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Discours de la flagellation

Commentaire d'arrêt : Discours de la flagellation. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Avril 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  2 049 Mots (9 Pages)  •  218 Vues

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Commentaire de texte : « séance de la flagellation »


Introduction

Le long règne de Louis XV (cinquante-neuf années) présente deux aspects, contradictoires en apparence seulement : d'un côté, une croissance économique progressive et satisfaisante malgré les inégalités régionales et sociales ; de l'autre un pouvoir de plus en plus isolé, incapable de répondre à l'attente d'une opinion publique qui s'appuie sur la philosophie des Lumières, alors triomphante et combative. En effet, Louis XV collectionne les agrandissements territoriaux dans la paix (il reçoit la Lorraine et la Corse sans livrer bataille) alors que les menaces d'invasion étrangère ne semblent plus que de lointains souvenirs. La « bonne machine », comme disait Louis XV, fonctionne tant bien que mal. En certaines mauvaises années, le peuple s'agite parfois, sans pour autant ébranler la sérénité de Versailles. La population française s'accroît comme ses productions ; les affaires marchent, la rente foncière se gonfle après 1730 et la France domine l'Europe culturelle. Cette civilisation brillante dissimule pourtant sous ses prestiges les lézardes qui ébranlent progressivement cet édifice politique et social. De toutes parts, l'État absolutiste devient la cible des intérêts frustrés ou en passe de l'être. Les ambitions nobiliaires et bourgeoises se liguent contre le système politique, et les parlements - réceptacles de toutes les oppositions - sont hostiles aux réformes qui permettraient au roi d'ouvrir une nouvelle voie à la monarchie. Le Parlement de Paris prend la tête des revendications des parlements et prétend pouvoir délibérer sur les textes dont le roi a ordonné l'enregistrement.

Après de nombreux conflits, Louis XV décide de mettre un terme à l'opposition constante des parlements en se rendant, à l'improviste au Parlement de Paris le 3 mars 1766 pour rappeler aux parlementaires, en un lit de justice préparé collectivement par un maître des requêtes, Calonne et par le conseiller d'Etat Gilbert de Voisins, son absolue puissance. Le document consiste en un procès verbal de cette séance, dite « séance de la flagellation » en raison de la sévérité des propos du souverain. Le terme lit de justice désigne une session du Parlement tenue en présence du roi. Louis XV utilisa à maintes reprises cet instrument juridique pour tenter de contrôler les différentes révoltes du Parlement, la « séance de flagellation » est un lit de justice demeuré célèbre.

On insistera donc tout d'abord sur les oppositions des parlementaires au pouvoir royal (I), pour dans un deuxième temps nous interroger sur les principes affirmés dans ce lit de justice ainsi que sur leur portée (II).

I. Des Parlements insoumis à l'autorité royale

Afin de comprendre ce qui a poussé Louis XV à tenir un lit de justice dans lequel il s'exprime avec autant de sévérité à l'égard des parlementaires ( en réponse aux remontrances du Parlement de Paris qu'il fait lire par le sieur Joly de Fleury), il convient de s'intéresser aux revendications des parlementaires, ainsi que ce sur quoi elles se fondent (A), pour ensuite expliquer en quoi elles constituent une atteinte à l'absolutisme royal en usurpant certaines de ses prérogatives (B).

A. Fondements et illustration de leurs revendications

Les Parlements, instances juridiques, jouèrent un important rôle politique, ce sont les revendications liées à ce rôle qu'il convient d'éclaircir. Les Parlements avaient en effet compétence pour enregistrer les ordonnances royales. Dans le cadre de cette mission, ils pouvaient manifester leur opposition à une ordonnance par le vote de remontrances. Ils acquirent ainsi rapidement un pouvoir de critique et d'opposition à la monarchie absolue, même si le roi pouvait toujours les soumettre et imposer sa volonté. Le Parlement, pour justifier ses critiques et les délibérations tenues par les parlementaires sur les textes du roi, se dit investi d'une mission de contrôle de légalité des actes royaux. Ainsi Louis XV rappelle aux parlementaires, que le Parlement n'est pas « le protecteur et le dépositaire essentiel de [la] liberté » de la Nation. L'historien Michel Antoine considère en effet, que les magistrats rêvaient d'un « gouvernement des juges ».

Les parlementaires justifient leurs aspirations en prenant pour fondement les temps de Mérovée et de Clovis, se considérant ainsi comme les descendants des Francs, qui, réunis en plaids participaient à l'élaboration des lois. Louis XV fait référence à « ce qui s'est passé dans ces parlements de Pau et de Rennes ». Cette référence aux parlements de province s'explique par la résurgence de la théorie des classes, théorie largement invoquée lors de l'affaire de Bretagne dont il est ici question. L'influence de Choiseul, qui dirige pratiquement la politique française sans pour autant avoir le titre de premier ministre, conduit le roi à reculer devant les colères des parlements. Cependant, deux parlements s'attirèrent les foudres du pouvoir royal. Louis XV brisa la résistance du parlement de Pau alors en pleine ébullition. En ce qui concerne le parlement de Rennes, ce dernier multiplia les remontrances et les critiques à l'égard du commandant en chef de la province, le duc d'Aiguillon. Face à cette fronde, le roi prit des mesures qui entraînèrent les parlementaires à démissionner. La Chalotais, procureur général du parlement de Rennes, et ses amis furent arrêtés et le parlement de Rennes fut remplacé par des conseillers d'Etat. Les autres parlements réagirent en justifiant leur intervention au nom de la théorie des classes, théorie selon laquelle les parlements seraient issus des plaids des rois francs et par la suite, de la Curia regis des premiers Capétiens, formant ainsi les « classes » du grand « Parlement de France ». C'est contre cette théorie que Louis XV s'élève : « Je ne souffrirai pas qu'il se forme en mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'en troubler l'harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois ordres du Royaume »

B. L'usurpation des prérogatives royales

Cette théorie des classes ainsi que la volonté des parlements d'affirmer des origines remontant aux plaids franques et de la Curia regis, développée dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, sous-entend que les membres des divers parlements ont des devoirs à accomplir et que ces prérogatives ne dépendent en aucun cas d'une concession du pouvoir royal et qu'elles ne sauraient par conséquent leur être retirées. En effet, par ces affirmations, les parlementaires entendent participer à l'élaboration des lois, comme il se faisait lors des plaids, et suivre la genèse des textes normatifs comme étaient appelés à le faire leurs ancêtres de la Curia regis.

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