Comment concevoir le bonheur pour être heureux ?

I Le bonheur : comment concevoir le bonheur pour être heureux ?

Le bonheur (du latin bonum : bon et augurium : augure, hasard, chance) désigne un sentiment (un état d’âme profond et durable) de satisfaction durable et complet distinct du plaisir (plus partiel) et de la joie (plus dynamique). La question est de savoir si un tel état est accessible à l’homme et si oui comment (par quels moyens, contre quels obstacles…).

L’opinion qui fait reposer le bonheur sur la simple satisfaction des désirs permet-elle vraiment d’être heureux ou bien faut-il concevoir le bonheur autrement, notamment en y intégrant une dimension morale ?

A Le bonheur comme somme de plaisirs (=jouissance) : conception du sophiste Calliclès dans le Gorgias de Platon

1) Définition du bonheur comme jouissance

Une première conception du bonheur peut le rattacher au plaisir en posant qu’être heureux c’est avoir le maximum de plaisir en pouvant satisfaire tous ses désirs sans leur opposer aucune limite. On serait heureux en ayant tous ses désirs comblés, le plus possible = tous nos désirs au maximum. Telle est la thèse du sophiste Calliclès dans le Gorgias de Platon, pour qui le bonheur consiste dans la jouissance, à savoir une somme de plaisirs obtenue par « l’intempérance » et le « dérèglement » à savoir la capacité à « laisser aller ses passions sans les réprimer » : il s’agit en ce sens, pour être heureux, de ne pas se contraindre, de réaliser ses désirs en ne leur donnant aucune limite. Calliclès utilise plus précisément le terme de « passion » qui renvoie à une forme spécifique de désir, marquée par la force/puissance capable de dépasser la raison et par sa dimension « propre » au sens de personnelle (nous appartenant en propre) ainsi que son caractère exclusif (la passion élimine tous les autres désirs). Plus encore, il s’agit de « laisser aller » ses passions, au sens où il ne s’agit pas simplement de les satisfaire mais de leur donner le maximum d’ampleur, en les excitant davantage pour ouvrir toutes leurs possibilités.

EXERCICE : recherche des sous-parties (ligne 5 à 22)

Analyse de la critique que fait Calliclès de la thèse opposée à la sienne :

Ligne 5 à 8 Calliclès critique d’abord l’attitude de la plupart des hommes qui condamnent l’intempérance par faiblesse/lâcheté/manque d’ambition/de courage

La masse « blâme »... « déclare » « vilaine chose » « incapacité »

Ligne 8 à 12 Calliclès critique ensuite l’action entreprise par la masse qui empêche les hommes passionnés de réaliser leurs passions en les soumettant à des valeurs morales ou des lois

« réduit à l’état d’esclaves » « incapables » « manque de courage »

Ligne 12 à 18 Injustice de ce modèle qui défend la tempérance « mauvais » « vilain »

Ligne 18 à 22 Malheur qui résulte de l’injustice « malheur »

2) Les moyens d’être heureux

On peut selon Calliclès atteindre ce modèle d’intempérance par différents moyens :

- le courage : le contraire de la peur (peur de la défaite/échec/perte/risques…) et le contraire de la lâcheté (faiblesse morale, manque de volonté), et le contraire de la paresse

Le courage permet de satisfaire ses passions au maximum car on ne se pose donc pas de question (« on fonce »), on n’a pas peur des conséquences de nos passions, des risques… L’intelligence est une faculté intellectuelle qui permet de calculer au mieux / efficacement des moyens en vue d’un but donné (=savoir comment réaliser le plus / le mieux ses passions) La force est une capacité / don / pouvoir de réaliser ses passions (et même d’en avoir) = puissance de désirer (ambition par exemple). Ici pour Calliclès, la force a un sens politique = pouvoir de dominer / soumettre les autres à nos désirs (les utiliser) La chance est un don inné (donné par la nature / naissance) permettant d’atteindre plus facilement que les autres le bonheur et d’avoir un pouvoir inné (exemple du fils de roi)

 Pour Calliclès tous ces moyens sont des attributs / qualités rendant possible l’intempérance / le dérèglement / l’absence de limites, de modération, de mesures = déraison (absence / pertes de raison) = démesure

3° le modèle de bonheur

-pour Calliclès, le modèle de l’homme heureux / intempérant = modèle politique = le tyran / fils de roi = l’homme de pouvoir qui peut satisfaire toutes ses passions en soumettant tous les hommes -de manière plus générale, il existe d’autres modèles de bonheur : modèle social (la richesse, la célébrité, la beauté, la santé…), l’amour, le sport, l’art (la musique, la peinture, le cinéma, la sculpture, l’architecture, la danse, la photographie, la littérature / la poésie / le théâtre…), le jeu…

Tous ces désirs renvoient bien à des passions (désirs excessifs = puissants et exclusifs) capables de se maintenir sans cesse en se renouvelant. On peut penser aussi au modèle incarné par le personnage de Mathilde dans La Parure de Maupassant pour qui le bonheur consiste dans la satisfaction d’un désir d’ascension sociale ou de richesse. Elle désire ainsi une invitation à un soirée mondaine, puis une parure (de diamant) et une nouvelle invitation. Autre modèle possible de passion : la justice, la vérité, la connaissance, c’est-à-dire un idéal moral pour conduire toute une existence. Par exemple, le désir de vengeance de Vinz dans La Haine de M. Kassovitz incarne cette exigence de justice ressenti à la suite d’une bavure policière. Seule la possibilité de « rétablir la balance » ou de « ramener le respect » semble pourvoir le satisfaire.

Transition A/B

Ainsi, le bonheur semble reposer sur la satisfaction des et sur leur dérèglement pour atteindre le maximum de plaisir. Pour autant un tel bonheur n’est il pas illusoire (du latin ludo=jouer) /éphémère/superficiel ?

B- Critique du bonheur comme jouissance et dérèglement

1- Le caractère insatiable des désirs déréglés

Une première critique de la conception

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