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Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle — Commentaire de texte : August Strindberg, Le Père, acte II, scène 5 (1887)

Commentaire de texte : Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle — Commentaire de texte : August Strindberg, Le Père, acte II, scène 5 (1887). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Janvier 2024  •  Commentaire de texte  •  1 719 Mots (7 Pages)  •  64 Vues

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COMMENTAIRE DE TEXTE

Objet d’étude : le théâtre du XVIIe au XXIe siècle

TEXTE

August Strindberg, Le Père, acte II, scène 5 (1887)

LE CAPITAINE. — Rien qu’un mot de vérité : tu me hais ?

LAURA. — Oui, parfois. Quand tu es un homme.

LE CAPITAINE. — C’est de la haine raciale ! S’il est vrai que nous descendons du singe, alors c’est de deux espèces différentes. À coup sûr, nous ne nous ressemblons pas.

LAURA. — Que veux-tu dire par là ?

LE CAPITAINE. — Je sens que dans cette guerre l’un de nous deux doit succomber.

LAURA. — Qui ?

LE CAPITAINE. — Le plus faible, naturellement.

LAURA. — Et le plus fort a raison ?

LE CAPITAINE. — Toujours, puisqu’il a le pouvoir.

LAURA. — Alors j’ai raison.

LE CAPITAINE. — Alors, tu as déjà le pouvoir ?

LAURA. — Et même un pouvoir légal, quand demain je te ferai mettre sous tutelle.

LE CAPITAINE. — Sous tutelle ?

LAURA. — Oui. Et j’élèverai mon enfant sans écouter tes divagations.

LE CAPITAINE. — Et qui paiera son éducation quand je ne serai plus là ?

LAURA. — Ta pension.

LE CAPITAINE, s’approchant d’elle, menaçant. — Et comment me feras-tu mettre sous tutelle ?

LAURA, sortant une lettre. — Par cette lettre, dont une copie certifiée conforme se trouve au tribunal de tutelle.

LE CAPITAINE. — Quelle lettre ?

LAURA, se dirigeant à reculons vers la porte de gauche. — Ta lettre. Où tu déclares au médecin que tu es fou. Le capitaine la regarde, stupéfait.

LAURA. — À présent, tu as rempli ton office, hélas indispensable, de père et de nourricier. Tu ne sers plus à rien, et tu dois partir. Tu dois partir parce que, tu l’as constaté, mon intelligence est aussi forte que mon vouloir, et que tu as refusé de rester et de l’admettre.

Le capitaine se dirige vers la table, se saisit de la lampe allumée et la jette en direction de Laura, qui s’esquive à reculons par la porte.

À l’automne 2016, la Comédie française choisit le cinéaste et metteur en scène Arnaud Desplechin pour adapter la pièce d’August Strindberg, Père. Cette pièce de théâtre écrite en Suède en 1887 trouvera les faveurs du philosophe Nietzsche qui n’hésitera pas à adresser au dramaturge une lettre faisant part de son vif intérêt pour le sujet familial évoqué. Le Père présente une lutte entre un homme et une femme, tous deux époux et parents d’une fille unique Bertha. L’œuvre déploie un désaccord profond entre ces deux adultes qui ne laissera pas les personnages indemnes. L’extrait soumis à notre étude est situé à l’acte II scène 5 et présente un dialogue houleux entre les deux époux qui porte en germe le climax de leur dispute.

Nous nous demanderons donc comment Strindberg présente les manipulations et dérives d’un couple qui ne s’entend plus.

Pour répondre à cette problématique, nous observerons que cette scène présente d’emblée une dispute de couple digne des grands agôns antiques. Notre étude démontrera ensuite la perte d’humanité dans ce couple. Nous terminerons en étudiant ce que ce conflit cache réellement.

Tel un combat de boxe, l’extrait présente une joute verbale où le mari et la femme se rendent coups pour coups dans un affrontement musclé dont les frappes sont des mots.

L’extrait présente toutes les caractéristiques de l’agôn. Dans la Grèce antique, il désignait un concours composé d’une joute verbale organisé à l’occasion de célébrations religieuses. Si le contexte de la scène n’est pas sacré, la confrontation entre le mari et son épouse est clairement exprimée. La ponctuation très forte dans le texte montre la force de la dispute. L’exclamative l.3 « C’est de la haine raciale » suggère la colère du capitaine envers Laura qui crie sur son époux à cet instant. Et lorsque les mots ne suffisent plus, ce sont les coups qui sont employés. C’est ainsi que se clôture l’extrait avec toute la violence du capitaine. La didascalie finale est le sommet de cette violence car le capitaine se saisit de la lampe allumée et la jette en direction de Laura, « qui s’esquive à reculons par la porte ». La violence verbale a cédé le pas à la violence physique et les deux verbes « jette » et « s’esquive » s’apparentent presque à de l’escrime, signe que les deux personnages du texte sont devenus de véritables adversaires.

La dispute conjugale est forte et aucun ne semble vouloir céder aux attaques de l’autre ni plier sous le poids des attaques qui se font de plus en plus violentes. Le texte mime cette confrontation en présentant un système de questions-réponses avec la question de l’un qui sert à attaquer l’adversaire et la réponse de l’autre qui n’a pour objectif que de riposter. Le capitaine pose donc dans cet extrait six questions à sa femme qui lui en pose trois. L’extrait comporte ainsi de nombreuses stichomythies, échanges verbaux vifs

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