retour à Marengo, de veille du corps de sa mère toute une nuit et

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