Lettre ouverte de Fustel de Coulanges à Mommsen (1870)
Commentaire de texte : Lettre ouverte de Fustel de Coulanges à Mommsen (1870). Recherche parmi 303 000+ dissertationsPar sanchodomingo • 30 Septembre 2025 • Commentaire de texte • 1 127 Mots (5 Pages) • 16 Vues
Lettre ouverte de Fustel de Coulanges à Mommsen (1870)
Au XIXe siècle, l’Europe est marquée par la montée en puissance des nationalismes, qui s’imposent comme idéologie structurante autant dans le champ politique que culturel. La question devient brûlante : qu’est-ce qu’une nation ? Est-elle fondée sur une histoire partagée, une langue, une race, ou bien sur la volonté des individus de vivre ensemble ?
Dans ce contexte, la guerre franco-prussienne de 1870 offre un terrain de confrontation idéologique autant que militaire. C’est dans ce cadre qu’intervient l’échange polémique entre Theodor Mommsen, historien allemand, et Fustel de Coulanges, historien français. Mommsen affirme que l’Alsace est allemande « par la langue et par la race », tandis que Fustel réplique en insistant sur la volonté et l’adhésion des populations, héritage des Lumières et de Rousseau.
Cette opposition illustre deux conceptions du nationalisme : la nation culturelle et ethnique défendue par l’Allemagne, et la nation politique et volontaire portée par la tradition française.
I. Nationalisme culturel contre civilisation à la française
a) Le nationalisme français
La conception française de la nation s’ancre dans les Lumières et dans la Révolution de 1789. La nation est d’abord une communauté politique formée d’individus libres, égaux en droits et unis par une volonté commune. Elle repose sur le droit du sol, c’est-à-dire sur l’intégration des habitants d’un territoire à la communauté nationale.
Ainsi, Fustel insiste sur le fait que la patrie est « une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances » (l. 44-45). La nation ne naît pas d’un héritage biologique ou linguistique, mais d’une volonté de vivre ensemble : « Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple » (l. 42).
La Révolution de 1789 est présentée comme un moment fondateur : « Ce n’est pas Louis XIV, c’est notre Révolution de 1789 » (l. 53). L’attachement à la France ne tient pas à une dynastie, mais à une adhésion au projet politique qu’elle incarne. La nation française apparaît donc comme un État-nation universaliste, issu de l’histoire politique et du progrès.
b) Le nationalisme allemand
À l’inverse, le romantisme allemand développe une conception de la nation fondée sur la culture, la langue et la race. La communauté n’est pas choisie, elle est héritée. On appartient au « peuple des ancêtres » par le sang et par la tradition. Mommsen reprend cette logique : il affirme que l’Alsace est allemande « par la même race » (l. 6) et « par le langage » (l. 42).
Cette conception trouve ses racines chez Herder et Fichte, pour qui la langue constitue l’essence même du peuple : « les hommes sont formés par la langue plus que la langue ne l’est par les hommes ». L’ethnie et la culture sont considérées comme indissociables, et déterminent l’identité nationale.
Ainsi, pour Mommsen, Strasbourg appartient à l’Allemagne au même titre que Milan ou Venise appartiennent à l’Italie. Il en conclut : « Nous voulons prendre tout ce qui est notre ; rien de plus, rien de moins. »
II. La nation du contrat social face à la nation de la langue et du sang
a) Le contrat social : une conception politique
La conception française de la nation s’enracine dans une pensée rationaliste et politique. Inspirée de Rousseau, elle considère la nation comme le produit d’un contrat social, un consentement renouvelé chaque jour (Ernest Renan parlera plus tard d’« un plébiscite de tous les jours »).
L’abbé Sieyès, dans Qu’est-ce que le tiers
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