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Vespasien et les artistes selon Suétone

Commentaire de texte : Vespasien et les artistes selon Suétone. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Novembre 2019  •  Commentaire de texte  •  2 270 Mots (10 Pages)  •  519 Vues

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VESPASIEN ET LES ARTISTES SELON SUETONE (Vie du divin Vespasien, 18)

« 18. Il fut le premier à constituer, sur les ressources du fisc, une pension annuelle de cent mille sesterces pour les rhéteurs latins et grecs ; il accorda à la fine fleur des poètes, mais aussi à celle des artistes (par exemple le restaurateur de la Vénus de Cos ainsi que du Colosse), des présents somptueux et une importante rémunération ; […]. 19. Aux jeux donnés pour la dédicace de la scène restaurée du théâtre de Marcellus, il avait remit à l’honneur même des divertissements musicaux d’autrefois. […]. »

COMMENTAIRE :

        Dans Vie des douze Caesars, rédigée par Suétone au début du IIe siècle, est traitée la vie des douze premiers « empereurs » si l’on peut dire étant donné que Jules Caesar, bien qu’ayant possédé l’imperii, ne fut jamais considéré empereur. Au cœur de cet ouvrage se trouve la Vie du divin Vespasien, consacrée donc à la vie de Vespasien, premier empereur de la dynastie des Flaviens. C’est dans cette section que l’on trouve l’extrait dont nous allons parler aujourd’hui, traitant de la relation entre Vespasien et les artistes. Vespasien n’était pas du tout destiné au titre d’empereur, lui qui n’était aucunement lié à la famille des Julio-Claudiens, qui se transmettait le titre impérial par voie de parenté. Souvent par adoption plus que par réel lien de parenté par ailleurs mais Vespasien ne fut jamais adopté non plus. Né en 9 après Jésus Christ à Réate, Vespasien ne faisait pas partie des familles dirigeantes de l’Empire mais se trouvait fils de publicain. Il suit la carrière des honneurs et parvint à commander une légion en Germanie puis une autre en Bretagne lors de la conquête de 43. Il fut ensuite nommé proconsul de Judée en 66 où l’on lui demande de réprimer la révolte juive. Laissant par la suite cette fonction à son fils aîné Titus, il se rend en Egypte où, suite à la mort de Néron en 68 et à l’année dite « des quatre empereurs », il est proclamé empereur par ses troupes. Déclaré imperator par le Sénat il se retrouve à la tête de Rome de décembre 69 à 79 et renouvelle l’élite dirigeante, équestre et sénatoriale. Quand à Suétone, ou en latin Caius Suetonius Tranquillus, il s’agit d’un érudit et polygraphe romain né en 70 après Jésus Christ et décédé en 122. Il écrit la Vie des douze Caesars, qui représente un des ouvrages les plus conséquents et complets traitant de la période concernée : à savoir la dernière moitié du premier siècle avant Jésus Christ et le premier siècle après Jésus Christ. Cet ouvrage est pour les historiens une œuvre incontournable tant elle retrace avec précision la vie des douze premiers imperators. Cependant, compte tenu de sa date de rédaction, la véracité des propos tenus dans l’ouvrage peut néanmoins être remise en question et il ne faut pas oublier l’importance de comparer les écrits sur un même sujet afin de comprendre quelle fut la réalité. De plus Suétone est connu pour donner une vision subjective des événements sur lesquels il écrit. Notre extrait, sonnant comme un panégyrique, fait partie de ces passages douteux quant à leur véracité. Peut être fut-il écrit pour plaire et non dans un souci de conserver une trace écrite de la relation entre l’empereur et les artistes.
        Nous pouvons ainsi nous demander dans quelle mesure ce texte nous renseigne-t-il sur la réalité des relations entre l’empereur Vespasien et les artistes sous la Rome antique.
        Pour répondre à cette question nous étudierons d’abord le côté panégyrique du texte et les possibles désaccords avec la postérité de Vespasien avant de nous pencher sur les tenants et aboutissants des faveurs accordées aux artistes sous le règne de cet empereur.

