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Populations, inégalité, environnement

Dissertation : Populations, inégalité, environnement. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Février 2018  •  Dissertation  •  4 388 Mots (18 Pages)  •  704 Vues

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Kyuzo                                                                                           22.02.2017.

« Populations, inégalités, environnement »

        « L’environnement n’apparaît pas comme une donnée exogène : il est bien plutôt choisi, quand on est riche et subi, quand on est pauvre », écrit Éloi Laurent dans un article consacré au thème « écologie et inégalités ». Ainsi apparaissent deux éléments : d’une part, la corrélation, qui peut sembler acquise, entre environnement géographique et ressources économiques et sociales ; d’autre part, l’environnement comme produit humain, et non seulement comme « donné exogène », facteur absolument déterminant de la richesse d’un individu ou d’une société. La notion d’environnement, et surtout son émergence dans le discours scientifique géographique français, est en effet assez récente, en cela qu’elle émerge par le biais de la sociologie écologique américaine : le refus du déterminisme par l’environnement est redéfini (selon Vaillancourt) dans les années 1970 aux Etats-Unis, avec la définition par William Catton et Riley Dunlap d’un « nouveau paradigme écologique », qui veut souligner l’interaction entre un « donné » naturel et la société qui le transforme. De là, plusieurs définitions, parfois contradictoires, d’un environnement tantôt vu comme n’intégrant que les relations des hommes ou des sociétés à un donné naturel ou historique plus ou moins fictif, tantôt comme comprenant également tous les produits des sociétés humaines, ainsi que les représentations que les populations ont de l’environnement ainsi défini. Ainsi, pour Pascal Baud, (Dictionnaire de géographie), « À la différence du géosystème, l’environnement prend en compte toute la diversité des aspects du cadre de vie des sociétés, composantes naturelles, éléments matériels (densité des infrastructures de transport, présence de zones industrielles, types de quartiers humains), des dimensions non matérielles comme le type de culture dominant mais aussi les représentations qu’ont les populations de leur cadre de vie et qui sont souvent fort différentes de celles qu’en ont les observateurs extérieurs. », tandis que chez Jacques Lévy (Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés), l’environnement est affirmé comme un « ensemble de réalités extérieures à un système, notamment un système social, conditionnant son existence et interagissant avec lui ». Enfin, pour Yvette Veyret, « l’environnement est un objet social qui intègre des données et des phénomènes sociaux associés à des éléments "naturels" dans un construit en quelque sorte "hybridé" pourvu d’une double dimension spatiale et temporelle. ». Y. Veyret signale également la nécessité de considérer l’environnement comme un donné social et anthropisé.

        Il apparaît alors clair que parler de « populations, inégalités, environnement », c’est envisager, puisque l’on refuse la lecture déterministe, un lien nécessairement politique entre inégalités entre populations – inégalités prises dans leur sens couramment admis d’inégalités socio-économiques d’accès à certaines ressources – et environnement socialisé, lien que le terme même d’hétérogénéité réfuterait. Mais, si « l’environnement est choisi quand on est riche, et subi quand on est pauvre », et qu’on admet la définition d’environnnement de Pascal Baud incluant des paramètres essentiellement humains (industries, infrastructures), les « inégalités environnementales » que l’on peut constater ne feraient-elles pas alors doublon avec la problématique bien connue de la spatialisation des inégalités sociales ? L’environnement ne serait-il qu’une nouvelle grille de lecture, un nouveau moyen d’observer les inégalités sociales dans leur dimension spatiale ?

        Certes, si les inégalités socio-économiques entre populations sont bien révélées par l’étude de l’environnement, ce qui permet d’affirmer une forme de compénétration des inégalités environnementales et sociales, cependant l’importance du facteur environnemental dans la dynamique de ces inégalités (c’est-à-dire leur augmentation, leur maintien ou leur réduction) ne peut que pousser à une remise en question de cette lecture unilatérale. Dès lors, les mots même d’inégalités environnementales, confrontés à la réalité d’une hétérogénéité spatiale de répartition des ressources dans le monde, soulèvent un problème qui ne peut se poser qu’en termes de contrôle et de gouvernance, à l’échelle mondiale, nationale ou locale.

Il est possible de considérer l’environnement comme grille de lecture des inégalités sociales ; cependant, l’idée que le contexte environnemental révèlerait les inégalités sociales participe d’une notion compliquée. En théorie, dans un marché libre et ouvert, et si, dans une perspective occidentale, on prend la possibiité de mobilité résidentiel comme base de réflexion,  les inégalités déterminent, positivement ou négativement, l’accès aux ressources environnementales. En effet, au niveau de la ville, les inégalités révèlent la naissance d’une « demande sociale d’environnement » (Guillaume Faburel), qui n’est pas récente mais  a été accentuée par la crise écologique à l’échelle mondiale et la prise de conscience récente de cette crise. Or, selon la logique du marché immobilier, la spatialisation et l’inscription résidentielle dans une espace se fait en fonction des aménités environnementales à proximité, du fait phénomènes classiques de valorisation immobilières, qui vont parfois complètement à l’encontre des politiques dites de « mixité sociale » qui peuvent être mises en œuvre. La gentrification décrite par Emelianoff (2005) du quartier (anciennement industriel) de Västra Hamnen, à Malmö, suite à l’effet de standing induit par sa réhabilitation en quartier vert, malgré volonté de mixité sociale initiale, illustre bien ce phénomène. En cela, l’environnement constitue une grille de lecture efficace des inégalités sociales spatialisées, un moyen de les observer : c’est ce que confirme la naissance de l’ « environnement » (souvent conçu par les promoteurs immobiliers comme une nature plus ou moins artificialisée) comme valeur de marché. De même, pour citer D. Dron et A.J Guérin : « Il y a souvent association entre les difficultés sociales d’une population et la non-qualité environnementale de ses conditions de vie. » On note ainsi l’absence totale de mixité sociale dans quartiers fortements dégradés : ce phénomène est particulièrement clair dans grandes villes européennes, avec phénomènes de « dents creuses » dans le processus de périurbanisation : la proximité d’installations lourdes, polluantes ou bruyantes, permet de rester dans des espaces péricentraux à des populations qui en seraient normalement expulsées. La Délégation Interministérielle à la Ville dit ainsi en 2004 la nécessité de « Réduire ces inégalités (environnementales) », en « engage[ant] la rénovation urbaine pour améliorer les conditions d’habitat et d’environnement dans les quartiers prioritaires », reconnaissant ainsi l’existence de problème spécifiques d’environnement pour les quartiers considérés comme prioritaires (espaces péricentraux des villes, banlieues proches, « dents creuses »), et constatant l’absence de mixité sociale dans les quartiers où l’environnement est fortement dégradé (ZUS, 2004) Donc l’environnement est bien un outil efficace dans la lecture des inégalités sociales.

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