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W ou le souvenir de George Perec

TD : W ou le souvenir de George Perec. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  8 Décembre 2015  •  TD  •  2 477 Mots (10 Pages)  •  1 309 Vues

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        W ou le souvenir d’enfance est une œuvre importante et caractéristique de la carrière de George Perec. Alors qu’il nous raconte un moment de sa vie, l’enfance, qui est généralement une période facile à vivre, sans heurts ou complications, Perec met en application son goût pour les jeux littéraire et les contraintes. Cela s’inscrit directement dans le choix de notre auteur et démontre son implication totale au sien de l’OuLiPo. Cet ouvrage allie la fiction à l’autobiographie. Écrire le souvenir à partir de l’oubli, dire l’innommable, désigner l’indicible. C’est autour de ce programme paradoxal que s’articule le texte W ou le souvenir d’enfance. L’auteur n’hésite pas à l’affirmer sans détour : « Je n’ai pas de souvenirs d’enfance » (p 13) ou encore « je sais que je ne dis rien » (p58). C’est donc face à ce vide ou à ce mutisme que se déploie l’écriture. Dans ce cas, le narrateur s’applique à retrouver un passé, par ailleurs incertain, et à inventer une histoire, une allégorie ou un fantasme. Nous nous demanderons alors dans quelle mesure W ou le souvenir d’enfance est-il à l’image de « ces dessins dissocies, disloqués dont les éléments épars ne parvenaient presque jamais à se relier les uns aux autres ». W ou le souvenir d’enfance se présente alors comme le récit de l’enfance de Perec, une autobiographie. Cependant, concrètement son autobiographie est vide ou du moins à l’opposé de ce que nous pouvons attendre d’une autobiographie. Dans un premier temps nous verrons la structure du livre de Perec qui est elle-même « disloquée ». Puis nous verrons les raisons cet dissociassions.

En effet, cet ouvrage allie la fiction à l’autobiographie. De prime abord, tout semble opposer les deux histoires qui le composent, l’une autobiographique et l’autre fictionnelle. Les chapitres impairs sont dédiés à la fiction et s’alternent avec les chapitres pairs qui sont autobiographiques. Ajoutons que le livre est divisé en deux grandes parties séparées par une page blanche où seul sont inscrit trois points de suspension entre parenthèse ce que donne une quadripartition. Cette dualité se devine dans le titre, qui impose un choix, et par la lettre W, que l’on peut justement divisé en deux qui induit une symétrie parfaite. Il y a donc une division et un lien.

Le premier récit, écrit en italique, a été rédigé par Perec durant son adolescence et débute comme un récit d’aventures. Le narrateur, Gaspard Winckler, décide de nous dévoiler son voyage sur l’île W. Après qu’il a déserté les champs de bataille d’une guerre, on ne sait laquelle, une fausse identité lui a été attribuée afin qu’il puisse rejoindre l’Allemagne. Le temps passe, jusqu’au jour où un certain Otto Apfelstahl propose alors au narrateur de partir à sa recherche.

Le récit d’aventure s’arrête là, ce qui est assez frustrant pour le lecteur car on ne sait pas si le narrateur va accepter la proposition d’Otto Apfelstahl, et la seconde partie de cette fiction débute. Perec livre une description encyclopédique de l’île de W, sans narrateur et très détaillée. W est une île ou le sport est roi. Elle est divisée en quatre villages : W, Nord-W, Ouest-W, Nord-Ouest-W. Au sein de ces villages, des compétitions ont lieu quotidiennement, tandis que des championnats inter-villages se déroulent chaque mois et chaque année.

La partie autobiographique est écrite en caractère romains et raconte, comme le titre l’indique, l’enfance de l’auteur. Dans la première partie, Perec retrace ses six premières années, alors que ses parents étaient encore en vie. Ses souvenirs sont flous et confus, il doit s’aider de photos pour décrire le visage de ses parents. Cette partie se termine par la séparation avec sa mère, sur le quai de la gare. La seconde partie est plus prolixe en souvenirs car des témoins, surtout sa tante et sa cousine, ont pu lui rapporter leur version des faits. Après avoir rejoint la zone libre, George Perec fut adopté par sa tante Esther et son mari qui séjournait à Villard-de-Lans. Il raconte alors ses premiers souvenirs d’école et sa découverte de la lecture. On quitte l’enfant à la Libération, alors qu’il regagne Paris avec sa famille.

Ainsi, les deux textes semblent au premier abord radicalement différents et on se demande bien pourquoi Perec a choisi de les réunir. Mais si on les examine en détail, il devient évident qu’ils sont indissociables. C’est l’auteur lui-même qui révèle le lien principal qui existe entre eux : la dictature.  

En effet, si W est d’abord présentée comme une île utopique, elle devient bien vite une contre-utopie où les sportifs sont torturés voire tués, affamés et privés de leur identité puisqu’ils n’ont même plus de noms et sont désignés par leurs titres. Il y a une sélection dès la naissance, on tue les petites filles pour avoir plus de garçons, puis on enferme les femmes, qui ne sont utiles qu’à la reproduction. Les athlètes qu’a dessinés Perec adolescent sont décharnés, disloqués, ont des « faciès inhumains ». Evidemment, on ne peut s’empêcher de faire le lien avec le nazisme dont la famille de Georges a été une de nombreuses victimes. De plus, il existe de nombreuses similitudes entre Gaspard Winckler (le vrai comme le faux) et Perec. Le véritable Gaspard est muet, ce qui rappelle le silence des proches de Georges sur la disparition de sa mère et renvoie au blocage qu’il a éprouvé lors de l’écriture du livre. Cyrla Perec et Cazcilia Winckler ont toutes deux sacrifié leur vie pour sauver le seul et unique enfant, le laissant sans repère, comme adonnée. Le narrateur, le faux Gaspard, est orphelin de père. Tout comme Perec, son père est décédé « des suites d’une blessure ». Le vocabulaire de la souffrance jalonne tout le livre, qu’il s’agisse de ces athlètes torturé ou du jeune Perec qui s’imagine avoir eu diverses blessures, comme un bras cassé ou l’opération d’une hernie.

Comme nous l’avons vu précédemment, le texte de Perec est construit sous le signe du double : d’un côté, des bribes de souvenirs épars et brouillés d’un enfant pendant la guerre; de l’autre, le récit d’une cité où la vie est exclusivement centrée sur les activités sportives. D’un côté, une autobiographie ponctuée par le doute, l’hésitation et l’émiettement; de l’autre, une aventure épique, à la fois grandiose et suspecte. Dans ce cas, L’écriture du moi et l’écriture impersonnelle s’alternent sans se confondre et impriment dans le texte une trajectoire à double objectif que Perec définit par cette formule : « rester caché, être découvert « (p 14). C’est sur cette ligne médiane entre les deux modes d’écriture (parler à visage découvert et parler derrière un masque) que le moi exprime le mieux son identité, une identité complexe, embrouillée et insoutenable, où le désir de savoir la vérité n’exclut pas le champ de la fiction.

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