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Affaire Dreyfus

Dissertation : Affaire Dreyfus. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Février 2022  •  Dissertation  •  2 216 Mots (9 Pages)  •  262 Vues

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Pendant l’Affaire Dreyfus, la presse a-t-elle été influencée par les opinions de ses lecteurs ?

        La presse papier dans la deuxième moitié du XIXème siècle connaît un essor fulgurant dû à plusieurs facteurs. D’une part, les révolutions techniques (linotype, rotative) de l’imprimerie s’inscrivant dans un contexte de révolution industrielle ont permis une augmentation des tirages et ainsi une diffusion plus large. D’autre part « l’Age d’or » de la presse fait de cette dernière un véritable média de masse qui répond à une nouvelle demande sociale, conséquence d’un taux d’alphabétisation en perpétuelle augmentation : 95% à la fin du XIXème, d’un accès à l’éducation gratuit avec les lois Jules Ferry de 1881-1882, d’une urbanisation du territoire français et enfin des avancées démocratiques du régime en vigueur. La presse joue alors un rôle très important dans la société française et couvre par sa réactivité et son influence des évènements de tous types, souvent retentissants. Nous prendrons comme exemple au sein de notre réflexion l’Affaire Dreyfus, véritable tourant dans le rôle de la presse. Ainsi en 1894 dans une tribune du Figaro, l’existence d’une enquête sur une affaire d’espionnage concernant Alfred Dreyfus est révélée. Le capitaine d’origine juive aurait transmis des secrets militaires à l’ennemi : l’Allemagne. Dégradé puis envoyé au bagne, Dreyfus reste le coupable idéal et évidant jusqu’en 1898 car l’opinion dans une époque antisémite et nationaliste est unanime quant à sa culpabilité. Pourtant Dreyfus après revirement de l’opinion obtiendra révision de son procès puis quelque temps après la grâce présidentielle. C’est le nouveau média de masse qu’est la presse qui va largement couvrir cet évènement. Nous pouvons alors nous demander si pendant cette affaire, la presse n’a pas été influencée par l’opinion de ces lecteurs. Cependant cette question, peut être traité en cercle d’influence : l’opinion a une influence sur la presse et la presse a une influence sur l’opinion. Dans un premier mouvement nous verrons que la presse étant devenue un véritable « business » doit conserver ses lecteurs et partir à la conquête d’autres clients. Puis dans un second mouvement nous étudierons de quelle manière la presse d’opinion devant néanmoins respecter son bord politique reste-elle influente ou active sur l’opinion de ses lecteurs.

        La presse dans son « Age d’or » voit naître un business autour de l’information dans le but de faire du profit. Ainsi cette pratique quotidienne va voire se transformer les grands journaux en entreprises de presse. Le but étant de vendre, l’opinion des lecteurs est très influente sur le contenu de la presse car on donne à lire ce que les lecteurs ont envie de lire.

        Le développement technique de la fin du XIXème permet l’installation d’un marché autour du traitement journalistique des informations. Les lecteurs sont à cette époque friant de divertissement, de scandales et de faits divers. L’Affaire Dreyfus est alors une aubaine pour les entreprises de presse qui voient en cette occasion le possible envol de leur vente. Ainsi les intérêts politiques et économiques fixent la ligne conductrice d’édition. Il en est donc assez évident que pour faire du profit, la presse doit alors plaire et conforter ses lecteurs dans leurs opinions. La vie de la presse est donc dépendante de ses lecteurs. Durant l’Affaire Dreyfus, la presse quotidienne étant majoritairement antidreyfusarde au départ comme le Petit Journal puis a évolué lentement pour ne pas heurter ses lecteurs. Ainsi, en février 1898, 87% de la presse était antidreyfusarde alors qu’en 1899, ce taux s’élève à 52%. Au contraire, en février 1898, la part de la presse dreyfusarde est ridicule : environ 8% et va être multipliée par quatre jusqu’en 1899 pour arriver à 32%. La presse quotidienne a donc suivi la tendance changeante de ses lecteurs pour ne pas les perdre. Un autre cas permet de comprendre l’intérêt de la presse à se transformer avec douceur et non brutalement sous peine de voir son audience chuter. Pour reprendre l’exemple de Christophe Charle « Le Figaro, organe conservateur qui avait accueilli les premiers articles de Zola, change de position quand ses lecteurs, indignés, se désabonnent en masse parce qu’ils ne se reconnaissent plus dans leur journal habituel. ». L’affaire Dreyfus a marqué un vrai tournant concernant l’image de la presse, elle n’est plus essentiellement un moteur de changement politique ou une force d’opposition mais est motivée par une quête de profit et donc en respectant les attentes du lectorat.

        La presse va également motivée par les attentes des lecteurs en mettant en place des moyens pour mobiliser l’opinion, pour attirer l’attention, pour accentuer sa visibilité. Ces nouvelles méthodes séduisent les lecteurs tel que les unes illustrées. En effet, la une du supplément du Petit Journal du 13 janvier 1895 affirme d’abord l’accessibilité du journal à tous par son pris (5 centimes) mais aussi l’adaptation à un large public, par forcément instruit ou alphabétisé. Ainsi l’image permet directement de véhiculer un message de manière plus simple. En regardant la une du Petit Journal on comprend naturellement que le capitaine Dreyfus est symboliquement démis de ses fonctions car on lui brise son sabre. Deux mots accompagnent l’image : « le traitre », jugement qui rejoint l’opinion largement antidreyfusarde de l’époque et qui pour le Petit journal est garant de succès car ses tirages s’élèvent quotidiennement à un million d’exemplaires. Par ailleurs, les campagnes de presse pour asseoir leur attractivité sont souvent très violentes, dans les mots et dans les images. De plus, la presse use de manchette (titre en gros caractères) comme sur la une du journal l’Aurore accueillant l’article « J’accuse… » d’Emile Zola. Les titres facilement lisibles permettaient alors d’être vus sur les affiches dans les rues mais aussi scandés par les vendeurs ambulants. Cet aspect polémique et divertissant plait très largement aux lecteurs de l’époque. Au-delà du contenu, la forme et les moyens sont aussi influencés par l’opinion des lecteurs.

        Un autre phénomène va aussi se manifester, les lecteurs se fidélisant en masse à une presse spécifique vont aussi en modeler l’image et en faire une presse d’opinion à leur image. En effet, en suivant l’Affaire Dreyfus de près, les presses quotidiennes voulant pourtant rester assez neutres ne vont pas pour autant refuser de prendre parti. Elles vont donc parfois plonger dans l’antisémitisme, dans le nationalisme qui restent comme vu auparavant très populaires à l’époque. Ainsi un journal populaire, une presse d’information peut devenir une presse d’opinion. C’est le cas du Petit Journal qui durant les évènements va suivre la tendance majoritairement antidreyfusarde alors qu’il est pourtant un journal d’information. Les journaux sont la représentation, le reflet des différents « camps » : dreyfusard et antidreyfusard. Cela va par exemple être le cas du ralliement de l’opinion des républicains modérés pour la révision du procès dans des journaux à leur image comme Le petit parisien, Le Siècle. Les opinions des lecteurs peuvent ainsi se réunir massivement derrière une presse pour la modeler à leur image et en faire un moyen d’influence.

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