LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Peut-on soutenir que la vérité n’existe pas ?

Dissertation : Peut-on soutenir que la vérité n’existe pas ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Mars 2023  •  Dissertation  •  2 597 Mots (11 Pages)  •  241 Vues

Page 1 sur 11

Peut-on soutenir que la vérité n'existe pas ?

Nous considérons spontanément qu'il existe des propositions vraies et des propositions fausses, des

propositions plus vraisemblables que d'autres, ou plus probables que d'autres. Nous distinguons spontanément une croyance, certitude subjective qui n'est pas nécessairement fondée, d'une vérité, proposition prouvée et objectivement fondée. D'un autre côté, nous constatons que même dans le champ des sciences, les savoirs peuvent être réfutés : s'il y a une histoire des sciences, c'est bien parce que les théories scientifiques sont susceptibles d'être remises en question, que la vérité ne cesse de se substituer à l'erreur.

Peut-on soutenir, alors, que la vérité n'existe pas ? Peut-on défendre cette thèse sans tomber dans la contradiction? Cette question nous confronte au problème suivant : doit-on donner raison au relativisme, pour lequel il n'existe que des croyances, ou au scepticisme, qui conclut à l'impossibilité, pour la raison humaine, d'atteindre la vérité ? Tout l'enjeu de ce devoir consistera à établir qu'il n'y a pas de vérité absolue, mais que l'esprit humain ne doit pas renoncer pour autant à la quête de la vérité : la vérité n'est pas une chimère, mais une idée régulatrice féconde. Nous commencerons par évoquer les raisons pour lesquelles il semble évident que la vérité existe. Puis nous montrerons qu'aucune proposition n'est absolument certaine, ce qui peut incliner à douter de l'existence d'une quelconque vérité. Nous réfuterons enfin la position sceptique et le relativiste, en montrant que la pensée doit adopter, vis-à-vis de la vérité, une position critique.

La question est paradoxale. Pourquoi heurte-t-elle nos convictions spontanées ? Parce que nous croyons en l'existence de la vérité. Il semble, en premier lieu, que nous pouvons être vrais, du moins dans certaines circonstances. Si la vie sociale nous impose des codes qui nous empêchent d'exprimer notre spontanéité, qui nous empêchent d'être authentiques, nous pouvons, dans le cadre protégé de l'intimité, être vraiment nous-mêmes, sans craindre le regard social. D'où le caractère a priori insoutenable de cette proposition: si la vérité n'existait pas, alors notre existence serait condamnée à l'inauthenticité. Nous ne pourrions jamais « être vrais ». Il deviendrait impossible d'ôter le masque, et nos rapports avec autrui se réduiraient alors à un jeu de rôles, dans lequel la personne ne serait plus qu'un personnage. Il semble, en second lieu, que nous pouvons dire le vrai. Non seulement nous le pouvons, mais nous le devons. Dire la vérité n'est-il pas un devoir moral ? Or, si la vérité n'existait pas, ce devoir n'aurait plus aucun sens. On ne pourrait exiger de quelqu'un qu'il dise la vérité. Chacun pourrait mentir. Mais si chacun pouvait mentir, alors il deviendrait impossible de rendre justice, car la justice exige que les témoins disent « toute la vérité, rien que la vérité » pour que « la vérité soit faite » sur les affaires jugées. Que la vérité puisse advenir, n'est-ce pas ce que demandent les victimes lors d'un procès ?

Mais si la thèse selon laquelle la vérité n'existe pas nous heurte, c'est aussi parce que nous considérons qu'il existe des vérités empiriques que l'on peut difficilement remettre en question. « La nuit succède au jour », « le feu brûle », « le ciel est constellé d'étoiles », voici autant de vérités générales que nous induisons de l'expérience immédiate, c'est-à-dire des informations qui nous sont livrées par nos organes sensoriels. Nos sens nous mettent au contact de la réalité. Nous pouvons donc produire, à partir de ce que nous éprouvons, des jugements qui correspondent à ce qui est. L'adéquation du jugement à la réalité sur lequel il porte, tel est, du reste, le critère communément retenu pour déterminer la vérité. Ce critère paraît fiable : pour savoir si une proposition est vraie, il suffit de vérifier qu'elle est exacte, qu'elle correspond bien à la réalité des faits.

