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Dissertation sur la cour

Dissertation : Dissertation sur la cour. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Juin 2023  •  Dissertation  •  2 096 Mots (9 Pages)  •  108 Vues

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Selon Saint Augustin, l’âme a une double nature : une nature pure et une nature pécheresse. Ceci nous rappelle de la duplicité de la cour, un personnage collectif à part entière composé de la plus haute aristocratie du XVIème siècle dans le roman de Madame de Lafayette, La princesse de Clèves. La cour désigne non seulement le lieu, c’est-à-dire là où vit un souverain (ici le roi de France) et son entourage mais aussi un ensemble de personnes qui cherchent à plaire à quelqu’un avec insistance. Cette envie de plaire incessante ainsi que le besoin de conformer aux normes de la société conduisent souvent les individus à se métamorphoser complètement et à masquer leur individualité. Ce monde d’artifices et d’apparences artificielles peut être très difficile à naviguer et même périlleux. Mais tous les luxes, les bijoux, les évènements extravagants et même les drames et les discussions en font également un univers d’amusement et de distraction. Il convient donc de s’interroger en quoi la cour est un lieu de perdition et de divertissement. Comment la cour peut-elle être un lieu de péril, de perte et de dissipation et en même temps un lieu de distraction et d’amusement ?  Nous verrons que c’est un monde conformiste et d’illusion qui mise beaucoup sur le paraitre avant de nous arrêter sur l’évocation des rivalités, de l’ambition et de la galanterie, sources de distraction qui rythment la vie des courtisans.

Madame de Chartres dit à sa fille à propos de la Cour : "Si vous jugez sur les apparences en ce lieu ci, vous serez souvent trompée : ce qui paraît n’est presque jamais la vérité.". À travers cette recommandation, on comprend que la Cour est un monde où règnent l’apparence, la beauté mais aussi la complexité, le double jeu et la dissimulation. La Cour est donc l’espace antireligieux par excellence. La foi et la vertu de la Princesse de Clèves sont mises à l’épreuve à la Cour. Elle essaie tout au long du roman de s’en extirper (lorsqu’elle part à la campagne), mais sans succès, soit à cause de son mari, soit à cause de ses obligations sociales. On observe l’influence de la doctrine religieuse janséniste dans le dénouement austère : la retraite à la campagne marque un retour à la foi religieuse. L’expérience du péché et de la dissimulation est rachetée par le renoncement au plaisir à la fin du roman. La cour est donc un espace dangereux qui empêche les personnes même vertueuses d’en réchapper. Madame de Chartres, au moment de mourir, précise à sa fille encore jeune : "Retirez-vous de la cour" comme s’il s’agissait d’un espace diabolique.

En effet, sous ses dehors aimables et luxueux, cette politesse de cour recèle un tissu d'intrigues, d'hypocrisies et de trafics d'alliances. Les courtisans se livrent sans scrupules à des trames perpétrées des trahisons. C'est l'exercice incontrôlé du "droit de guerre" (sous le couvert de la galanterie) qui justifie aussi bien l'usurpation que la conquête, la ruse que la force. Toutes les intrigues inscrites en marge du récit soulignent cette distinction entre la réalité et ce qu'elle révèle. La cour offre l'image d'une aristocratie parasite, oisive, vivant aux crochets du roi : monde de défiance perpétuelle, des autres et de soi. Le rôle essentiel de tout courtisan se réduit à pratiquer la flatterie servile. La grande préoccupation consiste désormais à attendre le mot d'ordre du roi, à noter tous ses gestes et ses signes. Les aristocrates ne sont plus que des marionnettes du roi et essayent de camoufler tant bien que mal cette servitude derrière des dehors glorieux. Ces critères entrainent cette haute société vers la facilité matérielle et la soumission morale : jouir et obéir, tels étaient les mots d'ordre de tout courtisan.

Dans La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette interroge les rapports entre l’individu et la société. L’individu doit se dissimuler à l’égard de la société. La Cour est un espace dangereux où les individus s’exposent aux regards et à la concupiscence comme le montre le champ lexical important du regard dans la première partie du roman. Dans cet univers de faux-semblants, chacun cache sa vie intérieure. La princesse dissimule donc sa passion amoureuse dans une société qui déteste les écarts. Une des lois de cette société est la bienséance, elle ramène l'individu à sa fonction sociale en réprimant en lui tout ce qui est particularité de caractère et de sentiment : les rôles, les attitudes, les opinions se codifient. Chacun est tenu par son rang et sa naissance à une certaine conduite, quelles que soient ses préférences personnelles. Les gestes, la tenue des courtisans obéissent à un rituel mondain ; le rouleau compresseur de l'État (et de la société) a écrasé toute diversité. Les courtisans sont soumis aux servitudes de la cour qui impose les goûts, les préjugés, la mode, et dont les pressions se font de plus en plus fortes. C'est le renoncement à l'individualité qui s'efface devant le règne du conformisme, de l'esprit d'acquiescement aux normes sociales. La cour devient un concours de grimaces. Le rituel mondain gonfle les mots, et les sentiments y tiennent lieu d'actes. La bienséance régit tous les rapports entre les personnages, même entre mère et fille, mari et femme. Madame de Chartres renvoie sa fille qui "fond en larmes sur sa main", interrompt un entretien "qui les attendrit trop l'une et l'autre", et refuse de la revoir pendant les deux jours qui lui restent à vivre. Monsieur de Clèves est forcé par les règles de la bienséance à se retenir de montrer sa passion à sa femme par crainte de l'importuner par des "manières qui ne convenaient pas à un mari." La princesse excuse la froideur par laquelle elle répond aux sentiments du prince par la bienséance "Il me semble" lui dit-elle "que la bienséance ne me permet pas que j'en fasse davantage." Les yeux de la princesse sont à peine "un peu grossis" lorsqu'elle se sépare à jamais de Nemours, et le pauvre sourire qui éclaire un instant ses traits immobiles traduit mieux la désolation de son cœur.

À son tour le langage devient fortement institutionnalisé : tous les personnages s'expriment de la même façon, utilisent les mêmes mots. Le discours obéit à des règles rhétoriques avérées ou cachées : il y a ce qu'on peut dire et ce qu'on ne dit pas.  Le code et les codificateurs convergent pour étouffer la parole. L'État et la société donnent et fixent le sens, tout est sévèrement épuré. L'idéologie politique du pouvoir pèse sur la parole pour la métamorphoser en platitude. Le discours accepte des normes préfabriquées, des "valeurs" toutes faites qui passent dans les mots. Il véhicule les redondances des significations et des groupes de mots figés. L'usage de la langue prolonge des préalables, des "lieux communs" jamais remis en question. Le discours tourne autour de tautologies, de pléonasmes. Il délaisse et dédaigne le sens pour rester au niveau des significations et devient le triomphe de la "fonction référentielle". Au lieu de se référer à un contenu, une praxis, des données sensibles, il se fétichise et devient le référentiel pour des groupes qui n'ont plus d'autre lien que la parlerie.

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