LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Vénus Anadyomène de Rimbaud

Commentaire de texte : Vénus Anadyomène de Rimbaud. Recherche parmi 302 000+ dissertations

Par   •  22 Juin 2025  •  Commentaire de texte  •  2 548 Mots (11 Pages)  •  12 Vues

Page 1 sur 11

VENUS ANADYOMENE

Arthur RIMBAUD

INTRODUCTION

Dans la mythologie romaine, la déesse de l’amour Vénus est décrite comme « anadyomène » autrement dit émergeant des eaux.

C’est un thème célèbre qui a inspiré de nombreux artistes : des poètes, tels que Baudelaire ou Ronsard, et des peintres (Botticelli)

Venus est ainsi l'inspiratrice du lyrisme mais Rimbaud utilise justement ce modèle pour se positionner de manière critique face au lyrisme traditionnel.

Il le détourne en décrivant Vénus comme une femme hideuse sortant de sa baignoire. Il propose, de la sorte, un contre-blason (un blason étant un poème qui fait l’éloge d’une partie du corps féminin).

PROBLÉMATIQUE

Ainsi, nous verrons en quoi cette réécriture parodique est signe d’émancipation créatrice.

PLAN

Alors que Rimbaud débute sa description par la tête dans le 1er quatrain, il continue par le dos dans le second quatrain, l’échine et l’ensemble du corps dans le 1er tercet et termine par la chute du poème dans le dernier tercet


Comme d'un cercueil vert en fer blanc, une tête

De femme à cheveux bruns fortement pommadés

D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,

Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates

Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;

Puis les rondeurs des reins semblent prendre l'essor ;

La graisse sous la peau parait en feuilles plates;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût

Horrible étrangement ; on remarque surtout

Des singularités qu'il faut voir à la loupe ..

Les reins portent deux mols gravés: Clara Venus;

-Et tout ce corps remue et tend sa large croupe

Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.


I/ 1ère strophe : La tête (v 1 à 4) 

Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Dès le 1er vers, le ton est parodique

  • Baignoire au lieu d’un coquillage :
  • Dans la mythologie, la naissance de Vénus a lieu au milieu de l’eau et, le plus souvent, la déesse est posée sur un coquillage. Ainsi, lorsque le lecteur découvre le titre du poème : « Vénus anadyomène », il s’attend à un texte célébrant la naissance de cette divinité. Pourtant, si le poète reste fidèle à une venue au monde dans l’eau, la Vénus de Rimbaud émerge d’une baignoire. Cet objet, bien moins poétique qu’un coquillage, est, de plus, comparé à un cercueil : « Comme d’un cercueil vert en fer-blanc » (v 1). Le métal, utilisé pour concevoir la baignoire, est d’une grande banalité : « fer-blanc » et s’éloigne des représentations sublimes que l’on peut observer de Vénus.

  •  Plus encore, l’apparition de la femme est quelque peu effrayante :
  • Effectivement, le vers 1 se clôt sur le groupe nominal : « une tête » et le contre-rejet du vers 2 : « De femme à cheveux bruns fortement pommadés » suggère une apparition lente, une tête qui émerge peu à peu.
  • La description des cheveux participe à la dimension parodique du texte :
  • L’adjectif « bruns » (v 2) est surprenant dans la mesure où la déesse de l’amour est fréquemment peinte avec les cheveux blonds. Mais c’est également leur aspect qui détone : « pommadés ». Il est vrai que nous sommes loin des cheveux flottant au vent peints par Botticelli puisque « pommadés » laisse entendre qu’ils sont gras.
  • Le rythme binaire « lente et bête » (v 3) continue de détourner l’image traditionnelle de Vénus qui est présentée comme intellectuellement limitée. Cette idée est d’ailleurs accentuée par la rime « tête / bête ». L’adjectif « bête » est intéressant à observer dans la mesure où il est polysémique (il a plusieurs sens). Il sous-entend la bêtise de la femme mais aussi son côté animal qui sera développé un peu plus loin dans le sonnet.
  • Enfin, le vers 4 suggère la laideur de Vénus grâce à un euphémisme : « Avec des déficits assez mal ravaudés » mais aussi à l’aide de sonorités brutales en r, v et d de l’adjectif « ravaudés ». Le lecteur comprend ainsi que la femme peine à dissimuler ses rides, ses imperfections derrière son maquillage.