Il nous paraît difficile, par ailleurs, de douter de l'existence des vérités mathématiques : celles-ci sont démontrées de façon rigoureuse, de sorte que n'importe quel esprit peut s'assurer de leur véracité. Ces vérités ne sont pas affectées par le temps: parce qu'elles ont un caractère logique, elles semblent éternelles. De fait, nous pouvons toujours reconnaître comme vrais les théorèmes qu'Euclide a construits dans sa géométrie au Ille siècle avant Jésus-Christ. Ainsi les vérités mathématiques nous apparaissent-elles comme le modèle de toute vérité : évidentes pour l'esprit qui les comprend, déduites de façon rigoureuse, elles sont absolument certaines et nc donnent pas prise à la réfutation. Les critères auxquels nous nous fions pour déterminer la vérité d'une proposition mathématique est celui de l'évidence intellectuelle et de la cohérence formelle : en comprenant la proposition par une intuition intellectuelle, en s'assurant qu'elle est rigoureusement déduite d'autres propositions vraies, qui lui sont logiquement antérieures, on pourra alors avoir la certitude de sa véracité.

Les sciences témoignent, enfin, de la capacité propre à la raison humaine d'expliquer la réalité à partir de théories vraies. Le scientifique peut découvrir les lois qui régissent les phénomènes naturels grâce à des expériences. Les théories scientifiques sont prouvées expérimentalement. Elles ne sont pas de simples croyances, mais ont une valeur objective : n'importe quel sujet peut s'assurer de leur véracité en reproduisant l'expérience qui a permis de valider l'hypothèse. Elles apparaissent donc comme des savoirs certains : à la différence des opinions, qui sont par nature douteuses, les théories scientifiques sont découvertes par une pensée qui instaure un rapport critique aux évidences sensibles. Le scientifique ne s'en tient pas à ce que son corps perçoit immédiatement : il conçoit des hypothèses à partir desquels il rend raison de ce qu'il observe. Il ne s'en tient pas non plus à ce que lui apprennent ses sens: il refuse le premier contact avec l'objet en Sarmant d'instruments de mesure et en construisant des protocoles expérimentaux. Qui plus est, ces théories donnent lieu à des prédictions oui se vortstruisant d des applications techniques opératoires. Les sciences apparaissent ainsi comme la voie le plus sûre qui mène à la vérité.

Il semble paradoxal, au premier abord, de soutenir que la vérité n'existe pas. La raison est capable de découvrir des vérités, et de s'assurer de leur veracité en mettant en œuvre des procédés de validation rigoureux et exacts. Pour autant, n'existe-t-il pas des arguments forts justifiant que la vérité n'existe pas ?

Le scepticisme montre aisément le caractère incertain des « vérités empiriques ». Les sens, en effet, ne nous livrent pas la réalité telle qu'elle est : ils fabriquent une représentation de la réalité dont rien ne garantit qu'elle lui corresponde. Mais cet argument peut être étendu à l'ensemble de nos représentations, y compris aux théories que construisent les sciences. Pour vérifier leur adéquation au réel, il faudrait adopter un point de vue absolu, c'est-à-dire s'extraire de nos représentations, ce qui est chose impossible, l'expression « point de vue absolu » étant contradictoire : tout point de vue est par définition relatif. La science confirme, du reste, cette idée. La « réalité » physique, au niveau corpusculaire, est modifiée par l'observateur. Nous ne pouvons donc connaître la réalité elle-même, le réel-en-soi. Le réel se donne toujours au travers d'une certaine représentation, füt-elle pensée, construite. Comme le montrent Einstein et infeld dans L'évolution des idées en physique, les théories scientifiques ne sont que des modèles élaborés par la raison humaine pour expliquer les phénomènes. La force gravitationnelle, par exemple, n'est pas directement observable : la raison de l'expérimentateur la postule pour expliquer le phénomène de la chute des corps, et la démontre indirectement en montrant que, dans le vide, les corps tombent à la même vitesse. Le philosophe sceptique conclut donc que le critère de l'adéquation n'est aucunement opératoire : nul ne peut prétendre juger des choses de façon objective, connaître leur véritable nature. Les vérités scientifiques sont donc tout autant douteuses que les perceptions immédiates.

...

Télécharger au format  txt (16.6 Kb)   pdf (63.1 Kb)   docx (12.2 Kb)  
Voir 10 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com