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Commentaire d'arrêt Dieudonné

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Par   •  27 Mars 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  2 337 Mots (10 Pages)  •  622 Vues

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COMMENTAIRE DROIT ADMINISTRATIF

CE 9 novembre 2015 AGRIF :

Par cet arrêt du 9 novembre 2015, le Conseil d’État rappelle l’étendue des pouvoirs de police administrative et les conditions de légalité d’une mesure de police administrative.

En l’espèce, une circulaire du ministre de l’intérieur s’adressant aux préfets et datant du 6 janvier 2014 portant sur la « Lutte contre le racisme et l’antisémitisme – manifestations et réunions publiques – spectacle de M.B M’A » est remise en cause. Elle rappelait dans un premier temps le contexte général dans lequel s’inscrivait la représentation du spectacle « Le Mur » et les propos jugés racistes et antisémites qu’il véhicule, puis dans un second temps elle incitait les préfets à faire preuve d’une vigilance particulière et à prendre les mesures nécessaires pour la préservation de l’ordre public. Le ministre justifiait cette prise de position par plusieurs points : l’existence de risques graves de troubles à l’ordre public, les précédentes condamnations pénales de l’individu et l’existence de propos susceptibles d’attenté à la dignité humaine.

Suite à cette circulaire, de nombreux préfets à travers la France interdirent la représentation du spectacle. Le comédien et la société de production du spectacle déposèrent une requête le 6 mars 2014 puis un mémoire en réplique le 17 novembre au secrétariat du contentieux du Conseil d’État. Par cette requête, la société de production et le comédien demandent l’annulation de la circulaire du 6 janvier 2014 du ministre de l’intérieur ainsi qu’une somme 2 000 euros à la charge de l’État. Dans une ordonnance du 13 mars 2014, la présidente du tribunal administratif de Paris transmis la requête au Conseil d’État.

Ainsi, il est question de savoir dans quelle mesure le titulaire du pouvoir de police administrative peut-il prendre des mesures de police ?

La haute juridiction administrative a considéré que les requérants n’étaient pas fondés à demander l’annulation de la circulaire et a jugé cette dernière légale. Dans l’exposé de ses motifs, le Conseil d’État relevé entre autres, qu’au vu des précédents condamnations du comédien, du risque sérieux de troubles à l’ordre public et des propos tenus lors de la représentation, le ministre de l’intérieur était fondé à émettre cette circulaire.

L’argumentaire du Ministre de l’intérieur qui fut repris par le Conseil d’État comporte plusieurs points. D’une part, il retrace les contours entre police administrative et judiciaire (I). D’autre part, il rappelle les conditions nécessaires à la validité d’une mesure de police administrative (II).

  1. Un nouveau contour des frontières entre police administrative et judiciaire :

Au sein de leur requête, les plaignants invoquaient entre autres l’incompétence de la police administrative en matière de prévention de commission d’infractions pénales. Le Conseil d’État a rappelé au travers de cet arrêt le rôle préventif de la police administrative en matière d’infractions pénales (A) en évoquant le lien indéniable qui existe entre prévention des infractions pénales et protection des libertés fondamentales (B).

  1. Un rappel nuancée du rôle préventif de la police administrative en matière d’infractions pénales :

Le Conseil d’État formule ici « qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police administrative de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour prévenir la commission des infractions pénales susceptibles de constituer un trouble à l’ordre public ». La juridiction reprend ici la position qu’elle avait adopté un peu plus tôt à l’occasion des différentes ordonnances référé-liberté liée à cette affaire, par exemple celle en date du 9 janvier 2014, ou le juge des référés avait déclaré « qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ». La protection de l’ordre public nécessite à la fois la prévention des éventuelles atteintes ainsi qu’un retour à l’ordre une fois celles-ci réalisées. Pour se faire, a été développé la prise de sanction afin de punir le coupable. Cette prise de décisions est répartie entre police administrative et police judiciaire. Dans une conception classique, la police administrative aurait pour principal but d’éviter un trouble général à l’ordre public. La police judiciaire quant à elle, aurait pour finalité de constater une infraction pénale déterminée, commise, sur le point de se commettre ou supposer se commettre et d’en rechercher les coupables afin qu’ils soient jugés devant les juridictions pénales. Mais la mise en œuvre de ce critère de distinction peut être mis à mal du fait qu’un même acte puisse être à la fois constitutif d’un trouble à l’ordre public et d’une infraction pénale. Dans une telle situation, lorsqu’une personne est sur le point de commettre un tel acte, chacune des deux polices se considèrent légitimes à intervenir. Pour la police judiciaire, c’est l’infraction et son auteur qui sont visés. De son côté, la police administrative envisage l’infraction pénale sur le point de se commettre de manière objective, en tant que trouble à l’ordre public dont il est nécessaire d’empêcher la réalisation. En l’espèce, le ministre de l’intérieur, titulaire du pouvoir de police administrative, considérait que les propos qui seraient tenus lors de cette représentation étaient pénalement répréhensibles et susceptibles de troubler l’ordre public. Il serait donc tout à fait légitime qu’il puisse prendre des mesures afin d’éviter la commission de ces infractions. Le Conseil d’État fut du même avis et considéra que le ministre de l’intérieur était en l’espèce fondé à prendre de telles mesures. Ce point suscita de vives réactions du monde juridique et politique.

  1. L’existence d’un lien indéniable entre prévention des infractions pénales et des protection liberté fondamentales :

Le Conseil d’État formule ici « qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police administrative de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour prévenir la commission des infractions pénales susceptibles de constituer un trouble à l’ordre public sans porter d’atteinte excessive à l’exercice par les citoyens de leur libertés fondamentales ». Pour beaucoup, la police administrative outrepasserait ses compétences lorsqu’elle s’occupe du domaine préventif des infractions pénales. En effet même si le titulaire du pouvoir de police administrative semble être dans une démarche de protection des libertés fondamentales des individus notamment le respect de la dignité de la personne humaine, avec cette prise de mesures il pourrait restreindre les libertés d’expression et de réunion d’autre personnes. Pour toute une partie de la doctrine, ce pouvoir n’appartiendrait pas à l’administration et elle ne devrait donc pas pouvoir édicter des mesures en matière de prévention d’infractions pénales. Le ministre de l’intérieur ainsi que le Conseil d’État développe une autre pensée. La police administrative a pour but principal la préservation de l’ordre public et la prévention des troubles qui peuvent lui être causé. Ne pas octroyer au titulaire du pouvoir de police administrative la prise de mesure pour prévenir la commission d’une infraction par ce que cette dernière relève du domaine pénale priverait l’autorité administrative de son rôle de prévention. La police administrative devrait donc laisser se produire les infractions les plus graves, puisque pénalement répréhensibles. Le Conseil d’État, dans son arrêt du 20 décembre 1985 connu sous le nom de SARL Éditions du Pharaon, avait affirmé que des mesures de police administrative pouvait être prises afin d’interdire de manière préventive des publications à caractère pornographique, alors que cet acte était condamnable pénalement en vertu de l’article 283 du Code pénal. Néanmoins, la prévention de la survenue d’infractions pénales ne figure pas comme un nouveau but de la fonction de police administrative. En effet, c’est au nom de sa mission de préservation de l’ordre public qu’elle peut agir dans le domaine des infractions pénales. Ces dernières ne relèvent donc de son domaine uniquement lorsqu’elles sont « susceptibles de constituer une atteinte à l’ordre public ».

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