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États généraux de la bioéthique - Quelques leçons du passé

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Par   •  19 Mai 2025  •  Étude de cas  •  4 768 Mots (20 Pages)  •  118 Vues

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États généraux de la bioéthique, quelques leçons du passé

Marie-Angèle Hermitte

Le droit français de la bioéthique est né en 1994 sous la forme d’une « loi expérimentale », marque d’une incertitude qui fut maintenue lors de la révision de 2004. Lorsque fut entamée la deuxième révision, en 2009, la question fut posée de savoir si l’on conservait ce dispositif inquiet[1] qui n’avait plus guère de raisons d’être au regard de choix fondamentaux, consensuels et adoubés par le Conseil constitutionnel. Votée en 2011, cette loi entendit sortir du modèle expérimental après l’organisation d’« états généraux de la bioéthique » décidés et mis en scène par Nicolas Sarkozy. Le président de la République voulait « permettre, sur ces questions décisives et sensibles, d’informer et former » le public ; « à tous les points de vue de s’exprimer » ; aux citoyens de faire connaître leur avis sur des sujets qui engagent « les valeurs essentielles sur lesquelles est bâtie notre société »[2]. L’expression « états généraux » excitant le souvenir de 1789 et de la transformation radicale du mode de gouvernement qui résulta de la procédure, nous chercherons à aller au-delà du mot pour savoir ce que le passé peut dire du présent.

  1. Les messages de la monarchie, un pas de deux gouvernants - gouvernés

En 1302, la convocation de la noblesse, du clergé et du tiers état par Philippe le Bel lors d’un conflit avec la papauté, inaugura la pratique des états généraux. Le roi, pourtant « source des droits », voulut ainsi obtenir des communautés formant le peuple assemblé un « assentiment » à son action »[3]. Quand on reprend la totalité des questions qui seront abordées lors de ces grands événements allant de 1302 à 1614 – dernière convocation avant 1789 -, on est renvoyé à deux types de circonstances : la question du consentement à l’impôt, sans intérêt pour nous ; la gestion des crises les plus graves, crises dynastiques, l’affaire des templiers ou le paiement de la rançon du roi fait prisonnier en 1356, - ce qui permit aux états d’imposer au dauphin un conseil de 28 membres pour encadrer son action[4]. La procédure échoua à empêcher l’évolution vers l’absolutisme, mais cela n’empêche pas d’en extraire les éléments intéressants.

On retiendra en premier lieu la fonction de réassurance du pouvoir confronté à des situations difficiles et, au-delà, les particularismes des procédures. La consultation est organisée ordre par ordre, échelon local par échelon local. Le roi est celui qui convoque, par des lettres personnelles pour les grands, par des systèmes descendants pour le clergé, par les baillis et sénéchaux qui transmettent aux maires ou aux consuls, jusqu’ à la ‘tota communitas’[5] ; les habitants peuvent être réunis à l’appel du crieur sur la place publique pour choisir leurs mandataires et discuter des termes du mandat[6]. Tout cela aboutira à une décision qui remontera vers le roi par des représentants munis d’un mandat impératif dont le contenu avait été débattu et voté. La procédure est aussi l’occasion de faire monter les cahiers exprimant plaintes et propositions de réformes qui partent de la vie quotidienne pour s’élever aux questions de législation[7]. Les procédures de vote peuvent nous intéresser, allant de l’unanimité aux majorités – qualifiées, absolues, relatives – jusqu’à l’étrange saniorité qui retient la solution minoritaire lorsqu’elle est jugée meilleure après recours à un arbitre respecté ou des compromissaires. On retiendra aussi la « dose de tirage au sort » destinée à éviter les effets de clientèle[8]. Enfin, dans le cas particulier de l’administration consulaire, on retiendra l’obligation qui leur est faite de rendre compte de leur administration, voire de répondre aux accusations et mécontentements. Des précautions étaient prises pour éviter les conflits d’intérêts, cumuls de fonction interdits, prise en compte des relations familiales, des liens de vasselage et des liens économiques[9].  C’est aux similitudes et différences des différents états généraux de la bioéthique que l’on va se consacrer.

  1. Les « états généraux de la bioéthique » et la traditionnelle réassurance du pouvoir en place 

En 2009, une procédure originale est donc lancée par le président de la République pour « associer les citoyens » et éviter que les experts ne « confisquent » la parole. Nicolas Sarkozy impose des forums régionaux, des auditions retransmises, l’association des grands courants de pensée, il dicte les sujets à aborder, mais ne laisse pas de place à un éventuel mouvement de bas vers le haut (type remontrances, doléances).  Il nomme des proches pour former le comité de pilotage (COPIL) chargé de l’organisation. Le COPIL innove en ajoutant au projet présidentiel trois jurys citoyens situés en province, bénéficiant d’une formation pendant trois week-ends et d’un contact avec des « grands témoins ». Il y a donc une invitation venant d’en haut, puis un aspect citoyen et un aspect provincial.

Les représentants du pouvoir reprennent aussitôt la main puisqu’ils écrivent le rapport de synthèse et tiennent la conférence de presse en faisant disparaître les citoyens. Des conclusions importantes de leurs recommandations seront écartées, ce qui est normal, mais sans reddition de comptes – ce qu’aurait dû faire le COPIL[10]. Le gouvernement se félicite et institutionnalise le procédé en le rendant obligatoire par l’article 46 de la loi de 2011 (1412-1-1 du CSP) : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société́ soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux (…). Les états généraux sont définis en ces termes : ils « réunissent des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. Les experts participant à la formation des citoyens et aux états généraux sont choisis en fonction de critères d’indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité. ».

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