        La question se pose donc, comme nous venons de le souligner, de savoir les raisons d’un tel panégyrique. Pour cela il faut d’abord nous pencher sur la définition d’un panégyrique et d’en quoi ce document peut-il être considéré comme un panégyrique. Un panégyrique est tout simplement une louange adressée à quelqu’un. Ici la louange s’adresserait donc à l’empereur Vespasien dont il est question dans la totalité du document. « il fut le premier » (l.1) et « il accorda » (l.2) sont ici témoins de la volonté élogieuse dont fait preuve Suétone vis-à-vis de Vespasien dans cet extrait. En effet, être le premier est souvent signe de succès, d’une action glorieuse ou du moins notable ainsi que d’une perpétuation de la dite action du fait de son bien fondé. Accorder, quand à lui, est un verbe qui permet d’établir une certaine supériorité mêlée de bonté puisqu’il signifie en fait « consentir à donner », signifiant que l’on est capable de donner et que l’on a fait le choix de le faire.  Ainsi Vespasien est ici dépeint comme un empereur bon envers les artistes et se souciant d’eux et du libre exercice de leur fonction. Souhaitant éviter aux artistes d’éventuelles entraves financières, il leur offre une pension et/ou des présents leur permettant d’exercer leur fonction dans les meilleures conditions. Du moins c’est ce qui semble sous-entendu par Suétone dans cette citation, nous offrant ainsi un éloge sous jacent au texte qui démontre le côté subjectif de ses écrits cités plus haut.
        Cela dit, cet éloge est incohérent avec la postérité de Vespasien dont est pourtant témoin Suétone. En effet, Vespasien est décrit comme un empereur souhaitant redresser la situation économique désastreuse suite aux abus de Néron, empereur fort dépensier ayant dilapidé les ressources de l’Empire. Or, « Il fut le premier à constituer, sur les ressources du fisc, une pension annuelle » (l.1 à 2). Vespasien aurait ici renoncé à son garrot monétaire pour envoyer, chaque année, une rémunération permettant aux rhéteurs de vivre de leur art. Il offre également une rémunération aux autres artistes à qui il envoie des cadeaux. Cet argent vient-il de l’imposition sur l’urine ? ou bien est-il récupéré sur d’autres impôts et taxes recueillis à travers Rome et ses provinces ? Le document ne le précise pas. Toujours est-il que la vision d’un empereur avare et souhaitant réduire les dépenses est perturbée par la description que Suétone fait de la générosité vespasienne à l’encontre des artistes.
D’ailleurs pourquoi se focaliser sur les artistes ? En quoi le choix de Suétone d’offrir une vision généreuse de Vespasien à travers son rapport aux artistes est-il intéressant ? Aux lignes 4 à 6, la citation « Aux jeux donnés pour la dédicace de la scène restaurée du théâtre de Marcellus, il avait remit à l’honneur même des divertissements musicaux d’autrefois » (l.4 à 6) nous fait sentir la volonté qu’a Suétone de souligner l’intérêt de l’empereur pour les divertissements et autres arts. Il est fort probable que cet intérêt ait été réel car les ludis sont à considérer comme une forme de publicité et de propagande, un atout essentiel pour tout empereur qui se respecte. Ce mécénat témoigne de la prospérité et de la puissance de celui qui le met en place et le finance. Il rend ainsi également redevables les artistes rémunérés qui vont alors évidemment dépeindre un portrait élogieux de l’empereur. Ainsi, l’on peut supposer que cet acte en apparence généreux de Vespasien envers les artistes ne s’agirait en fait que la stratégie à visée politique d’un homme souhaitant conserver son titre d’empereur et visant un héritage de celui-ci par son fils aîné, Titus. Suétone fait donc encore une fois un éloge de l’empereur mais cette fois-ci dans sa qualité de politicien et stratège.

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