II/ 2ème strophe : Le dos (v 5 à 8) 

Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

Dans la 2ème strophe, le poète se concentre sur le dos de Vénus :

  • Quatre adjectifs péjoratifs sont utilisés : « gras et gris », « larges » (v 5), « courts » (v 6)
  • La paronomase entre : « gras » et « gris » (v 5) insiste sur le manque d’harmonie du cou de Vénus : disproportionné et terne.
  • De plus, lantithèse entre « larges » et « court » rend visible la difformité du corps sur laquelle AR va insister plus encore avec les 3 propositions subordonnées relatives : « Qui saillent », « qui rentre et qui ressort » (v 6). Le rejet « Qui saillent », en outre, met en valeur le verbe « saillir » qui rend compte de l’anomalie dans les proportions du corps de la femme. 
  • Les sonorités, qui rythment cette strophe, sont brutales et suggèrent le mouvement peu gracieux de Vénus.
  • Nous pouvons noter des allitérations en k, en g et en r : « col gras et gris », « larges », « court qui rentre et ressort ». Elles accentuent la laideur de Vénus.
    Enfin, l’accent est porté sur ses
    rondeurs peu harmonieuses et presque vivantes.
  • La personnification : « les rondeurs des reins semblent prendre l’essor » (v 7) donne vie au bas du dos et renforce la dimension effrayante de ce corps.
  • Enfin, le CL de l’embonpoint : « rondeurs », « graisse » (v 7 et 8) termine l’esquisse d’un dos répugnant.

III/ L’échine et l’ensemble du corps (v 9 à 11) 

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement ;
On remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe…

Dans le 1er tercet, AR décrit l’échine (colonne vertébrale de l’homme et de certains animaux) :

  • L’utilisation de ce terme, plus communément employé pour les animaux, animalise la femme.
  • Le caractère repoussant de Vénus est mis en exergue par la synesthésie (confusion des sens) du vers 9 : « L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût » (v 9). le poète sollicite les sens de la vue, du goût et de l’odorat afin de créer l’écœurement du lecteur qui sent presque l’odeur de cette femme.
  • De plus, l’enjambement : « Horrible étrangement » (v 10) place en tête de vers le terme « horrible » dans le but d’accentuer la laideur de Vénus.
  • Le nom commun « singularités », utilisé au pluriel, insiste sur ses nombreux défauts physiques.
  • La proposition relative : « qu’il faut voir à la loupe… » ainsi que les points de suspension (v 11) suggèrent que la difformité est telle qu’elle nécessiterait une observation minutieuse et annonce la chute du poème, présente dans le dernier tercet. 

IV/ La chute du poème (v 12 à 14)

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;
— Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

  • Le tatouage que l’on découvre au vers 12 révèle que la femme est en fait une prostituée (seules les prostituées avaient des tatouages à cette époque).
  • L’inscription « CLARA VÉNUS » justifie le titre du sonnet mais témoigne surtout de la grande ironie de AR puisque Clara signifie : la brillante (« clara » vient du latin « clarus », qui signifie « clair, illustre, brillant »). Cette inscription est une antiphrase dans la mesure où la Vénus d’AR est tout sauf brillante.
  • La périphrase : « ce corps » montre une forme de déshumanisation de la femme qui est réduite à n’être qu’un corps disgracieux. En outre, son animalité est encore mise en évidence grâce au substantif « croupe ».
  • Dernier vers :
  • L’oxymore : « Belle hideusement » (v 14) dévoile la dimension à la fois repoussante et fascinante de Vénus. C’est un être qui allie la laideur et la beauté. AR admire Baudelaire et nous pouvons percevoir ici une  influence baudelairienne. Effectivement, l’auteur des Fleurs du Mal transforme la boue en or, autrement dit le laid en beau. Rimbaud, qui a mis en évidence la laideur de Vénus durant 3 strophes, suggère dans ce dernier vers qu’il y a de la beauté dans cette femme hideuse.
  • La description se clôt sur un détail très intime : celui d’un ulcère à l’anus. La rime finale entre « Vénus », symbole d’amour et de beauté, et « anus », appartenant au vocabulaire scatologique, vocabulaire très rare en poésie, signe de l’audace de Rimbaud, porte à son paroxysme la parodie proposée de Vénus.  (remarque de ta mère : ulcère = probablement syphilis qui faisait rage à l’époque, surtout chez prostituée. Après, le sens de l’allusion à la syphilis...je sais pas !)

CONCLUSION

Dans ce contre-blason, Rimbaud parodie la naissance de Vénus et fait le portrait d’une femme vieille, difforme, détournant de façon choquante l’image mythique de la déesse de l’amour et de la beauté.

...

Télécharger au format  txt (14.2 Kb)   pdf (347.1 Kb)   docx (20.9 Kb)  
Voir 10 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com