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Le modèle stalinien en 1955

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Par   •  24 Juin 2022  •  Dissertation  •  4 880 Mots (20 Pages)  •  287 Vues

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Le modèle soviétique au milieu des années 1950

Le 5 mars 1953, la nouvelle de la mort de Staline fait l’effet d’un séisme dans un monde structuré par la guerre froide, et plus encore en URSS et dans les démocraties populaires d’Europe de l’Est. A Moscou, un million de personnes convergent vers le Kremlin pour honorer la dépouille de celui qui fut pendant quarante-quatre ans « le petit père des peuples », mais aussi « le bâtisseur intrépide de la société socialiste ». La société socialiste égalitaire est la finalité que se donne le modèle soviétique, défini pour sa part comme le système idéologique mis en place par les bolcheviks dès les années 1920 en URSS et étendu, entre 1945 et 1949, aux pays d’Europe de l’Est libérés par l’Armée Rouge. Ce modèle a pour fondement économique le marxisme, qui repose sur la collectivisation de l’économie et l’établissement d’une société sans classe où la propriété privée n’existe plus. Cette conception économique débouche sur un certain modèle politique : la dictature du prolétariat qui aboutit à la mise en place du parti unique et au rôle directeur du parti communiste. En quarante-quatre ans, Staline a fortement marqué de son empreinte le modèle soviétique, en en faisant un régime dictatorial de type totalitaire. En mars 1953, c’est donc la clé de voûte du système soviétique qui disparaît, dès lors, les manifestations d’hystérie collective qui accompagnent les funérailles du dictateur trahissent l’expectative des Soviétiques sur l’après-Staline : le modèle est-il capable de survivre à la mort de son géniteur ?

Le travail de redéfinition du modèle par les successeurs de Staline se prolonge jusqu’à l’offensive des orthodoxes staliniens en décembre 1956. Reste à savoir si le milieu des années 1950 a vu s’opérer une remise en cause ou une évolution du modèle soviétique ?

Si les années 1953-1956 marquent une rupture nécessaire avec le totalitarisme stalinien, le modèle soviétique ne semble pas remis en cause dans ses fondements ou dans la pratique du pouvoir. Bien plus, ce temps de redéfinition s’accompagne d’un dynamisme extérieur qui préserve, momentanément, le modèle d’une érosion de son potentiel de séduction.

  1. LA REMISE EN CAUSE DU TOTALITARISME STALINIEN
  1. Un modèle à bout de souffle en mars 1953

La mort de Staline était intervenue à un moment de grandes difficultés économiques, à dimension structurelle. Dans un rapport sur les problèmes agricoles daté du 24 octobre 1953, Khrouchtchev porta un regard très critique sur la situation agricole du pays : « la cadence de développement de l’agriculture socialiste accuse nettement un retard sur la cadence de développement de l’industrie ». L’agriculture était en effet ravagée par la reprise en main de la paysannerie par Staline après la guerre : ce dernier avait opéré une forte réduction du lopin individuel et procédé à l’accroissement des livraisons obligatoires, d’autre part, les prix payés par l’Etat aux kolkhozes ne couvraient pas toujours les coûts de production. Longtemps délaissée par les autorités qui donnaient la priorité à l’industrie lourde, l’agriculture souffrait d’un sous-équipement chronique et du manque de motivation des paysans qui, entre 1946 et 1953, furent huit millions à partir pour trouver du travail dans les usines. A l’inverse, la politique volontariste de l’Etat donnait la priorité à l’industrie lourde, au détriment d’une amélioration des conditions de vie de la population. En 1954, le niveau de vie des citadins était à peine équivalent à celui de 1913 !  

La Jdanovschina avait mis en place un contrôle croissant de la vie intellectuelle dès 1947 : la censure et le culte de la personnalité sévissait de l’art aux sciences. Ce durcissement idéologique des années 1945-1953 s’est traduit par l’emballement du système répressif. Le système concentrationnaire était constitué d’un vaste ensemble de camps de travail forcé dans le Grand Nord et en Sibérie : le Goulag. Les détenus étaient d’origines variées : prisonniers de droit commun, personnes ayant critiqué le régime, auxquels Staline adjoignit massivement les nationalités baltes, tatars ou tchétchènes, accusées d’avoir collaboré avec les Allemands ou de résister à la collectivisation. On estime que la population concentrationnaire avoisinait les 4.5 à 12 millions en 1953. Les détenus travaillaient sur de grands chantiers de construction, par exemple le chemin de fer Saratov-Stalingrad au début des années 1950. De plus, le complot des blouses blanches « découvert » en janvier 1953 annonçait l’imminence d’une nouvelle purge radicale du personnel politique et des cadres économiques, semblable aux pires moments des années 1936-1937. Seule la mort de Staline y mit, providentiellement, un terme.  

La mort de Staline libéra, dans les démocraties populaires, des explosions de colère liées à l’impasse économique dans laquelle se trouvait le système. En Tchécoslovaquie, suite à une réforme monétaire amputant d’un tiers le pouvoir d’achat des salariés en 1953, les principaux centres industriels furent secoués de troubles violents. Ainsi, les ouvriers des usines Skoda lacérèrent des portraits de Staline et de Gottwald. Des troubles éclatèrent aussi dans trois cents villes de RDA, dont Berlin-Est, les 16 et 17 juin 1953. Ils étaient suscités autant par l’espérance née de la mort de Staline, que par le relèvement sans contrepartie des normes de production de 10%.

Les émeutes ouvrières de 1953 faisaient peser une lourde menace sur le régime. Aussi, l’un des défis pour les successeurs de Staline était d’assurer la continuité de la politique soviétique tout en introduisant prudemment des assouplissements et réformes pour faire face au désarroi de l’opinion publique.

  1. Le premier dégel : des réformes vitales pour la pérennité du modèle (1953-1955)

Les évènements de 1953 constituaient une alerte majeure pour les dirigeants des démocraties populaires qui décidèrent de faire quelques concessions. En RDA un frein fut mis à la collectivisation et on investit davantage dans les industries de consommation et d’équipement. En Hongrie, les réformes économiques allèrent plus loin encore : une large autonomie fut accordée aux coopératives agricoles. Dans les entreprises, encouragées à dégager des profits et à accorder des primes à leurs salariés, l’Etat ne jouait plus qu’un rôle limité. Avec des prix libres pour certains produits, la Hongrie faisaient de sérieuses entorses aux préceptes marxistes-léninistes.

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