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Sujet Pondichery

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Par   •  6 Décembre 2013  •  2 751 Mots (12 Pages)  •  771 Vues

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PONDICHERY MARS 2006

SÉRIE L

Objet d'étude : Le théâtre. Texte et représentation. Convaincre, persuader, délibérer.

Textes :

Texte A - Marivaux, L'île des esclaves (1725), scène 1 et scène 2 (extrait)

Texte B - Jean Anouilh, Antigone (1944), extrait

Texte C - Jean-Paul Sartre, Les Mains sales (1947), 6ème tableau, scène 2 (extrait)

Texte D : Bernard-Marie Koltès, Le Retour au désert (1988), extrait.

Texte A - Marivaux (1688-1763), L'île des esclaves (1725)

[La scène se passe sur une île ; Iphicrate, citoyen d'Athènes, vient d'y être jeté par la tempête en compagnie de son esclave Arlequin. Ils sont apparemment les seuls survivants du naufrage. Nous sommes dans une antiquité de convention.]

Scène 1

IPHICRATE. Eh ! ne perdons point de temps, suis-moi, ne négligeons rien pour nous tirer d'ici ; si je ne me sauve, je suis perdu, je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes dans l'île des Esclaves.

ARLEQUIN. Oh, oh ! Qu'est-ce que c'est que cette race-là ?

IPHICRATE. Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans sont venus s'établir dans une île, et je crois que c'est ici : tiens, voici sans doute quelques-unes de leurs cases ; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de les jeter dans l'esclavage.

ARLEQUIN. Eh ! chaque pays a sa coutume ; ils tuent les maîtres, à la bonne heure, je l'ai entendu dire aussi, mais on dit qu'ils ne font rien aux esclaves comme moi.

IPHICRATE. Cela est vrai.

ARLEQUIN. Eh ! encore vit-on.

IPHICRATE. Mais je suis en danger de perdre la liberté, et peut-être la vie ; Arlequin, cela ne te suffit-il pas pour me plaindre ?

ARLEQUIN, prenant sa bouteille pour boire. Ah ! je vous plains de tout mon cœur, cela est juste.

IPHICRATE. Suis-moi donc.

ARLEQUIN siffle. Hu, hu, hu.

IPHICRATE. Comment donc, que veux-tu dire ?

ARLEQUIN, distrait, chante. Tala ta lara.

IPHICRATE. Parle donc, as-tu perdu l'esprit, à quoi penses-tu ?

ARLEQUIN, riant. Ah ! ah ! ah ! Monsieur Iphicrate la drôle d'aventure ; je vous plains, par ma foi, mais je ne saurais m'empêcher d'en rire.

IPHICRATE, à part les premiers mots. Le coquin abuse de ma situation, j'ai mal fait de lui dire où nous sommes. Arlequin, ta gaieté ne vient pas à propos, marchons de ce côté.

ARLEQUIN. J'ai les jambes si engourdies.

IPHICRATE. Avançons, je t'en prie.

ARLEQUIN. Je t'en prie, je t'en prie ; comme vous êtes civil1 et poli ; c'est l'air du pays qui fait cela.

IPHICRATE. Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour chercher notre chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens ; et en ce cas-là, nous nous rembarquerons avec eux.

ARLEQUIN, en badinant. Badin2 ! comme vous tournez cela !

Il chante. L'embarquement est divin.

Quand on vogue, vogue, vogue,

L'embarquement est divin.

Quand on vogue avec Catin3.

IPHICRATE, retenant sa colère. Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin.

ARLEQUIN. Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de m'en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là, et le gourdin est dans la chaloupe.

IPHICRATE. Eh ! ne sais-tu pas que je t'aime ?

ARLEQUIN. Oui, mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé. Ainsi tenez, pour ce qui est de nos gens, que le ciel les bénisse ; s'ils sont morts, en voilà pour longtemps ; s'ils sont en vie, cela se passera, et je m'en goberge4.

IPHICRATE, un peu ému. Mais j'ai besoin d'eux, moi.

ARLEQUIN, indifféremment. Oh ! cela se peut bien, chacun a ses affaires ; que je ne vous dérange pas !

IPHICRATE. Esclave insolent !

ARLEQUIN, riant. Ah ! ah ! vous parlez la langue d'Athènes, mauvais jargon que je n'entends5 plus.

IPHICRATE. Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon esclave ?

ARLEQUIN, se reculant d'un air sérieux. Je l'ai été, je le confesse à ta honte ; mais va, je te le pardonne : les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes j'étais ton esclave, tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort : eh bien, Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là, tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable, tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. Adieu, mon ami, je vais trouver mes camarades et tes maîtres. (Il s'éloigne.)

IPHICRATE, au désespoir, courant après lui l'épée à la main. Juste ciel ! peut-on être plus malheureux et plus outragé que je le suis ? Misérable, tu ne mérites pas de vivre.

ARLEQUIN. Doucement ; tes forces sont bien diminuées, car je ne t'obéis plus, prends-y garde.

Scène 2

TRIVELIN avec cinq ou six insulaires arrive conduisant une Dame et la Suivante, et ils accourent à IPHICRATE qu'ils voient l'épée à la main.

TRIVELIN. Arrêtez,

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