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Conon de Béthune, "Jadis dans un autre pays"

Commentaire de texte : Conon de Béthune, "Jadis dans un autre pays". Recherche parmi 303 000+ dissertations

Par   •  6 Octobre 2025  •  Commentaire de texte  •  2 036 Mots (9 Pages)  •  30 Vues

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Commentaire Composé : Conon de Béthune, « Jadis dans un autre pays »

            Ce poème de Conon de Béthune (vers 1150-1219) est un excellent exemple de poésie courtoise qui rompt avec les conventions habituelles. Rédigé par un trouvère, il prend la forme d'un dialogue vif et conflictuel (le tenson) entre une dame vieillissante qui se veut encore dominante et un chevalier moqueur. Loin de la louange inconditionnelle, le texte met en scène une joute verbale pour explorer les thèmes de l'amour inconditionnel et du temps qui passe. Nous nous attacherons dans un premier temps à analyser en quoi ce texte conserve et se joue en même temps des codes courtois pour ensuite mettre en lumière la mise en scène théâtrale de la joute verbale des deux amants, enfin nous montreront en quoi ce texte repose également sur une volonté didactique de rappeler à la sagesse d’une conscience du temps qui passe.

I. Le détournement de la fin ‘Amor

        Le texte s'ouvre sur les codes de la fin ‘Amor avant de les subvertir, créant une tension dramatique autour du refus.

A. L'Installation du Cadre et des Codes Courtois

             Le poème s'ouvre avec une introduction narrative ("Jadis dans un autre pays...", v. 1), typique des poèmes de trouvères, qui installe le cadre d'un conte intemporel. Les premières strophes reprennent le champ lexical de l'amour courtois. Les rôles traditionnels sont établis : le chevalier est celui qui "aime" et "sert" (v. 2, 7) ; la dame est l'objet de cet amour et détient le pouvoir "fut à son avantage", v. 3. L'attitude du chevalier est celle d’un « vassal » v. 20 soumis : il "endura son amour". Ce dernier vers grâce à l’allitération en « r » évoque l’idée de dureté dans l’amour, d’un combat long et difficile pour gagner les faveurs de la Dame, idée défendue dans la Fin’Amor  Les apostrophes « Dame » et « Vassal » et le vouvoiement établissent bien qui sont les protagonistes et que l’on se situe dans le mythe de l’amour courtois. La périphrase « Je vous ai longtemps amusé par mes paroles » montre la patience du chevalier et exprime l'idéal de la loyauté inconditionnelle mais elle dévoile également le jeu amoureux superficiel d’une dame qui a longtemps profité des demandes du chevalier sans y répondre sérieusement. L‘assertion « votre amour est connu et prouvé » prouve que le chevalier s’est soumis aux codes de la fidélité et de la constance amoureuse. Mais le chevalier surprendra le lecteur par son attitude et sa réponse brutale.

B. Le Refus Brutal et la Bascule Ironique

             La courtoisie est brisée par la réaction inattendue du chevalier.  La rupture survient avec les paroles cinglantes du chevalier :

Le chevalier adopte une posture hautaine et arrogante : « Le chevalier la regarda bien en face », ainsi l’adverbe « bien » insiste sur le fait qu’il l’analyse longuement et de manière clinique. On comprend aussi que le chevalier est plus sûr de lui et affronte la dame. Son regard se veut supérieur et paraît plein d’arrogance.  L’utilisation des formules de politesse apparaissent d’autant plus ironiques, les formes sont conservées mais le fond idéologique du fin ‘Amor est entièrement renversé. L’allitération en (m) et l’assonance en (è) dans le vers « Qu’il m’est avis que vous n’êtes plus la même à mes yeux. » renforcent la constatation du changement qui est martelée mais avec une fermeté douce mais traduisant la persistance de cette nouvelle perception. Le pronom réfléchi « m’» et le déterminant possessif « mes » renvoient à sa propre personne, il y a une insistance sur le fait que le chevalier a désormais un avis bien à lui.  Ainsi il s’agit maintenant de lui avant tout.  Dans le vers « vous n’êtes plus la même » L’adjectif « même » est précédé d’une négation, la dame n’est plus celle qu’elle était mais le chevalier non plus.  Il n’est plus ce vassal loyal et dévoué mais se place comme un observateur critique et distant face à la dame. Il n’est plus question de cœur mais de physique. La réponse du chevalier à la dame, pleine d’impertinence, vient ainsi frapper du principe de réalité les idéaux de l’amour courtois : fidélité, loyauté et soumission à la femme aimée ont leurs limites, celles de l’âge et de la beauté.

II. La mise en scène d’une joute verbale

           La dispute dialoguée, avec ses caractéristiques formelles mais aussi stylistiques, est vivante et animée. Le cœur de cette dispute vise à se moquer du côté du chevalier et à sauver son honneur du côté de la dame. Chacun répondant de manière plus en plus vive et acerbe.

  1. L’attaque du chevalier

            Le chevalier se lance dans des critiques envers la dame, les termes péjoratifs  du champ lexical de la vieillesse « pâle et décolorée » ainsi que la comparaison : "Votre beau visage qui ressemblait à la fleur de lis » révèlent qu’elle a perdu la fraicheur et la pureté de sa jeunesse. L’hyperbole « Me paraît avoir tellement changé de mal en pis" accentue l’idée que le temps gâte chaque jour davantage son éclat.  L'image classique de la beauté parfaite "fleur de lis" est juxtaposée à sa dégradation "mal en pis" signifiant que l'idéal est perdu. L’utilisation des imparfaits « j’ai ouïe dire » « ressemblait » signifie à la dame que sa beauté appartient au passé, qu’elle est révolue. L’opposition des adverbes « jadis » et « aujourd’hui » mettent en lumière l’idée d’un changement important, l’exagération du changement est mise en relief par l’utilisation de l’adverbe « tellement » dans le vers « me parait avoir tellement changé ».  La comparaison à la ville de Troie « cette ville fut jadis de très grande puissance, est particulièrement violente car elle insinue la destruction totale de sa grandeur. Le champ lexical de la vue « il vit « la regarda » « mes yeux » marquent l’importance accordée à son aspect physique qui représente le socle de son attaque.

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